3 décembre 2024
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Algérie : une jeunesse sous surveillance dans un espace répressif

« Là-bas, loin de l’Algerie, j’imagine un espace sans frontières, sans le poids de la religion imposée, où je pourrais m’épanouir librement, » confie Yanis, jeune informaticien.

Dans les rues d’Alger, de Constantine ou d’Oran, dans un douar à Bejaia, Tizi-Ouzou, autour d’un café à la Fac, la jeunesse algérienne évolue désormais dans un espace sémiotique marqué par la répression et la surveillance.

 La réélection controversée d’Abdelmadjid Tebboune, et les récents remaniements au sein de l’État profond ont renforcé la perception d’un espace national hermétique, en contradiction flagrante avec les aspirations d’une génération connectée au monde.

L’espace algérien : une sémiotique de la fermeture

Selon les théories de la sémiotique de l’espace développées par A.J. Greimas, l’Algérie contemporaine peut être analysée comme un « espace tensif » caractérisé par une forte « intensité » (pression politique, sociale et religieuse) et une faible « extensité » (limitation des possibilités d’épanouissement et de mouvement).

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« Nous vivons dans un espace clos, surveillé, contrôlé, » témoigne Yasmine, 26 ans, ingénieure. « Chaque aspect de notre vie est soumis à des restrictions, qu’elles soient politiques, religieuses ou sociales. » Cette fermeture de l’espace public, accentuée depuis l’échec du Hirak, se manifeste tant physiquement (répression des manifestations) que symboliquement (censure, autocensure).

Au cœur de ce dispositif de fermeture se trouve une gérontocratie qui, selon les jeunes, maintient le pays dans un état de stase temporelle. « Nos dirigeants vivent dans le passé, » explique Karim, 28 ans. « Ils ne cessent de ressasser les exploits de la guerre de libération, comme si rien ne s’était passé depuis 1962. » Cette obsession pour un passé glorifié sert de justification au verrouillage de l’espace public.

La « geste nationale » devient ainsi un outil de légitimation pour un pouvoir qui se présente comme l’héritier direct des combattants de l’indépendance, niant par là-même la légitimité des aspirations de la jeunesse à redéfinir l’espace national.

L’Algérie contemporaine peut être analysée comme un « espace carcéral » au sens où l’entendait Michel Foucault. La multiplication des emprisonnements d’opinion a créé un climat de peur et d’autocensure qui dépasse largement les murs des prisons.

« Chaque mot peut nous conduire derrière les barreaux, » témoigne Yasmine, 26 ans, blogueuse. « Nous vivons dans une prison à ciel ouvert où nos moindres faits et gestes sont scrutés. » Cette omniprésence de la surveillance, tant physique que numérique, a transformé l’espace public en un lieu de méfiance et de retenue.

La répression comme outil de fermeture de l’espace

Les récentes vagues d’arrestations ont visé un large éventail d’acteurs : journalistes, militants des droits humains, intellectuels, et même de simples citoyens s’exprimant sur les réseaux sociaux. Cette répression systématique a eu pour effet de réduire drastiquement l’espace d’expression.

« Mon frère a été arrêté pour un simple post Facebook critiquant le gouvernement, » raconte Karim, 28 ans. « Depuis, toute notre famille vit dans la peur. Nous avons l’impression d’être constamment surveillés. »

La surveillance : un panoptique moderne

Le renforcement des moyens de surveillance, notamment numériques, a créé ce que l’on pourrait appeler un « panoptique algérien ». Inspiré du concept de Jeremy Bentham et repris par Foucault, ce panoptique moderne induit un sentiment constant d’être observé, conduisant à une forme d’autocensure généralisée.

« Nous sommes devenus nos propres censeurs, » explique le Dr. Nadia Benali, sociologue. « La peur d’être surveillé et potentiellement arrêté conduit de nombreux jeunes à s’autocensurer, même dans leurs conversations privées. »

L’ailleurs : entre rêve d’évasion et culpabilité

Dans ce contexte, l’idée de l’exil gagne du terrain. L’Occident est perçu comme un espace de liberté idéalisé, loin de la surveillance et de la répression.

« Partir devient une question de survie mentale, » explique Amina, 24 ans. « Mais c’est un choix déchirant. On a l’impression d’abandonner ceux qui restent, de fuir le combat. ».  Cette tension entre le désir de liberté et le sentiment de responsabilité envers le pays crée un dilemme profond pour de nombreux jeunes Algériens.

