Le quotidien espagnol Público a révélé, dans un article publié le 26 septembre 2025 et repris par Maghreb Émergent, que la justice espagnole a renvoyé devant le tribunal deux anciens députés du Parti Populaire, Pedro Gómez de la Serna et Gustavo de Arístegui, ainsi que 21 autres prévenus et cinq sociétés, dans le cadre du dossier dit Elecnor.
Le parquet requiert contre les deux anciens responsables politiques 18 ans de prison, assortis d’importantes amendes et de la confiscation de millions d’euros perçus via des sociétés-écrans.
L’affaire, ouverte en 2015 à Madrid, met au jour un vaste système de commissions occultes qui aurait permis à des entreprises espagnoles de décrocher des marchés publics en Algérie, dont la construction de la station de dessalement de Souk Tleta (250 millions d’euros) et du tramway d’Ouargla (230 millions d’euros).
Des bénéficiaires algériens identifiés
Selon Público, les pots-de-vin ont profité à plusieurs hauts responsables algériens. Parmi eux, Abdelaziz Natouri, ancien directeur général de l’Énergie, aurait reçu un bien immobilier en France. L’entrepreneur Amar Aouci, le traducteur du président algérien Zine Hachichi et son fils auraient perçu des versements directs. Camelia Gherbi, fille d’une haute responsable de l’Agence nationale de régulation foncière, aurait vu ses études en Espagne financées par les intermédiaires du réseau. D’autres pontes ont sans doute aussi touché des pots-de-vin.
Les sommes transitaient par un montage financier sophistiqué impliquant des sociétés écrans basées à Dubaï, en Suisse, aux Pays-Bas et dans des paradis fiscaux.
Dix ans d’enquête… en Espagne
C’est un ancien collaborateur du cabinet Voltar Lassen, créé par De la Serna et De Arístegui, qui a déclenché l’affaire en déposant plainte auprès du parquet anticorruption espagnol en 2015. Après une décennie d’investigations, de perquisitions et de commissions rogatoires internationales, l’Espagne s’apprête à juger ce qui apparaît comme l’un des plus gros dossiers de corruption transnationale impliquant des entreprises ibériques en Afrique du Nord.
Le silence des autorités algériennes
Mais une question reste en suspens : pourquoi, alors que des responsables algériens sont directement cités comme bénéficiaires de pots-de-vin, aucune procédure judiciaire n’a été ouverte en Algérie ? Que fait la justice algérienne si prompte à sévir contre les hommes politiques de l’opposition et les activistes ?
L’absence d’action du parquet algérien contraste avec la mobilisation de la justice espagnole, qui a mis en branle ses mécanismes pendant dix ans pour établir les responsabilités. Ce silence interroge sur la volonté réelle des institutions algériennes de poursuivre les affaires de corruption révélées à l’étranger, même lorsqu’elles touchent au cœur de l’administration et concernent des projets publics stratégiques.
Le futur procès en Espagne apportera sans doute de nouveaux détails sur l’ampleur du système de commissions occultes et sur les bénéficiaires finaux en Algérie. Reste à savoir si ces révélations suffiront à pousser la justice algérienne à rompre son mutisme.
La rédaction