Je ne peux commencer cette chronique sans une anecdote qui remonte au début des années 1980. Nous sommes à l’institut de physique de l’USTHB. C’était l’époque où les nouveaux laboratoires poussaient comme des champignons.
Un laboratoire de fusion thermonucléaire vit le jour. Le défi ayant été de se mettre en phase avec les plus grands laboratoires au monde de l’époque. Le hic, c’est que l’un des membres de l’équipe de responsables, constituée d’un simple binôme, venait de débarquer d’URSS avec, en poche, un diplôme équivalent au Master ! ? Je ne sais à combien s’était chiffré l’acquisition d’un matériel lourd.
Toujours est-il que le ministre de l’Enseignement fraîchement désigné, Phd américain en trophée, s’était intéressé au projet. Un jour, il débarque au dit laboratoire et lance aux responsable : ce n’est pas de la fusion que vous faites mais plutôt de de la « confusion » ! Pendant des années, le projet resta à l’état de projet. Je m’arrête là car je ne connais pas bien la suite.
Tout ceci pour dire qu’entre des vœux pieux et une réalisation effective sur le terrain, il y a un fossé aussi large que celui qui sépare la théorie de l’expérience : il faut « des hommes qu’il faut à la place qu’il faut ». Encore un slogan des années Chadli que le génie du peuple ou Le canard enchaîné, je ne m’en souviens plus, avait transformé en caricature montrant la tombe de Boumediene avec la légende « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».
Venons-en aux dernières instructions de notre cher président lors du dernier conseil des ministres. Parmi celles-ci, il y en deux qui attirent particulièrement l’attention :
-Le président Tebboune souhaite réhabiliter et développer le Barrage vert qui traverse le pays d’est en ouest dans la région des Hauts Plateaux et qui constitue un rempart contre l’avancée du désert vers le nord du pays.
-L’autre sujet abordé au cours de la réunion concerne le développement des filières de l’hydrogène vert et de l’électricité solaire.
Rappelons que c’est le président Houari Boumediene qui avait annoncé, en 1970, la mise en place de ce projet du Barrage vert qui visait le reboisement de trois millions d’hectares.
Pour essayer de mener le projet à terme, Boumediene avait fait appel à l’armée. Une armée qui a dû être confinée dare-dare aux frontières marocaines en 1976 ! Le projet en resta là !
À partir de la décennie 2010, le Barrage vert est remis au goût du jour. Une étude sur sa réhabilitation et son extension est lancée en 2012, un plan d’action est proposé en 2016, des réunions et des ateliers ont lieu en 2018. Focalisez-vous bien sur les années qui défilent !
En octobre 2019, le gouvernement annonce la mise en place d’un organe de coordination afin de lancer les travaux. Le but étant de restaurer le Barrage vert et d’augmenter son extension de 10 %. 43 millions d’arbustes devaient être plantés dans le cadre d’une campagne nationale de reboisement.
En 2023, le projet est toujours à l’état de projet ! Entre temps, le désert avance.
Par ailleurs, pour de tels intentions pharaoniques, quid du personnel en charge du reboisement de plus de 1000 km ? Fera-t-on appel à des millions de Chinois pour reboiser une superficie qui se chiffre en millions d’hectares ? Décidément, en matière de chiffres, nos dirigeants ne savent manipuler que des millions !
Venons-en à l’hydrogène vert !
L’hydrogène est récupéré à travers l’électrolyse de l’eau qui sépare ce gaz de l’oxygène. Il est dit « vert » quand il est produit grâce à de l’électricité issue d’énergies renouvelables : éolienne, solaire ou hydraulique.
Rappelons d’abord que nos voisins marocains possèdent une avance notable sur l’exploitation de l’énergie solaire, un élément essentiel pour nos pays dans la fabrication de cet hydrogène que l’on dit du futur.
Fin juillet 2023, le roi Mohammed VI avait réaffirmé, dans un discours, les ambitions du Maroc, appelant son gouvernement à « une mise en œuvre rapide et qualitative » de l’offre Maroc pour l’hydrogène vert.
Il est évident que notre pays est un véritable réservoir d’énergie solaire. Le hic, c’est que comparativement au Maroc, nous sommes à la traîne, quand on sait que la plus grande centrale solaire au monde se trouve… au Maroc, précisément ! La construction de la centrale solaire Noor est symbolique et représentative de la nouvelle politique que mène le pays. Le chantier a été lancé en 2016. Il s’est achevé en 2017 !
On le voit donc, le Maroc possède une sacrée longueur d’avance dans l’élément essentiel qui rentre dans la chaîne de fabrication de l’hydrogène vert.
Rappelons que les programmes successifs de Bouteflika avaient complètement ignoré les énergies renouvelables.
En 2017, avec une production de 536 MW, l’Algérie est classée 18e en Afrique en termes de capacité installée en énergies renouvelables. C’est l’un des résultats de « l’application du programme du président Bouteflika » centré sur la primauté donnée aux énergies fossiles et de nouveau au gaz de schiste. Pourtant, en ces temps-là, l’Allemagne était fin prête à offrir son aide !
En 2018, le pouvoir croit se délester du « problème » des énergies renouvelables qui trouble la fête annoncée du gaz de schiste en confiant à Ali Haddad et consorts la création de petites centrales solaires.
Est-il utile de rappeler qu’Ali Haddad, l’ex-marchand de melons, croupit en prison ?
En conclusion, il ne suffit pas de faire des annonces et faire semblant de faire mieux que les précédents, encore faut-il des hommes sérieux et des programmes à long terme qui feront abstraction des changements de responsables !
Et pour ce faire, l’énergie prioritaire est celle de l’investissement humain, en arrêtant ces nominations des petits copains à des postes clefs qui engagent l’avenir du pays !
Mais chez nous, on le sait bien, autant miser sur une mutation de nos poules, auxquelles l’équipe Tebboune-Chanegriha fera pousser des dents avant que l’équipe suivante ne fasse semblant de leur arracher les mâchoires !
Kacem Madani