La 82ᵉ Mostra de Venise vient de livrer son verdict, et c’est une Tunisienne qui s’impose parmi les géants du cinéma mondial. Samedi 6 septembre, la réalisatrice Kaouther Ben Hania a remporté le prestigieux Lion d’Argent – Grand Prix du Jury pour son film « La voix de Hind Rajab », une œuvre qui a bouleversé le Lido et marqué un tournant dans l’histoire du cinéma du sud de la Méditerranée.
La première projection a donné le ton : 23 minutes et 50 secondes de standing ovation, un record absolu pour Venise. Le public, visiblement secoué par la force du récit, a salué la réalisatrice et son équipe dans un moment rare d’émotion partagée. L’histoire racontée est inspirée du destin tragique de Hind Rajab, fillette palestinienne tuée à Gaza en janvier 2024 après un appel désespéré aux secours. Une voix fragile, résonnant dans le vide, qui est devenue symbole de l’innocence écrasée par la guerre.
Avant même la cérémonie officielle, La voix de Hind Rajab avait déjà engrangé plus de six prix parallèles : de l’UNESCO, de la Croix-Rouge italienne, de jurys indépendants et d’associations culturelles. Autant de distinctions qui disent l’impact transfrontalier de l’œuvre, capable de fédérer critiques, institutions et spectateurs autour d’une mémoire universelle.
Connue pour La Belle et la Meute et Les Filles d’Olfa, Ben Hania poursuit ici son exploration des zones de friction entre documentaire et fiction. Dans La voix de Hind Rajab, elle assemble témoignages réels, reconstitutions et une mise en scène épurée qui magnifie le silence autant que la parole. Le résultat est une fresque à la fois intime et politique, qui dépasse la simple chronique d’un drame pour devenir un acte de mémoire et de résistance.
Au-delà du cinéma, cette distinction prend une résonance particulière. Pour la Tunisie, c’est une victoire culturelle et diplomatique qui consacre la vitalité de son cinéma. Pour le monde arabe et les défenseurs de la cause palestinienne, c’est un signal fort : l’art peut briser le mur de l’indifférence et redonner chair à une voix condamnée au silence. À Venise, le film s’est imposé face à des cinéastes de renom, rappelant que les récits venus du Sud ne sont plus périphériques mais au centre des enjeux artistiques et politiques mondiaux.
Avec ce Lion d’Argent, le film est désormais en lice pour les Oscars 2026 où il devrait représenter la Tunisie dans la catégorie du meilleur film international. Sa sortie mondiale est attendue, même si sa distribution américaine reste incertaine. Mais au-delà des récompenses, « La voix de Hind Rajab » a déjà gagné son pari : transformer le cri d’une enfant en œuvre universelle. Le cinéma, ici, devient archive vivante, porte-voix des sans-voix et miroir des silences coupables.
Djamal Guettala