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Algérie-France : les bons comptes font les bons amis, pas les ennemis

Boukrouh

On peut cesser d’être de « bons amis », sans devenir pour autant et pour l’éternité des ennemis irréconciliables.

Cette sagesse s’applique opportunément à la crise franco-algérienne qui nuit aux deux pays et peut les amener à sacrifier leurs intérêts à long terme au ressenti momentané de leurs mésententes passagères.

Ils n’ont aucune raison impérieuse de se mettre à détricoter des relations difficilement tissées depuis 1962 et après un passé commun de plus d’un siècle qui a été très douloureux pour les Algériens.

On lit dans un quatrain de l’hymne national algérien que j’ai abrégé ces paroles :
« Ô France ! le temps des palabres est passé, et celui de rendre des comptes est venu ! ». Cet hymne a été composé par le poète de la révolution algérienne Moufdi Zakaria en 1956, et traduisait le désir algérien de bouter dehors le colonialisme français. Pas les Français qui y vivaient en bonne intelligence avec les Algériens.

De leur côté, les Français possèdent depuis des siècles un proverbe prudentiel qu’ils aiment citer quand ils veulent mettre les choses à plat ou les pendules à l’heure : « Les bons comptes font les bons amis ! ». Une majorité grandissante d’entre eux souhaite l’appliquer aux Algériens toutes catégories confondues qu’ils voudraient voir retourner « chez eux », même s’ils sont nés en France depuis plusieurs générations.

La « cause » qui mobilise le plus l’opinion française actuellement n’est plus la fermeture des portes devant l’immigration, sur ça tout le monde est déjà d’accord, mais la « re-migration », c’est-à-dire le renvoi chez eux des émigrés. Le ministre de l’Intérieur, Mr Bruno Retailleau, s’est affirmé ces derniers mois comme l’homme politique le plus volontariste de cette « cause ». Il vient de gagner son pari.
En un vote interne de son parti, les comptes qu’il a faits se sont avérés payants. Il est passé en une journée du statut de ministre esseulé à celui de chef du courant gaulliste qui a le plus longtemps dirigé la France sous la Ve république, et l’un des piliers de la majorité grâce à laquelle le Macronisme tient encore.
Il est devenu l’homme fort du gouvernement et celui dont la parole va peser dans les prochaines échéances politiques. Le Rassemblement national sait qu’il risque désormais d’être doublé sur sa droite, ce qui l’astreint à revoir ses comptes.

Ces soubresauts de la vie politique française imposent à l’Algérie de refaire ses comptes, elle aussi. Elle n’a plus affaire à un ministre, mais au chef d’un parti requinqué qui a trouvé dans la crise franco-algérienne l’occasion de sortir la tête de l’eau pour prendre immédiatement place dans le couloir de course qui mène à l’Elysée. Et par voie de conséquence à la paix ou à la guerre avec l’Algérie dont le carnet d’ennemis est déjà bien rempli.

Pourtant un avenir mutuellement bénéfique est possible pour les deux pays, surtout lorsqu’on met en corrélation cette crise dérisoire avec les enjeux géostratégiques au Sahel, en Afrique du Nord et en Europe. La Russie, la Chine, la Turquie et les Etats-Unis en tireraient profit pour renforcer leur influence dans la région.

L’Algérie a vocation à devenir une grande puissance amazighe, africaine et méditerranéenne. Elle en a le potentiel, les atouts économiques et humains, mais il lui reste une case à cocher : devenir un Etat de droit démocratique et moderne.

Nour-Eddine Boukrouh

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