Que cache le communiqué du Premier ministre, Nadir Larbaoui, publié 7 novembre ? Il a opposé un ferme démenti aux rumeurs faisant état de la suspension des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France.
Il s’avère donc, au sens de cet énigmatique communiqué, que ce que d’aucuns ont présenté comme une mesure de rétorsion que les autorités algériens auraient prises pour punir la France pour son alignemen sur les positions du Maroc sur la question du Sahara occidental étaient au final sans fondement. Du pipeau !
Pourtant, la rumeur avait bien circulé, durant toute une semaine, à la suite de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc et ses déclarations reconnaissant la souveraineté du royaume chérifien sur l’ex-colonie espagnole.
Des Youtebeurs algériens, installés en Europe, et qui passent pour être bien en cour auprès d’officines sécuritaires à Alger, ont traité le sujet, à satiété, affirmant avec force détails que l’Algérie a pris des décisions faisant état de l’arrêt immédiat des transactions commerciales entre Paris et Alger. Voire !
L »un d’entre eux avait fait lecture d’un communiqué non signé attribué à l’Association algérienne des banques (ABEF) qui enjoignait à toutes les institutions bancaires de la place d’Alger de ne pas procéder à la domiciliation bancaire pour la couverture de transactions commerciales de et vers la France. L’ABEF a-t-elle été sacrifiée ou ce document était un faux ?
Une chose est certaine, le communiqué des services de Nadir Larbaoui vient remettre les pendules à l’heure et mettre fin à « ces informations téléphonées ».
Mais qui avait distillé ces informations et pourquoi ?
La question qui taraude les esprits est de savoir qui est à l’origine de ces allégations et pourquoi le chef du gouvernement algérien s’est empressé de les démentir ?
Cette fois-ci, l’acte de vengeance comme ce fut le cas contre l’Espagne, n’aura pas lieu contre la France en dépit de son soutien à la solution marocaine pour le Sahara occidental.
Dans un système politique algérien connu pour son fonctionnement opaque, voire même bicéphale, il paraît bien difficile de percer l’origine de ce charivari. On nage dans une ambiance en clair-obscur, d’un brouillard de la guerre, annonciateur d’une rupture irrémédiable et imminente des relations déjà troubles entre la France et l’Algérie. Mais le divorce mainte fois annoncé n’aura finalement pas lieu. Bien plus, les affaires continuent aux grands bonheur des détenteurs de capitaux.
Un bizness florissant malgré les fâcheries diplomatiques
« Fâcherie ou pas, Sahara occidental ou pas les importations de voitures et céréales françaises remontent », écrivait le site tunisien spécialisé, tunisienumerique.com. La publication fournit des indicateurs éloquents sur les flux financiers qui n’ont pas cessé de circuler entre l’Algérie et la France malgré les coups de froid successifs connus par les relations entre les deux pays. A deux reprises, ces querelles diplomatiques se sont soldées par le rappel par l’Algérie de son ambassadeur.
« Certes les échanges commerciaux entre les deux partenaires ont légèrement chuté au premier semestre 2024 mais cela n’a rien à voir avec les relations délétères entre les deux chancelleries. Ce qui compte ce sont les affaires et ceux qui les font n’ont pas les mêmes états d’âme que les partisans de la ligne dure », constate le site tunisien d’information économiques qui prend à témoin le dernier numéro de la Lettre économique de la mission économique de l’ambassade de France à Alger.
« Si les indicateurs du premier semestre 2024 sont moins bons c’est principalement à cause de l’érosion des cours des hydrocarbures », constate la publication.
Reprenant les chiffres des Douanes françaises la Lettre économique indique un repli de 5,4% des échanges par rapport à la même période de 2023. « C’est la première baisse après 3 années d’affilée de hausse. »
« Selon la même source, écrit encore la publication, le volume global des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France s’est situé à 5,4 milliards d’euros, une dynamique dopée par la reprise de la commercialisation de deux produits français : les voitures et les céréales. Par ailleurs la fonte des cours pétroliers et gaziers a permis à la France de réduire de 719 millions d’euros son déficit commercial avec l’Algérie, 636 millions d’euros globalement.
Au premier semestre 2024 l’Algérie a exporté vers la France pour 3 milliards d’euros de pétrole et de gaz, soit un repli de 14,5%. A noter que les hydrocarbures pèsent 79,4% dans les importations françaises d’Algérie. Les importations de gaz naturel ont baissé drastiquement en valeur alors que le volume du pétrole importé est légèrement monté au premier semestre 2024 en comparaison avec 2023″, note le site tunisien spécialisé.
Et de poursuivre : « si les cours des hydrocarbures restent en l’état ou plongent davantage sur les marchés mondiaux cela pourrait impacter plus favorablement le déficit commercial de la France avec l’Algérie, qui s’est accentué depuis 2021 après plusieurs années d’excédent. Le recul des importations françaises se fait parallèlement à une augmentation des exportations vers l’Algérie, +9,3%, la balance commerciale le montre clairement », lit-on encore sur la même. plateforme.
Celle-ci ajoute: « Au premier semestre de cette année la France a acheminé vers l’Algérie 2,4 milliards d’euros de marchandises, essentiellement des produits industriels. Ce volume certes est en légère baisse (-0,7%) mais occupe 37,8% dans les ventes françaises en Algérie. Les autres niches sont les produits pharmaceutiques et chimiques (en augmentation), le bois, la métallurgie et le caoutchouc (en repli).
Autre fait marquant au premier semestre 2024 : Une relance “spectaculaire «(+90,5 %) des exportations de produits agricoles français vers l’Algérie », après une chute drastique au semestre précédent“.
En 2023 du côté de l’Algérie il était question de bouder la France pour ouvrir la porte au blé russe. Qu’est-ce qui s’est passé depuis ? Vladimir Poutine, que Tebboune a visité en juin 2023, n’aurait pas tenu toutes ses promesses ou l’activisme de Paris aurait pris le dessus ? Mystère.
En attendant l’Algérie reste le «deuxième marché de destination des exportations françaises au Maghreb, derrière le Maroc et devant la Tunisie», toujours selon la même source citée par tunisienumerique.com.
Samia Naït Iqbal