 Face à cet espace perçu comme étouffant, l’Occident se dessine dans l’imaginaire des jeunes Algériens comme un « espace utopique » au sens où l’entend Greimas : un lieu idéalisé, caractérisé par l’ouverture, la liberté et les opportunités.

La tension entre « ici » et « là-bas »

La sémiotique nous permet de comprendre la tension fondamentale qui structure l’expérience spatiale de la jeunesse algérienne. L' »ici » (l’Algérie) est associé à des sèmes de fermeture, de stagnation et de contrainte, tandis que le « là-bas » (l’Occident idéalisé) est chargé de sèmes d’ouverture, de mouvement et de liberté.

Cette dichotomie crée ce que le sémioticien Jacques Fontanille appellerait une « syntaxe tensive » : une dynamique de tension entre deux pôles opposés qui structure le vécu et les aspirations des jeunes Algériens.

Stratégies de résistance et de redéfinition de l’espace

Face à cette tension, la jeunesse algérienne développe diverses stratégies pour tenter de redéfinir l’espace dans lequel elle évolue :

1. L’exil physique : partir pour rejoindre l’espace ouvert idéalisé.

2. L’exil intérieur : créer des micro-espaces de liberté au sein même de l’espace fermé (culture underground, réseaux virtuels).

3. La résistance silencieuse : contourner les restrictions sans confrontation directe.

4. La réappropriation symbolique : redéfinir les symboles nationaux pour y inclure leurs aspirations.

« Nous essayons de créer nos propres espaces de liberté, » explique Sofiane, artiste de 30 ans. « Que ce soit à travers l’art, la musique ou simplement des rencontres entre amis, nous cherchons à ouvrir des brèches dans ce mur qui nous entoure. »

Conclusion : vers une nouvelle sémiotique de l’espace algérien ?

L’Algérie se trouve à un moment charnière où la définition même de son espace national est en jeu. La tension entre la fermeture imposée par le système en place et l’aspiration à l’ouverture portée par la jeunesse dessine les contours d’un conflit sémiotique profond.

L’enjeu pour l’avenir du pays est de parvenir à une redéfinition de cet espace qui puisse intégrer les aspirations de sa jeunesse sans pour autant rompre totalement avec son histoire. Il s’agit, en somme, de créer une nouvelle sémiotique de l’espace algérien, où l’ouverture ne serait plus perçue comme une menace mais comme une opportunité.

Comme le résume un graffiti aperçu sur un mur d’Alger : « Ni enfermés, ni exilés. Libres ici et maintenant. » C’est peut-être dans cette reformulation de l’espace national que réside la clé de l’avenir de l’Algérie et de sa jeunesse.

Said Oukaci, sémioticien

2 Commentaires

  1. Changriha et son armée sont les seuls responsables du grand gachis qu’est devenue l’Algérie nouvelle, en remettant en selle le médiocre teboune sur la chaise de la présidence. L’Armée algérienne se pense à l’abris de toute contestation ou problème de soulèvement social en utilisant la répression comme arme de protection. Hors il se trouve que même si l’armée possède les armes, controle et s’accapare la plus grande partie des finances publiques et dirge à sa guise le pouvoir politique avec sa marionnette teboune, l’Algérie n’est pas du tout à l’abris d’un embrasement total, quant un beau matin le peuple, aura déssidé qu’il en a assez, du mépris qu’il subit. Le mépris, le mensonge, la répression et la mauvaise foie qu’exerce le pouvoir mafieux algérien à travers son armée, ses services de sécurité, le pouvoir politique et l’administration publique et bureaucratique, finiront par exacerber la patience du peuple, qui n’aura d’autre choix que de mettre le feu à la barraque. Et quand le peuple se révolte et décide qu’il n’en peut plus, laissez moi vous dire que ce ne sera pas beau du tout. L’armée, les mafieux du pouvoir politique, les bureaucrates et les chiens des services de sécurité, vont payer un gros prix, même s’ils pensent qu’ils sont protégés parce qu’ils sont armés. Le simple citoyen qui en a marre de ce pouvoir, ne fait qu’observer actuellement, pour repérer tous les chiens des services de repression, afin de mener la garilla en conséquence. Ce pouvoir est tétu, il s’est entouré des éléments les plus tétus et idiots que la société algérienne a enfanté et qui obeissent aux ordres comme des robots. Comment peut-il être autrement, les meilleurs élements du pays qui ont le sens des responsabilités, et par conséquent posent des questions ou expriment leur désaccord, sont soit: chassés du pays, emprisonnés ou tués. Alors il ne reste dans ce pays que la majorité silencieuse. Et, au pouvoir militaire ou politique, il ne reste que la racaille des beni oui-oui.

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