Annoncé comme une infrastructure majeure capable de désenclaver les Aurès, le projet de la route Batna–Khenchela peine à sortir de terre. Surnommé par certains médias le « projet du siècle », il devait transformer la route nationale 88 en une voie à double chaussée, modernisée et sécurisée. Mais deux ans après le lancement des travaux et malgré une section inaugurée, le chantier reste un exemple des lenteurs chroniques des grands projets publics en Algérie.
Le projet a débuté fin 2021 avec un budget de 2 milliards de dinars, confié à plusieurs entreprises nationales. Une section de 14 kilomètres a été mise en service en mai 2024 et inaugurée par Abdelmadjid Tebboune en personne. Il fallait bien lui faire plaisir et faire croire à l’opinion que « la nouvelle Algérie » de Tebboune est efficace.
Cependant, cette portion, bien que symbolique, ne reflète qu’une fraction de l’ambition initiale, et ses bénéfices réels sur la circulation restent limités. Autrement dit, de l’affiche pur. Le reste du tracé, lui, accuse un retard inquiétant. Certains tronçons présentent déjà des dégradations, avec des nids-de-poule et un revêtement inégal, mettant en danger les automobilistes.
Les habitants et transporteurs dénoncent une planification déficiente et un manque de contrôle. Les entreprises adjudicataires, bien que nombreuses, semblent dépassées par l’ampleur du chantier. Le contraste est frappant : un projet affiché comme vitrine du développement régional se heurte à des problèmes techniques et organisationnels qui freinent toute avancée tangible. C’est l’incompétence et l’improvisation à tous les niveaux.
Au-delà de l’aspect logistique, ce retard révèle une déconnexion persistante entre promesses politiques et réalité sur le terrain.
La population locale, qui attendait une amélioration significative de ses conditions de déplacement, se retrouve face à un chantier à moitié achevé, incapable de répondre aux besoins quotidiens. Pour les zones rurales, déjà isolées, cette route devait représenter une bouffée d’oxygène économique et sociale ; elle demeure un symbole de frustration.
Les enjeux économiques et sociaux sont pourtant évidents. La route Batna–Khenchela constitue un axe vital pour le transport des personnes et des marchandises, et sa modernisation pourrait stimuler le commerce local, faciliter l’accès aux services publics et réduire l’isolement des villages environnants. Aujourd’hui, ces promesses restent largement théoriques.
Ce projet, censé être un levier de développement, illustre surtout les limites du suivi et de l’exécution dans les grands chantiers publics. La question n’est plus seulement celle de l’achèvement, mais de la capacité des autorités à garantir cohérence, qualité et calendrier. Tant que les travaux restent suspendus entre communication politique et retard technique, le « projet du siècle » risque de rester un slogan plus qu’une réalité.
La route Batna–Khenchela, si elle veut tenir ses promesses, doit sortir de l’ombre des discours officiels. Les Aurès méritent une infrastructure digne de ce nom, achevée dans les délais, et non une vitrine partielle qui masque des années de lenteur et d’impréparation.
Mourad Benyahia

