«Ce qui a de plus beau dans les cimetières, ce sont les mauvaises herbes», nous dit Francis Picabia. L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable.
Ni l’Algérie, ni la France ne veulent regarder ce passé ensemble. Un passé qui leur renvoie leur propre image au présent. Un présent qui préfigure de leur avenir immédiat. La mort n’a jamais enfanté la vie. Il s’agit de sortir de la prison du passé et d’engager les relations sur la route de l’avenir. Un avenir hors de tous réseaux occultes dont les jeunes font les frais. Les algériens au milieu de la méditerranée, les français dans les rangs du terrorisme international produit des oligarchies financières qui avancent masquées’.
La révolution algérienne qui a démarré avec la mort d’un instituteur français tué par le FLN dans les Aurès s’est terminée avec l’assassinat de Mouloud Feraoun, un instituteur algérien par l’OAS à Alger. C’est là tout un symbole.
Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes ». L’enjeu des pouvoirs colonial et post-colonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption).
L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique économique et sociale Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien.
Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée.
Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique avec la découverte du pétrole dans le sud algérien), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée de justesse) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie post coloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire peu soucieux des intérêts de la majorité de la population.
En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique étranger aux réalités locales des populations, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et au développement économique. Les services secrets français ont joué un rôle important. Ce n’est pas un pur hasard que la plupart des ambassadeurs qui sont passés par Alger se retrouvent le plus souvent à la tête de ces services
Aujourd’hui, la France a-t-elle perdu pied en Algérie pour que son ambassadeur déclare avoir été surpris par le peuple algérien ? Depuis quand le peuple algérien fait partie de l’équation politique de la France ? « En politique, trahison, lâcheté, et hypocrisie sont des religions, c’est pour cela que nous avons de mauvais gouvernants » nous dit Laurent Denancy. Pour la France, en perte de vitesse, prise dans son propre tourbillon, « le ciel de l’Afrique est toujours « bleu », elle ne sait pas que d’autres couleurs lui disputent le monopole tel que le vert et le rouge. La stabilité des régimes garantit la pérennité de ses intérêts en Afrique. Des intérêts qui s’effritent, des peuples qui se révoltent, des élites qui se bousculent.
La décolonisation de l’Afrique a donné naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchiques, militaires, ou policier veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle.
La colonisation a émietté le continent pour en faire la propriété des Etats qui vont en faire une propriété privée. Les Etats africains dans leur configuration actuelle sont les produits de la décolonisation opposant des monarchies aux républiques, des dictatures militaires aux régimes laïcs, des Berbères aux arabes, les Marocains aux Algériens, des Tunisiens aux Libyens. Les Etats sont secoués de l’intérieur et menacés par l’extérieur. L’histoire est un éternel recommencement et la géographie une source intarissable de conflits.
Dr A. Boumezrag
Un très bon article. L’auteur aurait pu continuer et essayer de » nous donner » certaines lumières c’est à dire de possibles solutions.