L’Algérie se trouve confrontée à une crise existentielle d’une ampleur inédite, une crise qui met à nu l’érosion systématique de ses fondements sociopolitiques. Alors que le pays se désagrège lentement mais sûrement, une partie significative de la population continue de détourner le regard, préférant le confort illusoire du déni à la difficile confrontation avec la réalité.
Nous débattons sur des sujets périphériques, nous nous complaisons dans la lamentation, tout en projetant nos propres échecs sur des boucs émissaires artificiels. Pourtant, la situation requiert une réaction courageuse : reconnaître l’immobilisme qui paralyse la nation.
Le moment est venu de faire un choix crucial, un choix radical et sans compromis : soit nous refondons nos institutions de manière structurelle, soit nous nous condamnons à une déliquescence inexorable.
Depuis 1962, l’indépendance de l’Algérie a été confisquée par une oligarchie militaro-bureaucratique qui a détourné le pouvoir pour le transformer en un instrument de prédation systématique. Cette classe dirigeante n’a jamais cherché à gouverner au sens noble du terme ; elle s’est contentée de piller, sans même avoir la prévoyance d’accumuler des ressources au sein du système économique et social algérien.
Chaque décennie a été marquée par des promesses vides et des mensonges institutionnalisés. Aujourd’hui, la situation a atteint une profondeur d’ignominie sans précédent. Les différentes factions au pouvoir ne cherchent plus à diriger ; elles s’affrontent simplement pour se partager les vestiges d’un pays qu’elles ont elles-mêmes dilapidé.
La corruption : une gangrène systémique
La corruption en Algérie ne peut être réduite à un phénomène abstrait ; elle est omniprésente, palpable et asphyxiante. Elle s’infiltre dans chaque aspect de la gouvernance publique : des contrats truqués négociés aux Émirats, aux scandales financiers récurrents, en passant par les somptueuses propriétés acquises grâce à des commissions dont l’existence n’est même plus dissimulée.
Ce système ne tolère pas seulement la corruption ; il s’en nourrit. Chaque dinar mis en circulation est destiné à être détourné en bout de chaîne. Chaque projet lancé est conçu pour enrichir, en fin de compte, les décideurs et leurs cercles de clientèle.
Que faisons-nous face à cette réalité ? Nous discutons pour nous rassurer, nous offrir une illusion de contrôle, tout en évitant la seule voie réaliste : celle de la rupture. Quelques figures symboliques sont parfois livrées à la vindicte populaire, mais les réseaux mafieux restent intacts, opérant avec une efficacité redoutable. C’est une machine implacablement bien huilée, un système qui écrase toute tentative de prise de conscience authentique.
Une diplomatie en déroute
Sur la scène internationale, l’Algérie est devenue une entité spectrale. Alors que le monde se réorganise autour de blocs régionaux cohérents, notre diplomatie accumule les faux pas, se complaît dans des disputes anachroniques et demeure incapable de formuler une stratégie cohérente.
Les gesticulations de nos dirigeants — qu’il s’agisse des tensions avec le Maroc ou de l’ostentation vis-à-vis de l’Europe — ne parviennent plus à masquer une vérité accablante : l’Algérie est isolée et privée de direction.
Dans un contexte international où la coopération et l’unité sont des atouts indispensables, nous avons fait le choix de la division.
Incapables de construire un bloc nord-africain ancré dans sa profondeur sahélienne, nous épuisons notre potentiel en tentant de maintenir l’hégémonie d’un régime en pleine décadence. Cet isolement suicidaire est le produit direct de décennies de médiocrité, de clientélisme et d’improvisation chronique.
Le véritable patriotisme : un acte de courage
Où sont les véritables patriotes ? Le patriotisme ne peut se résumer à des slogans creux, à des discours enflammés ou à chanter l’hymne national lors de manifestations anecdotiques.
Être patriote, c’est avoir le courage de reconnaître que notre maison est en flammes et d’identifier les pyromanes qui continuent de jouer avec le feu, tout en prétendant être nos sauveurs.
Le régime en place est prêt à utiliser tous les moyens de répression pour se préserver, réduire au silence la société civile, persécuter les voix libres et écraser la jeunesse sous le poids du chômage et du désespoir. Que faire ? Allons-nous continuer à attendre un miracle providentiel ? Ou allons-nous enfin décider de nous lever et d’agir ?
La jeunesse : l’ultime rempart
Combien de temps allons-nous tolérer de sacrifier nos enfants sur l’autel de la médiocrité ? Depuis l’usurpation du pouvoir en 1962, des générations ont été sacrifiées pour maintenir en place ceux qui ont confisqué notre indépendance. Combien de temps souffrirons-nous ces sacrifices générationnels, dont la présente génération est peut-être notre dernière chance ?
Un choix binaire : révolution ou capitulation
L’Algérie se trouve à une intersection historique. Ce n’est plus une question de réformes superficielles ou de débats académiques ; la situation est binaire : changer ou disparaître.
Les Algériens doivent comprendre que l’ennemi n’est ni un voisin, ni une puissance étrangère, ni un simple caprice de l’histoire. L’ennemi est intérieur. Il porte un costume, signe des décrets et prétend agir dans l’intérêt général.
Il est temps de dire non. Non à l’immobilisme, non à la peur, non à l’injustice. La seule voie viable est celle de la révolution — le mot Ne doit pas faire peur —, une révolution pacifique mais déterminée. Toute autre option équivaut à une mortelle capitulation.
Levons-nous ! Levons-nous pour exiger un avenir digne, pour refuser l’humiliation, pour reprendre ce qui nous appartient de droit.
Levons-nous, car nous ne pouvons accepter de plier. Nous n’avons d’autre choix que d’arracher notre autodétermination. Yetnahaw ga3 !
Mohand Bakir