Samedi 6 juillet 2019
Au Soudan, le Conseil militaire s’engage à « appliquer » l’accord de transition
Le Conseil militaire au pouvoir au Soudan s’est engagé samedi à « appliquer » et « préserver » un accord conclu avec la contestation, qui définit les grandes lignes de la future phase de transition et qui a poussé les manifestants à annuler une campagne de désobéissance civile.
Mettant fin à leur bras de fer, les généraux et les chefs de la contestation ont accepté vendredi une présidence alternée à la tête d’un « Conseil souverain », la future instance censée diriger une transition d’environ trois ans.
L’initiative, parrainée par les médiateurs de l’Ethiopie et de l’Union africaine, est synonyme de détente, après plusieurs mois de tensions ayant suivi la destitution par l’armée du président Omar el-Béchir en avril.
« Le Conseil militaire s’engage et promet de préserver ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord, et veiller à son application », a indiqué dans une allocution télévisée le chef du Conseil militaire de transition, Abdel Fattah al-Burhane.
Le Conseil souverain sera composé de cinq militaires et six civils, dont cinq issus de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation.
Selon les termes de l’accord, les militaires vont d’abord présider la transition pendant 21 mois et les civils prendront la relève durant 18 mois.
« Nous allons travailler en étroite coopération avec nos partenaires de l’ALC et les autres forces dans l’objectif de réaliser (..) les aspirations du peuple », a promis le général Burhane.
Les Etats-Unis se sont félicités samedi de cette sortie de crise, y voyant une « étape importante » pour la transition au Soudan.
« Le gouvernement américain salue le progrès dans les négociations qui, nous l’espérons, conduiront à la création d’un gouvernement de transition civil largement accepté par le peuple soudanais », a écrit la porte-parole de la diplomatie américaine, Morgan Ortagus, dans un communiqué.
Pas de désobéissance civile
Le texte final de l’accord est en cours de rédaction par un comité d’experts, mais il devrait être prêt pour signature dès la semaine prochaine.
Après leur suspension en mai, les deux camps avaient repris les négociations dans un contexte tendu, un mois après la dispersion meurtrière d’un sit-in de manifestants devant le QG de l’armée à Khartoum.
Le drame du 3 juin avait fait des dizaines de morts et provoqué un tollé international. La contestation avait continué à appeler à des manifestations pour dénoncer le « massacre » et réclamer un transfert du pouvoir aux civils.
Mais l’accord dévoilé vendredi est considéré comme une petite victoire pour la contestation, qui a annulé une campagne de désobéissance civile prévue le 14 juillet.
Samedi, l’ALC a publié sur les réseaux sociaux un nouveau programme d’événements hebdomadaires qui ne fait pas mention de cette journée de « désobéissance civile et grève ».
Quant à un « cortège » organisé le 13 juillet pour marquer les 40 jours après la dispersion meurtrière du sit-in, il a été transformé en une « commémoration » en hommage aux « martyrs », dans la capitale et le reste du pays.
La contestation avait organisé du 9 au 11 juin une campagne de désobéissance civile qui avait quasiment paralysé Khartoum.
Deux leaders de l’ALC ont confirmé à l’AFP l’annulation de la campagne de désobéissance civile.
« La désobéissance et la grève avaient pour objectif d’obtenir un pouvoir civil. On peut supposer que ça va se faire avec l’accord », souligne un autre responsable de l’ALC Khaled Omar.
Depuis le 3 juin, la répression a fait 136 morts, dont une centaine dans la seule dispersion du sit-in, selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités parlent de 71 morts depuis la même date.
Des dizaines de personnes avaient déjà été tuées dans la répression des manifestations lancées en décembre, pour protester contre la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
Ce mouvement avait pris une tournure politique en réclamant la chute de M. Béchir, destitué et arrêté le 11 avril par l’armée après trois décennies au pouvoir.