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Algérie, rente et infantilisation des entreprises

Palais du gouvernement

L’Algérie, c’est ce beau pays aux immenses richesses, où un Etat omniprésent et omnipotent, s’occupe de nos affaires du berceau jusqu’à la tombe à la faveur d’une embellie financière providentielle provenant des exportations des hydrocarbures.

Cette extension tous azimuts des prérogatives de l’Etat pose problème. Le problème, c’est que chaque semaine qui passe est l’occasion d’une nouvelle charge de l’Etat pour nous débarrasser de nos responsabilités de base en tant que citoyen, en tant que travailleur, en tant que parents, et même en tant que simple être humain.

Or le piège de l’infantilisation et de la dépendance au biberon étatique, c’est in fine la voie ouverte au totalitarisme, en passant par la case «technocratie omnipotente éclairée». Et donc plus de dépendance à l’Etat, c’est nécessairement une légitimité renforcée pour notre classe de politiciens fonctionnarisés, et un gâteau plus important à se partager – gâteau dont certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire profiter leurs proches.

L’infantilisation de l’individu, c’est aussi la porte ouverte au dirigisme économique et à la collectivisation de l’économie ; bref, au socialisme soviétique. Dans ce contexte, les rapports Etat-Entreprises ressemblent étrangement aux relations qu’entretiennent les parents avec leurs enfants.

A la naissance, le nouveau-né n’est pas capable d’exprimer ses besoins par des paroles. Ce sont les parents qui lui fournissent nourriture et vêtement. Il en est de même pour l’entreprise naissante. Les autorités centrales lui fournissent les inputs en nature sans lui demander son avis ni lui permettre de poser des questions. A la puberté, l’enfant vit encore avec la famille qui continue à lui fournir tout en nature. L’enfant à cet âge-là peut exprimer ses propres besoins et désirs. Il entreprend un véritable marchandage avec ses parents.

Il réclame de l’argent de poche et en fait un libre usage. Les autorités centrales prennent en considération les souhaits de l’entreprise en pleine croissance. Elles acceptent que l’entreprise manifestent son mécontentement ce qui l’encourage à demander davantage en faisant pression sur l’Etat pour que ses demandes soient exaucées.

L’enfant a grandi, il est devenu un homme. C’est un adulte, il gagne sa vie et se suffit à lui-même, à partir de son salaire. S’il se trouve face à un ennui, il n’a plus personne pour l’aider financièrement. Il ne peut compter que sur lui-même. L’entreprise en vitesse de croisière est une unité comptable autonome. Elle est tenue de couvrir ses dépenses à partir des recettes provenant de la vente de ses propres outputs.

En Algérie, une pratique s’est développée depuis de nombreuses années. Dès que les difficultés apparaissent, l’Etat vient au secours de l’entreprise en détresse.

Il aide les entreprises qui ont subi des pertes et celles qui sont menacées de faillite en leur offrant des garanties d’Etat, des crédits à des conditions favorables et les invite en fin de courses à émarger au budget de l’Etat alimenté par les recettes fiscales pétrolières et gazières donc à être des administrations qui n’ont jamais d’être sous des appellations diverses mais toutes concourent aux même résultats. Les relations Etat-Entreprises sont marquées par une ambivalence.

Alors qu’elles acceptent avec plaisir la sécurité et la protection assurées par l’Etat lequel est conforté par la rente énergétique, elles refusent en même temps que l’Etat intervienne continuellement dans la gestion des affaires. De plus, le fait de demander crée un sentiment d’humiliation. Elles voudraient bien s’appuyer sur leurs propres ressources mais elles n’y parviennent pas. De même que l’Etat voudrait bien s’affranchir de les financer compte tenu de l’insuffisance de ses ressources à répondre à toutes les demandes qui ne cessent de se multiplie et de s’élargir à toutes les couches sociales.

Par conséquent, en période de chômage croissant et d’inflation galopante, le gouvernement se trouve condamné à assumer la responsabilité de la situation économique et sociale car il lui est difficile de dire à la population qu’il n’est pour rien dans le chômage, le niveau des prix, la crise économique, la dépendance aux revenus des hydrocarbures, que c’est l’affaire des entreprises publiques et privées, lesquelles sont maintenues sous perfusion permanente. Des handicapés à vie, c’est-à-dire des pensionnés à vie mais des pensionnés de luxe comme les retraités de luxe décidés par décret.

D’un autre côté, il ne peut se désolidariser du sort de ces entreprises qu’il a toujours contrôlées sans s’accuser aussitôt de « mauvais gestionnaire » et de « dilapider des deniers publics » d’autant plus que les syndicats dans l’intérêt du maintien de l’emploi et les autorités du maintien de l’ordre feront sans cesse pression sur le gouvernement pour soutenir indéfiniment les entreprises en difficultés.

On se trouve donc devant une impasse : faut-il rebrousser chemin ou franchir l’obstacle ? Dans les deux cas, il faut du temps et de l’argent qui font cruellement défauts.

Dr A. Boumezrag   

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