Demain, lundi 8 septembre 2025, le Premier ministre François Bayrou demandera la confiance des députés de l’Assemblée nationale. Avant d’entrer dans le fond du sujet passons en revue le cadre juridique de cette procédure.
C’est l’article 49, al.1 qui la précise, Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. (Legifrance.fr).
Nous constatons d’abord un point assez marginal, l’expression « vote de confiance » n’est pas mentionnée dans l’article concerné mais « Engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement ». Dans beaucoup de constitutions européennes on trouve des expressions différentes dans la sémantique mais équivalentes dans leur sens, une question de confiance, un vote de confiance, une motion de confiance…
Il faut absolument éviter une erreur courante, le vote de confiance n’est pas la motion de censure, cette dernière étant très célèbre dans sa connaissance par le public. D’une manière très simplifiée, la conséquence est la même puisque le Gouvernent tombe en cas de rejet dans l’un des deux cas.
La différence est dans l’origine de la demande. La motion de censure est proposée par une partie de l’Assemblée nationale avec un pourcentage qualifié. La question de confiance est proposée par le premier ministre.
Quel que soit le cas le pari est lourd de conséquences puisque le Gouvernement « joue sa tête ». Le sort de François Bayrou sera ainsi soumis au résultat du vote. On sait que seul un miracle peut sauver le Gouvernement.
À l’heure de la rédaction de mon article je ne connais pas le résultat et si je m’aventure à copier le mécanisme de pensée de Monsieur de La palisse, je dirais « Hier, c’était la veille d’aujourd’hui, et aujourd’hui, c’est le lendemain d’hier ».
Plus sérieusement, j’ai choisi la rédaction antérieure car je voulais réfléchir sur cette question de confiance d’une manière juridique et politique quel que soit le résultat car il aurait détourné la sérénité de la réflexion.
La quasi-certitude de l’échec vient du fait que la majorité des députés en sièges a déjà annoncé qu’elle ne voterait pas la confiance à travers les déclarations des leaders des partis politiques.
J’ai dit la quasi-certitude car, en dehors des votes indépendants, il y a encore un parti politique qui tente jusqu’à la dernière minute d’arracher des concessions sur le vote du budget. C’est le parti socialiste qui utilise le chantage car son vote négatif ferait tout basculer. On connait par contre la décision du parti Les Républicains par les déclarations de leurs dirigeants du parti, ils voteront la confiance. Le parti socialiste détient donc les clés entre ses mains.
Ce n’est pas la peine d’avoir un doctorat en droit constitutionnel pour savoir que dans un groupe en conflit celui qui peut vous défendre est toujours celui qui a monnayé son appui ou qui en a l’intention ultérieurement.
Oui mais voilà où les choses se compliquent, le Parti Socialiste est lui-même tenu par un autre chantage, encore plus que celui exercé sur François Bayrou. Ce chantage s’appelle les élections communales et plus tard ou en cas de dissolution, les législatives. Le PS avait déjà ses mains liées car sans le parti de Mélenchon il n’avait aucune chance d’avoir leur appui au second tour. Il avait rejoint une alliance qui tourne le dos à toutes ses convictions historiques.
Que fera l’arbitre demain, « le faiseur de rois » ? Succombera-t-il aux sirènes du retour au pouvoir avec la nomination d’un Premier ministre socialiste et sera-t-il convaincu que la direction d’un gouvernement de la gauche modérée sera pour lui un atout pour les élections législatives ?
Il faut se dire que les votes suite au 49, ali.1 ou au 49, ali. 3 sont toujours des opérations de pari et de pensées sous-entendues. Il y a toujours un calcul à partir de cette question centrale, « avons-nous des chances de participer au gouvernement ou d’avoir la certitude de gagner dans une élection communale ou dans des législatives anticipées ? ».
Le fond de l’affaire est souvent identifié et sincère, le vote du budget pour cette fois-ci, un autre texte ou conflit pour les autres. Mais le choix de renversement ou de maintien fait toujours retenir la main avant le vote et la libérer lorsque le pari est joué.
Le risque d’un blocage du pays par les chutes du gouvernement est toujours un point qui donne à réfléchir à tous les députés qui n’ont pas envie de risquer leur siège. Eh oui, la politique est belle mais seulement lorsqu’on a une chaise pour s’y assoir.
C’est la raison pour laquelle le dilemme est fort et que les chantages fleurissent. Pour sa part, François Bayrou tente une carte inédite alors qu’il est placé face au mur. Il sera le premier chef du gouvernement à être désavoué si le vote est négatif.
En 41 cas de recours à l’article 49, ali.1, jamais un Premier ministre de la Vème république n’avait chuté sur un vote de confiance car ils n’ont jamais pris de risques avec une majorité acquise par l’aide du mode de scrutin majoritaire. Néanmoins d’autres n’ont jamais pris le risque même avec l’appui d’une majorité absolue. Seul Jacques Chirac est passé à quelques voix seulement du couperet.
Quant aux trois chefs de gouvernement précédents, ils auraient été suicidaires de tenter le pari sans majorité absolue car elle n’existe plus. C’est pourtant ce que va faire François Bayrou le 8 septembre.
Boumediene Sid Lakhdar