À l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance et de la fête de la jeunesse, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a signé deux décrets présidentiels d’amnistie, touchant un total de 6 500 détenus. Cette mesure, rendue possible après consultation du Conseil supérieur de la magistrature, s’inscrit dans une tradition de clémence présidentielle à date symbolique.

Le premier décret concerne des détenus remplissant les conditions légales pour bénéficier d’une remise de peine, tandis que le second vise spécifiquement les prisonniers ayant obtenu un certificat d’enseignement ou de formation durant l’année 2024-2025. Parmi eux, 297 ont décroché leur baccalauréat ou sont en attente des résultats.

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Mais cette mesure de grâce n’est pas sans limites. Une longue liste de délits et crimes exclus de cette amnistie a été publiée par la présidence. Elle englobe des infractions majeures comme les actes de terrorisme, les crimes de sang, les agressions graves, les atteintes aux institutions de l’État, la corruption, les délits de change, les crimes informatiques à caractère stratégique, ainsi que les infractions liées à la traite humaine, aux stupéfiants, et aux réseaux criminels organisés.

Cette exclusion automatique relance une interrogation légitime : certains détenus emblématiques, médiatiquement exposés ces derniers mois, figurent-ils parmi les potentiels bénéficiaires ? L’enseignant universitaire  en histoire Mohamed Lamine Belghit, récemment condamné à cinq ans de prison ferme pour des propos jugés révisionnistes, est-il concerné ? Son cas, à la frontière du politique et du judiciaire, semble entrer dans une zone grise difficile à trancher sans informations officielles supplémentaires.

Le bénéfice de la grâce ne semble pas s’appliquer au cas de Boualem Sansal, condamné pour des chefs d’inculpation liés à l’atteinte à l’unité nationale, à l’outrage à un corps constitué, à des pratiques susceptibles de nuire à l’économie nationale, ainsi qu’à la détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays.

Idem pour le journaliste français Christophe Gléizes, dont l’incarcération en Algérie suscite des appels à la libération depuis plusieurs mois en France. Il  serait, a priori, exclu du champ de la grâce. Il a été condamné le 29 juin 2025 par le tribunal de Tizi Ouzou à une peine de sept ans de prison, après avoir été poursuivi pour des accusations liées à « l’apologie du terrorisme » et à la détention de documents à caractère propagandiste susceptibles de nuire à l’intérêt national, selon la décision du tribunal. Une condamnation aussi lunaire comme toutes celles prononcées par une justice aux ordres depuis la mise au pas de la dissidence populaire.

L’amnistie présidentielle, en somme, s’inscrit dans un cadre juridique strict, balisé par une volonté affichée de ne pas étendre la clémence à des infractions jugées menaçantes pour la sécurité nationale, l’ordre public ou l’intégrité des institutions. Elle ouvre cependant une fenêtre d’espoir pour des milliers de familles, tout en laissant planer le doute sur le sort de détenus plus sensibles politiquement.

En l’absence de liste nominative, l’opacité persiste. Seule une communication claire et transparente des autorités judiciaires permettrait de lever le flou entourant le sort de certains détenus à forte portée symbolique — qu’il s’agisse de cas faisant l’objet de pressions diplomatiques de la part d’un État tiers, comme ceux de Boualem Sansal et de Christophe Glézies, ou de ceux suscitant une mobilisation publique à travers des pétitions soutenues par des figures du monde politique et académique, à l’image de Lamine Belghit.

En somme, beaucoup de supputations et d’espoirs pour une opération d’enfumage. Une chose est certaine : ceux qui cultivaient encore quelque once de clémence de la part de ceux qui dirigent les affaires du pays vont certainement mal dormir ce soir, quant aux autres, ils savent pertinemment qu’il n’y a absolument rien à attendre de Tebboune et de son précarré. Car comme depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’Etat fait tout pour rater ses rendez-vous avec le peuple.

Samia Naït Iqbal

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