Vendredi 19 octobre 2018
Assassinat barbare de Kashoggi : l’étau se resserre sur le prince héritier saoudien
Jamal Kashoggi aurait été découpé alors qu’il était vivant par un médecin saoudien qui écoutait en même temps la musique. Cette scène d’une barbarie inouie est racontée par la presse turque qui distillent les révélations depuis la disparition de ce journaliste au sein de l’ambassade saoudienne en Turquie.
La pression monte sur l’Arabie saoudite pour dévoiler le sort du journaliste critique Jamal Khashoggi. Depuis qu’il a disparu, le 2 octobre, après être entré dans le consulat saoudien d’Istanbul, les indices remontant jusqu’au prince héritier Mohammed ben Salman s’accumulent. Les dernières révélations de la presse turque vont dans ce sens.
Jusqu’ici, les autorités turques, officiellement silencieuses jusqu’à la fin de l’enquête, distillaient officieusement dans la presse des fuites attestant la mort de Jamal Khashoggi, avec force détails de plus en plus macabres. Désormais, leurs révélations sur l’affaire mettent en cause directement le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salman.
Le quotidien turc pro-gouvernemental Sabah a publié des images retraçant les mouvements à Istanbul d’un officier des services de sécurité proche de l’homme fort d’Arabie saoudite, et présenté comme le chef du commando de 15 Saoudiens soupçonnés d’avoir assassiné le journaliste.
Sur ces images de vidéosurveillance, on voit le principal suspect, Maher Abdulaziz Mutreb, entrer dans le consulat le matin de la disparition de Jamal Khashoggi, puis dans la résidence du consul, puis quittant un hôtel avec une grande valise et enfin avant de s’envoler à l’aéroport d’Istanbul.
Ces derniers jours, les policiers turcs ont fouillé pendant de longues heures le consulat et la résidence consulaire. Selon la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, qui cite des sources proches de l’enquête, les policiers auraient notamment trouvé sur place les empreintes digitales d’un autre membre du commando, un médecin légiste spécialisé dans les autopsies.
Jamal Khashoggi « semble bien » être mort, affirme Trump
Jamal Khashoggi, qui a disparu le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul et aurait été assassiné par des agents de son pays, « semble bien » être mort, a déclaré jeudi le président américain Donald Trump. « Ça me semble bien être le cas. C’est très triste », a répondu le président à un reporter qui lui demandait s’il pensait que le journaliste saoudien était mort.
A la demande du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, de retour de Riyad, indique notre correspondante à Washington, Anne Corpet, l’administration américaine a donné quelques jours supplémentaires à l’Arabie saoudite pour qu’elle explique comment le journaliste a bien pu disparaître dans les locaux du consulat d’Istanbul. Selon le New York Times, les autorités saoudiennes s’apprêteraient à désigner un coupable : il s’agirait d’un général, conseiller du prince héritier. Selon la nouvelle version des Saoudiens présentée par le quotidien new yorkais, ce général aurait reçu l’autorisation d’interroger le journaliste et l’aurait fait exécuter de sa propre initiative.
Quatre ONG exigent une enquête de l’ONU
Quatre organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse ont lancé un appel jeudi depuis le siège des Nations unies à New York pour réclamer une enquête indépendante sur la disparition – et le meurtre très probable – de Jamal Kashoggi. Seule une demande officielle d’un Etat membre peut conduire à l’ouverture d’une enquête. C’est la Turquie – pour l’exemple – en raison de son bilan en matière de défense des droits de l’homme qui devrait le faire ont plaidé ces organisations.
Plus de deux semaines après la disparition suspecte du journaliste saoudien du consulat de son pays à Istanbul, les voix commencent à s’élever contre le peu d’empressement à faire la lumière sur cette affaire pour ne pas perdre de juteux contrats avec Riyad.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et des journalistes ont donc demandé à la Turquie de saisir le secrétaire général Antonio Guterres pour lancer une enquête indépendante et impartiale de l’ONU, explique Lou Charbonneau de Human Rights Watch : « Ce que nous essayons de faire; c’est d’empêcher que cette affaire soit étouffée. C’est pourquoi nous disons que la Turquie peut aller directement voir le secrétaire général et ça peut aller très vite. »
Cette équipe d’enquêteurs devrait avoir accès à tous les témoins et enregistrements vidéo pour disposer des preuves en vue d’un éventuel procès. Le secrétaire général Antonio Guterres avait indiqué vouloir « la vérité » sur cette affaire.
Sherine Tadros, pour le compte d’Amnesty, l’implore de tenir parole : « Il est temps pour lui de s’élever et d’être courageux. Nous avons vraiment besoin de lui maintenant parce que nous sommes en train de perdre cette guerre. Nous la perdons en tant que défenseurs des droits humains et vous la perdez en tant que journalistes. »
Et ces organisations préviennent que sans enquête impartiale de l’ONU, le parfum de suspicion flottera toujours au-dessus de l’Arabie saoudite.