Samedi 13 juin 2020
Bir Sebâa : le communiqué laconique de Sonatrach
Le gisement de Bir Sebâa, dont la feuille de route pour atteindre cet objectif de 40 000 barils par jour a été tracée en 2015, devra supporter un retard de plus de trois ans sans pour autant expliquer les raisons qui vont sans aucun doute impacter négativement la construction de ce nouveau train par un surcoût inévitable.
Ainsi, lit-on dans le site de Sonatrach, un communiqué « très succinct » (01) sous la forme d’une simple annonce que le groupement Bir Sebâa formé de l’entreprise national avec 25% des parts et ses deux partenaires, à savoir la compagnie thaïlandaise PTTEP dont les parts s’élèvent 35% et le groupe vietnamien Petrovietnam avec 40%. Cette association lit-on dans ce communiqué daté du 9 juin a procédé à la signature avec une société italienne spécialisée en Ingénierie de Maire Tecnimont la veille d’un contrat clé en main c’est-à-dire Engineering Procurement and Construction (EPC) pour réaliser ce deuxième train dont les préparatifs trainent depuis 2016.
En effet, il y a eu une confirmation du potentiel réel qui a montré qui les puits étaient productivement bons pour passer à cette extension par la construction de ce deuxième train sous forme d’un centre de production appelé communément dans le jargon pétrolier «Center-Production- Facilities » (CPF).
Le projet prévoit comme tous les centres de production du mastodonte un train de traitement préliminaire d’huile, une unité de gaz lift, une autre de d’injection d’eau pour maintenir la pression. Il est prévu d’ajouter maintenant un turbogénérateur de 18 MW et raccorder enfin 33 puits dont 19 producteurs d’huile et 14 injecteurs d’eau. La société choisie appartient à l’ingénieur italien Maire Tecnimont (02), est plutôt plus spécialisée dans le domaine de la pétrochimie car 80% de ses réalisations dans le monde ont été dans la chimie et la pétrochimie et les énergies (03) donc à peine 8% dans les raccordements d’huile et de gaz et les travaux dans les champs pétroliers.
Pourtant les travaux qui dureront 40 mois couvriront aussi l’installation de deux stations de collecte, plus de 400 km de piping reliant les nouveaux puits et la mise en place d’un système d’injection d’eau que Sonatrach capitalise depuis plus de six décennies et aurait pu intégrer des entreprises locales pour alléger son budget en devises.
Rappelons que le montant initial du contrat avoisine les 400 millions de dollars sur une durée de 40 mois pour une part supplémentaire insignifiante soit 10 000 barils par jour qui lui reviennent dans cette association.
Que cachent justement ces effets d’annonces ?
Sous prétexte d’une crise sanitaire, on ne parle plus des textes pour finaliser l’application de la loi sur les hydrocarbures et lancer le 5e appel d’offre annoncé pour le 2éme semestre 2020, alors que toute la stratégie du secteur s’était basée sur l’apport éventuel des sociétés étrangères après l’adoption de la loi. Ces sociétés n’ont en réalité jamais montré le moindre intérêt, malgré les signatures des mémorandums d’entente « MoU », tout simplement, parce que le vrai problème qui n’a malheureusement pas été expliqué aux autorités, réside au niveau du domaine minier et non pas au niveau de la loi sur les hydrocarbures.
La preuve en est le chiffre important des appels d’offre inféconds. Bien que le programme du gouvernement stipule clairement la limitation des ressources non conventionnelle à une étude d’impact aussi bien environnementale qu’économique, peut-être même une simple évaluation du potentiel, le ministre de l’Energie dans une déclaration rapporté par Maghreb Emergent (04) parle quant à lui d’une négociation en cours de l’exploitation du gaz de schiste ce responsable a révélé que l’Algérie négociait en ce moment même avec « les nouveaux producteurs de gaz de schiste pour maintenir sa position sur le marché.»
Pourtant, le mois de novembre 2019, ce même ministre s’exprimant lors d’un point de presse (05) est revenu plus rassurant sur l’issue et l’objectif du projet de loi sur les hydrocarbures qui selon lui grâce au réaménagement de la fiscalité permettra à Sonatrach d’explorer les «150 champs de ressources conventionnelles ». Il a fait entendre qu’avec le poids de la fiscalité contenue dans la loi actuelle 05-07 bien qu’amendée à trois reprises 2013, 2014 et 1015, la Sonatrach n’a pu attirer de partenaires pour partager le risque dans une aventure capitalistique encore une fois dans les gisements conventionnels, ces «150 découvertes » seraient constituées de structures mitrales à petites tailles, pas nécessairement économiques, avec de faibles volumes, dont les plus viables ont déjà été exploitées par Sonatrach.
Pour lui le non-conventionnel que le public connaît sous le terme « gaz de schiste n’est pas une priorité immédiate. » Sans attendre l’élaboration d’une vision globale du secteur de l’énergie, par le Haut Conseil de l’Energie tel que ordonné par le président de la république, M. Arkab a également évoqué un partenariat naissant entre Sonatrach et Sonelgaz pour la création d’une société mixte qui travaillera sur un énorme projet de production de 4000 mégawatts d’électricité en 3 ans. «A ce titre, la compagnie nationale d’hydrocarbures a signé des accords avec Chevron et ExxonMobil pour concrétiser ce projet», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Nous allons proposer au président de la République, au cours des prochains jours, une feuille de route sectorielle dans le cadre de la stratégie de diversification économique.» (06)
Par manque de visibilité et surtout d’une feuille de route claire, on ne sait pas si ces mémorandums d’entente ont été formalisés pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures ou la production de l’électricité par le photovoltaïque qui ne fait pas partie des métiers de base de Sonatrach mais selon toute vraisemblance, entraînée malgré elle, au nom de pseudo diversification de l’économie nationale, juste parce qu’elle est d’actualité en ces temps de vaches maigres.
Pourquoi Sonatrach dont l’objectif est d’augmenter les réserves d’hydrocarbures serait-elle impliquée dans un projet énergétique certes mais à caractère industriel dans lequel de nombreux groupes privés au demeurant algériens pourraient y être ? Si cela était fait dans le cadre d’une stratégie de l’Etat, il aurait pu réserver une partie importante de l’aval pétrolier au secteur privé pour drainer des investissements dans une vision business.
Aujourd’hui par exemple Sonelgaz implique Sonatrach pour uniquement tirer des capitaux qu’elle aurait pu faire dans une joint-venture publique-publique ou publique privée et laisser Sonatrach s’occuper de son métier de base qui ne peut pas être privatisé car considéré comme stratégique.
En effet, il est facile dans le cadre d’un projet « business » de permettre au privé de construire des raffineries afin de produire et commercialiser les produits pétroliers mais difficilement lui permettre de prendre des gisements pétroliers et produire plus de gaz de pétrole que Sonatrach.
Sonelgaz est le bijou algérien en matière de production et commercialisation de l’électricité mais elle n’a jamais été mise dans une situation « business » pour la mettre devant ses responsabilités. Toutes ses centrales produisent de l’électricité à partir du gaz que Sonatrach lui procure au dinar symbolique, Il faut reconnaître qu’une telle approche était jusqu’à maintenant politique liée à l’électrification urbaine à près de 98% et ramener ce gaz dans toutes les régions du pays à 58% mais aujourd’hui si elle ambitionne d’exporter le gaz, elle ne devra plus compter sur sa valeur au dinar symbolique mais créer des joint-ventures orientées « business » et donc vise la rentabilité.
R. R.
Renvois
(06) https://www.facebook.com/elbilad/posts/3505225769538359