Lundi 12 février 2018
Au revoir Saïd, c’est méritant !
Aujourd’hui, je peux te tutoyer car c’est le dernier rideau d’une phase de ton épopée et que nous aurions pu être du même parti politique. J’en ai rejoint un autre, à une époque maintenant lointaine, et je ne le regrette pas même si je l’avais ensuite quitté assez brutalement. Au titre de membre de l’Exécutif national, j’avais souvent rédigé des articles sévères à propos de ton mouvement politique et de ses choix. Parfois, à l’égard de son Président, toi-même, mais jamais sur le plan personnel.
Tu ne me connais pas et ce n’est pas cela l’essentiel. J’ai eu, au début de ma participation, l’occasion de fréquenter un de tes frères un court moment. La même fibre militante, c’est certain et j’en garde un bon souvenir.
Je n’aurais effectivement jamais rejoint ton mouvement, comme l’on fait certains de mes camarades et, vice-versa, d’ailleurs. Mes opinions sur certaines prises de décisions stratégiques étaient à l’inverse absolu.
Cependant, d’une part, ce vieux parti que j’avais rejoint, sans le regretter, je le répète une seconde fois, a fini par prendre les mêmes stratégies que le tien, notamment la participation aux institutions électives. Je l’avais déjà quitté lorsqu’il prit cette position que je trouve accablante, aujourd’hui plus encore, deux décennies après.
D’autre part, et c’est le plus important, lorsque le temps fait son effet, lorsque les chamailleries laissent la place à l’analyse d’un passé qui s’éloigne, avec le recul suffisant, nous aurons finalement été du même bord. Absolument du même bord.
Aujourd’hui que ce temps a fait son œuvre, je te salue pour cette dernière révérence et j’ai envie de te dire « Bon job ! ». Malgré ces divergences stratégiques de l’époque, il est indéniable que nous avions le même but, la démocratie et donc la lutte contre les despotismes de tous bords.
Il y a deux combats particuliers où l’on ne pouvait pas être en désaccord et qui ont été farouchement les miens, entre autres sujets. Celui pour la liberté et l’égalité des femmes et celui pour la dignité des droits linguistiques et culturels. Ils sont au cœur du combat démocratique et ne peuvent s’en détacher. Ils auront été les nôtres.
Une petite ombre au tableau pour laquelle on ne peut se rejoindre, Khalida Messaoudi. J’avais été missionné pour la contacter après son soi-disant combat pour les femmes (je comprendrais assez vite la méprise). Mais nous avons été également entourés de gens de mauvaise fréquentation qui ont tourné autour de nous comme les mouches autour du miel. Nous aussi, nous aurions du être d’une très grande vigilance.
Un inconnu, mais farouche militant, te salue et te dis merci pour ce combat qui t’honore. Il faut maintenant prendre du recul.
Il y a des livres à écrire, des articles à proposer et des conférences à donner. Nul personne ne peut te le contester. Nous avons besoin, plus que jamais, que notre génération francophone vienne au-secours d’un désastre intellectuel qui a mené un peuple dans les abîmes.
Le droit des femmes, la laïcité et la démocratie, c’est ce qui nous restera de commun de notre joute qui semble, aujourd’hui, bien futile. Nous nous sommes écharpés sur le « comment », mais nous sommes sincèrement en phase sur les objectifs et le « pourquoi ». Le temps est un merveilleux agent de tempérance et d’objectivité.
Tu ne me connais pas, tu ne m’as jamais rencontré, ce témoignage n’en a pas besoin pour être sincère.
Je ne renie rien de mon opposition à tes choix du début mais j’atteste que nous faisons partie du même combat et du même monde.
Pars et sois honoré de ton chemin parcouru, il y en a un autre, aussi exaltant, qui est devant toi.