Au moment où les arrestations de figures de l’opposition tunisienne se multiplient, le président du Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, a affirmé qu’il entrera en prison « le cœur serein » et « avec la conviction que le pouvoir s’enfonce dans sa propre impasse ».
Il s’est exprimé dans un entretien accordé au média Ultra Tunisie, peu après que son domicile a été encerclé par les forces de sécurité chargées d’exécuter la peine de 12 ans d’emprisonnement prononcée dans l’affaire dite de « la conspiration ».
« Je connais la prison, elle ne m’a pas fait peur dans ma jeunesse, elle ne me fera pas peur aujourd’hui »
Fidèle à son ton combatif, l’opposant de 81 ans dit assumer pleinement la sanction qui le vise : « J’ai exercé mes droits politiques de manière pacifique et légale. C’est pour cela que le pouvoir a choisi de me punir en fin de vie. Mais j’y vais sans renoncer à ma dignité. »
Pour Chebbi, cette arrestation n’est qu’un signe supplémentaire du « trouble profond » qui frappe les autorités tunisiennes. Il cite notamment l’arrestation de Chayma Issa, El Ayachi Hammami, et son propre cas, qu’il considère comme des « réactions paniquées » d’un pouvoir en perte de contrôle.
Une opposition recomposée et une « nouvelle familiarité » dans la rue
Malgré cette situation, Chebbi dit ressentir un véritable optimisme. Il évoque une dynamique politique qu’il juge inédite depuis des années : « J’ai participé aux manifestations du 22 et du 29 novembre. J’y ai vu une énergie nouvelle, une proximité entre toutes les composantes politiques, de Rached Ghannouchi à Abir Moussi. »
Cette « alchimie » nouvelle, explique-t-il, s’est aussi manifestée parmi les groupes de gauche et les collectifs féministes qui, selon lui, lui ont réservé un accueil inattendu malgré les divergences passées.
Une crise sociale qui amplifie la contestation
Pour Chebbi, l’autoritarisme actuel se conjugue avec un échec flagrant de la gestion sociale : crise écologique à Gabès, montée du chômage, tensions au sein de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), colère des médecins et des jeunes diplômés.
Ces signaux révèlent selon lui un pouvoir dépassé, incapable de répondre aux urgences économiques et sociales.
« Je ne sais pas combien de temps je passerai en prison… mais je sais que j’en sortirai bientôt »
L’opposant estime que le rapport de force évolue au détriment du pouvoir, persuadé que les arrestations — la sienne, celle de Chayma Issa et celle d’El Ayachi Hammami — « renforceront l’unité de toutes les forces démocratiques » face à la dérive autoritaire.
Il considère même que ces détentions pourraient devenir un point de bascule pour relancer un mouvement uni en faveur du retour à la démocratie.
Un climat de répression dénoncé par de nombreuses organisations
L’affaire de la « conspiration 1 », qui comprend 37 accusés, continue de provoquer indignation et inquiétudes dans les milieux politiques et juridiques. Les peines prononcées en appel — de 5 à 45 ans de prison — sont jugées « excessives et arbitraires » par plusieurs organisations nationales et internationales.
Les arrestations successives de Chayma Issa (29 novembre) et d’El Ayachi Hammami (2 décembre) ont accentué la colère d’une partie de l’opinion publique tunisienne, qui dénonce une stratégie d’intimidation visant à museler l’opposition.
Mourad Benyahia

