Site icon Le Matin d'Algérie

Algérie 2025, 6e année du Hirak : « la France et l’Europe seront-elles enfin solidaires » ?

Hirak

Le Hirak était une occasion de changement pacifique en Algérie.

Au cours de la première année du Hirak, le chercheur Thomas Serres, dans une tribune publiée dans Le Monde le 30 septembre 2019[1], a souligné la responsabilité de la France et de l’Europe dans le soutien apporté au régime algérien, notamment en formant et en équipant son appareil répressif. Il a ainsi appelé à une solidarité envers le peuple algérien, rappelant que les manifestants du Hirak aspiraient à vivre dignement dans leur propre pays.

Le Hirak représentait un espoir face à la « non-vie » imposée par le régime. Cependant, la France et l’Europe, au moment où le peuple algérien avait besoin de soutien, sont restées complices d’un régime qui a réprimé et étouffé la vie politique.

Le système contesté massivement par les Algériens le 22 février 2019 est toujours en place. Ce système a, à deux reprises, confisqué aux Algériens leurs luttes pour la libération : d’abord en 1962, lors de l’indépendance, puis le 12 décembre 2019, en détournant le Hirak.

En 1962, le pouvoir algérien, centré sur l’armée des Frontières, a imposé sa volonté par la force. Au fil des décennies, souffrant d’un déficit de légitimité, ce pouvoir s’est fragmenté en clans rivaux, signe de la déliquescence de l’État, ce qui a conduit à le qualifier, lors du Hirak, de régime militaire mafieux [2].

En confisquant le Hirak le 12 décembre 2019 en imposant un homme du système, en l’occurrence Abdelmadjid Tebboune, alors que le peuple réclamait à nouveau son indépendance [3], ce système a révélé sa véritable nature : un système antinational [4].

Le Hirak, mouvement populaire, pacifique et exemplaire, a démontré que le peuple algérien est plus mature et conscient que sa classe politique. Malgré la répression du régime qui qualifie les opposants de traîtres et pratique la terreur judiciaire avec l’article 87 bis du Code pénal, le Hirak continue de revendiquer le changement du régime. La façade civile n’est qu’un leurre et la prise de décision reste une énigme en Algérie. Le pays est dirigé par des pouvoirs rivaux et mafieux, dont le seul dénominateur commun est le mépris du peuple et son asservissement.

Le pouvoir n’a jamais été aussi ébranlé qu’aujourd’hui.

Le Hirak l’a rendu vulnérable, provoquant une guerre fratricide entre les clans, illustrée par la mort du chef d’état-major Gaïd Salah en décembre 2019 et de son entourage. C’est pourquoi le régime a tout verrouillé. Réellement aux abois, avec un front intérieur fragile, symbolisé par les slogans « je ne suis pas satisfait » et « je suis avec mon pays », qui illustrent la fracture sociale et la peur du régime et isolé sur la scène internationale, le pouvoir joue sa survie.

La seule carte qui lui reste est la surenchère nationaliste. Pour masquer son échec politique et économique interne, il brandit le spectre d’une Algérie assiégée par des ennemis traditionnels : la France, les opposants et le Maroc.

La France et l’Europe sont devenues le théâtre où le pouvoir algérien cherche à se maintenir, en actionnant ses relais, en menaçant les opposants à travers des activistes-influenceurs et s’invite avec fracas dans les débats et les paysages politiques français et européen.

La résolution du Parlement européen du 23 janvier 2025, condamnant le pouvoir algérien amorce-t-elle une nouvelle politique ? L’Europe sera-t-elle enfin solidaire du peuple algérien ?

Le Hirak entame sa sixième année le 22 février 2025. Le système, en imposant Tebboune a voulu assigner au Hirak un changement clanique ; mais la véritable aspiration du Hirak reste le changement du système, donc reconquérir l’indépendance confisquée au peuple algérien en 1962.

Les Algériens en ont assez. Assez d’un système opaque. Assez d’un système oppressif et liberticide. Assez d’un système criminel, corrompu et corrupteur. Assez du slogan fallacieux de l’Algérie nouvelle. Ce régime, en falsifiant l’histoire de la guerre de libération a trompé le peuple et l’a trahi. En instrumentalisant la sympathie internationale pour les souffrances endurées par l’Algérie pour arracher son indépendance, il a fini par défigurer l’Algérie et les Algériens.

Le pouvoir a peur du Hirak. Il sait maintenant qu’il est sous surveillance et ne peut plus réprimer comme avant. Hélas, le visa pour la France continue de représenter un projet de vie pour de nombreux Algériens. En plus d’être une menace pour l’intégrité territoriale de l’Algérie et pour la cohésion sociale des Algériens, ce pouvoir, à travers ses relais, représente une menace pour les opposants algériens se trouvant sur le sol auropéen.

Être solidaire du Hirak, c’est venir en aide à un peuple victime de la « hogra [5] » (mépris et injustice) et c’est aussi mettre définitivement fin à la guerre d’Algérie, afin que les peuples algérien et français puissent entreprendre une nouvelle histoire ensemble.

Continuer à être complice du régime, c’est tourner le dos aux aspirations légitimes du peuple du Hirak qui veut vivre dignement chez lui, continuer à subir les contradictions permanentes du régime, les conséquences de l’émigration illégale et être témoin de son effondrement futur.

L’existence de l’Algérie est en question. L’heure est grave. Nous sommes dans l’urgence.

La mission de notre génération (celle du 22 février 2019) est de sauver l’Algérie de ce système. Un véritable sursaut populaire est nécessaire. Aux Algériens de se poser la seule question qui vaille : qu’as-tu fait à ton frère ? Qu’a fait l’Algérien du Système de l’Algérie et de son frère l’Algérien du peuple ?  Sur le colonialisme, il existe toute une littérature, principalement écrite par les Français eux-mêmes.

Mahmoud Senadji (Algérie du Peuple)

 Notes

[1] Thomas Serres, Algérie : « l’Europe et la France seront complices ou solidaires », le Monde, 29 septembre 2019.

[2] Il faut reconnaître que l’ensemble des analystes n’ont jamais pu trouver un qualifiant adéquat au système politique algérien, le Hirak, si : Moukhabarat irhabiya, tasquout Al mafia al askaria (Les Renseignements terroristes, à bas la mafia militaire).

 [3] Le 5 juillet 2019, au centre d’Alger, pour la deuxième fois dans son histoire, les Algériens ont scandé : «  Le peuple veut l’Indépendance ».

[4] Mouloud Hamrouche, Le système algérien est antinational, El Watan, le 4 septembre 2019

 [5] La Hogra (sentiment d’injustice et de mépris) concept sociologique qui résume la relation entre le pouvoir et le peuple. Par ce concept, le peuple revendique son statut de victime.

Quitter la version mobile