Jeudi 4 novembre 2021
Ali Ideflawen : l’identité dans les veines, « Ahya Ddin Qessam » !
Avec ces nouvelles toujours aussi douloureuses d’arrestations, d’arbitraire et d’injustice qui sévissent au pays, avec une confiscation de tous les symboles de la liberté, 1er novembre inclus, permettons-nous une petite pause musicale avec Ali Ideflawen et son titre incontournable « Berrouaghia » pour oublier, l’espace d’un instant furtif, Teboune et tous ces clowns qui gravitent autour d’un pouvoir qui ne fait que semer les écrous de ses derniers boulons, en attendant la passation de consigne forcée à un autre clan !
Ce ne sont pas de simples refrains qu’ont composé Ali Ideflawen et son groupe, mais de véritables hymnes contre la hogra et la dictature ambiantes depuis 1962, en Algérie. Des refrains qui se chantent à pleins poumons à chaque marche et revendication collectives en Kabylie et ailleurs…
Parmi leurs nombreuses productions, ce sont les titres phares « Ǧğet-iyi abrid » et « Beṛouaghia » qui émergent d’un riche répertoire et constituent des hits incontournables de l’engagement et du combat identitaire Amazigh. Des hits repris par des foules de marcheurs à Tizi-Ouzou pendant que le Hirak battait son plein.
Le groupe Ideflawen s’est formé en 1977. À l’origine, le trio était constitué de Lhacène Ziani (parolier), Ali Aït Ferhat (vocaliste et musicien) et Zahir Adjou (musicien).
Dans les années 1990, Ali Aït Ferhat (dit Ali Ideflawen) reprend seul sa destinée, enchaînant de nombreux albums en solo qui valent le détour : « Tafsut n’tideţ », « Acimi », « Tamurt inu », ou encore le tout dernier « yemmas d emmis » sorti en 2018. Un album d’une saveur exquise qui commence par un bel hommage à Mohand Ouyahia (rut fellas a les brobros) et une belle reprise du titre « Ṭir el qefs » du regretté H’sissen.
Rappelons qu’Ali Ideflawen a participé au projet de l’album Tiwizi, avec un titre hors classe : « At waṭṭas » (les polythéistes).
Ci-après la retranscription et la traduction de Berrouaghia. Encore une fois, certains mots ou interjections sont intraduisibles ! Par exemple « Ah ya Ddin Qessam », dont seul un algérien peut en mesurer la portée, nous l’avons traduit par « par tous les jurons ».
Berrouaghia
D-ameḥbus d bu ikurdan
Di Berwaggiya
Ččiɣ aɣrum d-aberkan
Di Berwagiya
Tinna akken i-ğğiɣ tettru
Mi εeddan laεwam
Ugadeɣ ayi tettu
Ah ya ddin qessam !
D-ameḥbus d-bu snasel
Yarn(u) ur xdimeɣ
Di Berwagiya ncekkel
Akken ad issineɣ
Refdeɣ allen-iw s-igenni
Yeɣli-d fell-i ṭlam
Nniɣ-as ass-a ad i yawi
Ah ya ddin qessam !
D-ameḥbus dagi yewεer
Di Berwagiya
Am tejra i nettɣar
Di Berwagiya
Zik-nni mi nesfillit
Ad xedmeɣ lewqam
Ziɣen zehr-iw d-irit
Ah ya ddin qessam !
D-ameḥbus andda-tt tura ?
Akin i wedrar
Akken ad amneɣ tura
Izad neɣ yugar
Mi ruḥeɣ ad ziɣ ɣur-es
Ad rzuɣ ɣur-em
Yettgami ay-id yas iḍes
Ah ya ddin qessam !
Ẓṛiɣ d-acu iggunin
D agi ara mteɣ
Imeṭṭawen d-gi ur llin
Ass-en m-ad-fɣeɣ
Ad asen ad iy-awin
Ad bedleɣ axxam
Ad suɣeɣ ddaw tmedlin
Ah ya ddin qessam !
Par tous les jurons !
Prisonnier parmi les pucerons
À Berrouaghia
J’ai mangé du pain rassis
À Berrouaghia
Celle que j’ai laissée en pleurs
Des années durant
Je crains qu’elle ne m’ait oublié
Par tous les jurons !
Prisonnier et enchaîné
Alors que je n’ai rien fait
À Berroughia ligoté
Pour ne pas oublier
Les yeux vers les cieux levés
Rempli d’obscurité
Je redoutais d’être happé
Par tous les jurons !
Que c’est dur d’être prisonnier
À Berrouaghia
Nous craignons d’être desséchés
À Berrouaghia
Pourtant je n’ai souhaité
Que le bien pour les miens
Mais ma chance m’a quitté
Par tous les jurons !
Prisonnier je ne sais plus où
Par-delà le Djurdjura
Pour que je réalise enfin
Le manque et le trop plein
Quand vers lui je me suis tourné
C’est toi qui occupe mes pensées
Même le sommeil m’a quitté
Par tous les jurons !
Je sais bien ce qui m’attend
La mort me guette au tournant
Mes larmes refusent de couler
Et pleurer mes derniers instants
Ce jour-là ils m’emmèneront
Changer mon destin
Sous mon tombeau je hurlerai
Par tous les jurons !