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vendredi 13 juin 2025
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« Ben Barka – La disparition » : une bande dessinée pour rouvrir les plaies d’un crime d’État

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Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, l’un des leaders emblématiques du nationalisme marocain et figure de la lutte anticoloniale, disparaît à Paris dans des circonstances toujours non élucidées. Opposant au roi Hassan II, Mehdi Ben Barka inquiétait beaucoup le palais royal.

La bande dessinée Ben Barka – La disparition, parue aux éditions Futuropolis, revient sur ce crime d’État, mêlant enquête et reconstitution graphique pour éclairer une affaire emblématique des années 1960 et des complicités entre services secrets marocains et français.

Ce jour-là, Mehdi Ben Barka est attendu pour un rendez-vous devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain. Il porte alors un projet de film sur les luttes du Tiers-Monde, écrit par Marguerite Duras, réalisé par Georges Franju, avec Fidel Castro, Che Guevara, Nasser, Mao et Ho Chi Minh à l’affiche. Mais à la place d’un producteur, ce sont de faux policiers qui l’interpellent. Il est embarqué dans une voiture. On ne le reverra jamais.

Dans Ben Barka – La disparition, le journaliste David Servenay et le dessinateur Jacques Raynal rassemblent les pièces d’un puzzle resté longtemps verrouillé. Le récit s’appuie sur des archives judiciaires, des témoignages et des documents restés classés secret-défense pendant des décennies. Il met en scène des figures-clés de cette affaire : Georges Figon, intermédiaire trouble et ancien voyou reconverti, qui servit de lien entre le projet de film et les commanditaires du piège ; Philippe Bernier, journaliste proche de Ben Barka, et Maurice Buttin, avocat opiniâtre de la famille, confronté à une justice paralysée par la raison d’État.

Graphiquement, le dessin en noir et blanc de Jacques Raynal plonge le lecteur dans l’atmosphère pesante d’un polar politique. Loin des effets de style, le trait rugueux donne au récit une densité dramatique et une sobriété glaçante. Tout y est : filatures, manipulations, faux-semblants, silences… L’arrière-plan ? Une France encore engluée dans ses réflexes coloniaux, un Maroc monarchique obsédé par son opposant exilé, et des barbouzes naviguant entre deux rives, avec la complicité d’hommes d’influence.

Car l’affaire Ben Barka, au-delà de sa dimension tragique, révèle les mécanismes d’un monde bipolaire où les indépendances postcoloniales se construisent sous haute surveillance. Un monde où les alliances diplomatiques masquent des opérations clandestines. Un monde où l’engagement pour le Tiers-Monde peut valoir une condamnation à mort.

Soixante ans plus tard, le corps de Mehdi Ben Barka n’a jamais été retrouvé. Aucun responsable n’a été jugé. Le silence d’État reste la norme. Cette bande dessinée ne prétend pas résoudre l’affaire, mais elle documente, avec rigueur et précision, ce que les archives ouvertes permettent aujourd’hui de dire. Elle éclaire aussi ce que les archives fermées continuent de cacher.

Ben Barka – La disparition n’est pas seulement un exercice de mémoire. C’est un acte journalistique, une œuvre d’histoire dessinée, et un cri contre l’oubli. Elle rappelle que les disparitions politiques ne relèvent pas uniquement du passé. Elles interrogent notre présent démocratique et la capacité des États à affronter leurs zones d’ombre.

Djamal Guettala  

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1 COMMENTAIRE

  1. Paix à son âme ! On aurait une autre Afrique du Nord avec lui tout comme Albane, Krime, Khider, Chabou, comment les faire découvrir aux nouvelles générations?
    Des Lummamba dont l’Afrique est en grave déficit .

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