Lundi 4 février 2019
Ali Ghediri est-il l’homme de rupture avec le système ?
Ali Ghediri est-il vraiment un opposant au régime ? La question est loin d’être tranchée par nombre d’Algériens, dont certains y voient déjà un Macron à l’algérienne. Mais Ghediri n’a pas l’âge de Macron ni son affiliation technocrate ni moins encore son parcours de banquier.
Il est contre toute attente un général-major de l’armée à la retraite qui se prête au jeu des urnes, alors que l’establishment affiche son soutien à Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat.
La donne change complètement ! un général, quelle belle affaire ! On peut le comparer alors, disent certains, à De Gaulle, l’homme du 18 juin qui a sauvé la France du nazisme, ou à Liamine Zeroual, le général-major qui a désobéi aux ordres du président Chadli dans la répression des événements d’Octobre 1988, et a su tenir tête, courant les années 1990, à l’hydre du terrorisme au moment où l’Etat algérien est presque à terre, crise économique et sécuritaire oblige.
Mais là encore, on peine à replacer dans son contour exact le personnage. Pas de comparaison possible ! hurlent beaucoup. Ali Ghediri est un homme jaloux de son pays et basta ! Très touché par «la situation misérable» que vit l’Algérie, il s’est porté candidat pour redresser les choses, combattre la corruption et la bureaucratie à la racine, couper les bras longs qui infestent l’économie et la noient dans l’informel, ramener du dynamisme à des institutions étatiques frappées par l’anomie, la mauvaise gestion et le culte de la personnalité, aider la jeunesse et la remobiliser pour le changement et la liste est encore longue ! Comprendre par là, que Ghediri est le sauveur qui sort du bois pour chasser les loups de la bergerie.
Mais pourquoi a-t-il attendu jusqu’à aujourd’hui pour se manifester ? lancent bien d’autres voix sceptiques dans l’autre côté du spectre. Mystère !
Visage aussi sévère que débonnaire, grosses lunettes qui lui donnent l’allure d’un intello trempé dans les livres et le savoir, l’homme semble déterminé à conquérir le palais d’El-Mouradia. Sûr de lui-même et surtout confiant en sa capacité à rafler la mise le 18 avril prochain, il parle sans la moindre crainte et n’hésite pas à critiquer, au passage, ceux qui gèrent le pays.
En revanche, trop conscient que la parole a son poids dans un système obnubilé par l’intox et les rumeurs, il tempère déclarant qu’il n’est pas venu pour des règlements des comptes. Craint-il de déverser du venin sur certains apparatchiks du régime aux commandes des appareils de l’Etat, qui peuvent influer négativement sur son élection à la magistrature suprême ? Craint-il aussi de s’attirer la colère de la grande muette, toujours dans le stand-by concernant son cas ? Ou n’est-il là que dans une dynamique de rassemblement des voix pour un projet de consensus national à même de jouer en sa faveur, vu l’état de santé déplorable du président Boutefilka ? Autrement dit, Ali Ghediri pense-t-il à la date précise du 18 avril prochain, ou à l’après présidentielle ?
En faisant une petite analyse du discours du militaire, on trouve que ses éléments de langage sont bien étudiés et ciblés. En ce sens, il n’est dans l’attaque d’aucune partie, loyaliste ou opposante au pouvoir soit-elle, et se positionne au-dessus de la mêlée. Il parle à double-voix à la fois pour ceux qui soutiennent et ceux qui s’opposent au «Système».
Ce qui lui donne de la hauteur par rapport aux autres candidats et le place en position de favori, au cas où malheur arrive ou Bouteflika renonce à se porter candidat la dernière minute (recours possible de l’armée et de la nomenclature).
Deuxième élément important, Ghediri affirme qu’il est sorti du peuple dont il se réclame, manière de dénigrer implicitement la politique claniste en vigueur, d’insister sur sa condition sociale modeste (son patrimoine étant déclaré à la presse) et de s’allier d’office le soutien populaire.
A cet effet, il parle ainsi aux masses : «si voulez le changement…», comme si la clé de la serrure est aux mains du peuple, alors que tout un chacun sait qu’en plus de la caution étrangère (occidentale) exigée, les choses se décident d’en haut, dans l’opacité en Algérie. Ghediri accédera-t-il alors au palais ? Disons qu’il a des chances, à condition que…