Lundi 17 août 2020
Algérie : Chto Kogo ? (qui contrôle qui ? Qui tient qui ?)
Le retour du Hirak/Amussu reste la hantise du pouvoir.
Ce n’est pas de l’amazigh, c’est du russe (1). Dans cette confusion généralisée de manipulations tous azimuts, le citoyen algérien ne s’y retrouve plus.
La situation était pourtant simple : il y avait d’un côté un système politique corrompu jusqu’à l’os depuis des dizaines d’années, d’un autre le peuple en révolte pacifique et déterminée qui veut en finir avec ce pouvoir, avec l’élan porté par le slogan providentiel : « système dégage ».
Cette volonté de renouveau et d’innovation pour une politique nouvelle en cohérence avec la volonté populaire s’est vite traduite dans les faits par la foire d’empoigne actuelle entre clans de différents horizons : les généraux affairistes, les services secrets, les militaro-civils prédateurs, les ex. et futurs diplomates, les ministres industriels trafiquants, les affairistes de bazar, les islamo-putschistes… Difficile de s’y retrouver.
Tous ces manipulateurs ventrus ne doivent certainement pas faire leurs nuits complètes dans leurs palais-forteresses, à l’ombre de leurs gardes en kalachnikovs.
Toutes ces manipulations et réactions en chaîne entre clans opposés et complices, jusqu’à s’interroger en usitant le célèbre « qui manipule qui ? », ont un seul but : semer la confusion pour démobiliser la population et continuer de gouverner en position d’arbitre et continuer de voler les richesses nationales. Il n’y a pas d’autre but, et la justice répressive, entre leurs mains, est mise à contribution.
Les récentes déclarations d’appels à la vigilance contre des risques de… contre-révolution constituent l’aspect sordide de leur politique politicienne en cours : utiliser tous les moyens et le mensonge pour semer le trouble et inhiber la mobilisation populaire.
La tactique par laquelle on gonfle le danger potentiel représenté par des groupuscules islamistes à la marge de l’histoire (même si le danger islamiste est une réalité dont il faut compter), et la fabrication de prétendus liens ‘’obscures’’ de militants pacifiques avec des médias ou des institutions de défense des droits humains à l’étranger, ne sauraient neutraliser cette mobilisation populaire et durable enviée par beaucoup de pays.
Le bricolage impossible
Aucun des clans en compétition ne pourrait faire avancer le pays vers cette nouvelle Algérie démocratique que réclame le peuple.
Ceci pour deux raisons :
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S’arroger le monopole du pouvoir pour ‘’faire le bonheur du peuple’’ est déjà une garantie d’échec. Si c’était possible, les dictatures et les partis uniques du monde ne se seraient pas encanaillés, auto-détruits et finalement condamnés par l’Histoire.
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Recruter dans le marécage de l’actuel système, des hommes et des femmes opportunistes, sans morale, rompus à toutes les magouilles et passe-droits ne pourrait produire demain une éthique collective capable de sursaut et de renouveau.
Personne n’est habilité aujourd’hui pour faire le bonheur du peuple.
C’est à ce peuple, dans la douleur, les dangers, mais dans l’euphorie de la mobilisation de construire le passage nécessaire vers cette Algérie nouvelle souhaitée pas toutes et tous.
La période de transition (2) est une nécessité vitale pour passer d’un monde honni vers un autre d’espoir et de justice sociale.
Cela ne se fera pas par du bricolage et des successions de guerres des clans, avec des acteurs aussi nationalistes et patriotes soient-ils.
Ce contexte particulier de lutte contre le coronavirus devrait être une opportunité pour le système d’aller de l’avant, dans le sens de l’histoire, et le peuple devrait se gader d’entrer dans les jeux truqués des clans.
C’est une évidence si l’on était entre gens raisonnables. Mais ce ne semble pas être le cas, et les systèmes totalitaires des pays du tiers-monde ne tirent jamais la leçon au bon moment, avant les dégâts…
A.U.L.
Notes :
(1) Chto kogo (‘’qui contrôle qui ?’’, ‘’qui gagne ?’’ en russe) : question que posait Lénine à tout propos ; phrase devenue célèbre.
(2) Le génie populaire algérien a trouvé le terme imagé pour bien nommer cette période de transition politique : asaka (gué de traversée d’une rivière).