Le Festival du film méditerranéen d’Annaba, dont la cinquième édition se tiendra du 24 au 30 septembre 2025, s’annonce comme un rendez-vous majeur du calendrier culturel algérien.
En choisissant l’Espagne comme invitée d’honneur et en lançant un ouvrage collectif consacré à Mohamed Lakhdar-Hamina, le festival affirme sa double vocation : ouvrir des passerelles cinématographiques entre les deux rives de la Méditerranée tout en célébrant la mémoire du cinéma algérien.
L’Espagne à l’honneur : vitalité et symbolique politique
Le commissaire du festival, Mohamed Allal, a rappelé que l’Espagne est l’un des pôles les plus dynamiques de la production cinématographique mondiale. En 2023, le pays a produit 375 longs métrages, se hissant au 5ᵉ rang international en volume de production. Cette vitalité témoigne de la place centrale du cinéma dans la culture ibérique, nourrie d’une tradition de grands auteurs – de Buñuel à Almodóvar, en passant par Carlos Saura – et d’un ancrage fort dans les réalités sociales.
Le choix de l’Espagne n’est pas seulement artistique. Il s’accompagne d’une portée symbolique et politique : de nombreux cinéastes espagnols se sont engagés en faveur de la cause palestinienne. Pour un festival organisé en Algérie, terre de solidarité historique avec le peuple palestinien, ce geste résonne comme un signe fort. « Nos côtes sont si proches qu’une seule caméra pourrait embrasser les deux rives », a déclaré l’ambassadeur d’Espagne à Alger, Fernando Morán, en saluant la proximité géographique, culturelle et humaine entre les deux pays.
Au programme : projections de films espagnols emblématiques, rencontres avec des réalisateurs et des acteurs, ainsi que des débats autour de la place de l’Espagne dans le cinéma mondial.
Mohamed Lakhdar-Hamina, le maître célébré
En parallèle, le festival met à l’honneur une figure tutélaire du cinéma algérien : Mohamed Lakhdar-Hamina. Cinquante ans après avoir marqué l’histoire en remportant la Palme d’or à Cannes en 1975 pour Chronique des années de braise, l’unique Palme d’or algérienne reste une référence universelle.
Pour saluer son héritage, un ouvrage collectif intitulé Hamina the Majestic vient de paraître, fruit d’une collaboration entre le festival et la Fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI). Vingt critiques issus de 17 pays – de l’Espagne à Cuba, du Niger à l’Iran, de la Roumanie au Liban – y livrent leurs lectures de son œuvre et de son apport au cinéma mondial.
Le livre est présenté par Mohamed Allal comme « une marque de fidélité envers un artiste qui a fait du cinéma algérien une langue universelle et une voix humaine intemporelle ».
Entre mémoire et innovation
Cette cinquième édition s’inscrit à la croisée de la mémoire et de l’avenir. Outre les compétitions classiques – long métrage de fiction, documentaire, court métrage –, le festival inaugure cette année une “AI Award”, premier prix en Algérie destiné à récompenser un film réalisé grâce aux outils d’intelligence artificielle. L’initiative reflète la volonté d’Annaba de rester à l’avant-garde des transformations technologiques du secteur audiovisuel.
Là encore, le choix de l’Espagne comme invitée d’honneur trouve un écho : le pays est devenu un acteur central dans l’usage de l’IA appliquée au cinéma et aux médias, avec un marché estimé à 291 millions de dollars en 2022, promis à dépasser les 3 milliards en 2030.
Un festival-pont en Méditerranée
En croisant l’hommage à Mohamed Lakhdar-Hamina, figure fondatrice de la cinématographie algérienne, et l’ouverture à l’Espagne contemporaine, le festival d’Annaba réussit à conjuguer mémoire et innovation. Il se pose comme un pont culturel et politique en Méditerranée, où le cinéma devient une langue partagée entre les peuples.
Au-delà des films projetés, Annaba 2025 promet d’être une édition où l’histoire et l’actualité, l’art et la technologie, la mémoire et la solidarité se rejoignent dans une même salle obscure. Une manière de rappeler que le cinéma n’est jamais neutre : il est à la fois outil de mémoire, espace de dialogue et vecteur de solidarité.
Djamal Guettala