Le 20 avril, l’arrivée en Algérie du premier navire chargé de moutons importés de Roumanie a suscité un emballement médiatique sans précédent, jusqu’à être diffusée en direct par plusieurs chaînes de télévision.
Mais au-delà des images de ces moutons qui se font débarquer pour un futur abattoir, de nombreuses interrogations subsistent quant aux véritables enjeux de cette opération, lancée dans le cadre d’une initiative présidentielle visant à importer un million de têtes ovines pour l’Aïd al-Adha.
Il y a des fois où il faille se contenter même des victoires médiatique ! Au-delà ce sera très compliqué !
Officiellement, Abdelmadjid Tebboune avait annoncé l’importation de un million moutons pour cette fête religieuse. L’objectif affiché par les autorités est de stabiliser les prix sur le marché national et de garantir l’accès aux moutons pour la fête religieuse. Toutefois, l’ampleur de la couverture médiatique et l’accent mis sur l’effet d’annonce soulèvent des doutes quant à la portée réelle de l’opération. Plusieurs observateurs y voient avant tout une initiative à forte teneur symbolique, destinée à marquer l’opinion publique à un moment sensible sur le plan social et économique.
En effet, si l’arrivée des animaux a été traitée avec beaucoup de visibilité, peu d’informations concrètes ont été communiquées sur les modalités de distribution. Selon les premières indications, une partie des moutons serait destinée aux œuvres sociales de l’administration et des entreprises publiques et à certains organismes étatiques, dans le cadre d’un système administratif de répartition. Ce choix pose la question de l’équité d’un tel dispositif, dans un pays où l’accès aux produits de base reste un défi pour une grande partie de la population.
Les précédents en matière de distribution de denrées alimentaires, notamment les difficultés liées aux récentes opérations de commercialisation par l’Office de quantités de pomme de terre par la Société algérienne de régulation des produits agricoles (SARPA), après leur déstockage, en vue de stabiliser le marché ou des lots de banane qui ont été saisis à des importateurs renforcent le scepticisme. L’administration algérienne, souvent critiquée pour sa lourdeur et son manque d’efficacité, sera-t-elle capable de gérer une opération d’une telle ampleur dans les délais impartis ?
Par ailleurs, certains économistes et acteurs du secteur agricole soulignent que cette solution, essentiellement conjoncturelle, ne répond pas aux problèmes structurels de l’élevage en Algérie. Plutôt que de miser sur une dépendance accrue aux importations, ils plaident pour un soutien renforcé à la filière locale, qui pourrait à terme offrir une meilleure régulation du marché.
La marge médiatisation. de opération depuis son annonce, il y a deux mois, jusqu’au débarquement du premier contingent de moutons roumaines, semble avant tout répondre à une logique de communication politique. Elle s’inscrit dans une stratégie de valorisation de l’action présidentielle, mais peine à dissimuler les failles structurelles d’un appareil administratif souvent décrié pour son inefficacité.
Plus qu’un simple événement ponctuel, l’importation massive de moutons interroge sur la capacité de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques équitables et durables, et invite à une lecture moins complaisante d’une initiative aux contours sociaux affichés, mais à l’impact réel encore incertain.
En somme, si cet achat de moutons de l’étranger vise à envoyer un signal politique fort à l’approche de l’Aïd, il soulève également de nombreuses questions : quelle sera sa réelle efficacité ? Qui en bénéficiera concrètement ? Et surtout, s’inscrit-elle dans une stratégie durable ou se limite-t-elle à un coup d’éclat ponctuel ? Pas seulement, qu’en est-il de la promesse du million de moutons ? Tout porte à croire qu’elle connaîtra le même échec que la fameuse allocation touristique jamais lancée.
Samia Naït Iqbal