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Bombardements ciblés et agents infiltrés : la stratégie israélienne en Iran

Armement iranien

Au-delà de la seule opération militaire, l’attaque d’Israël sur l’Iran s’est appuyée, affirment des analystes, sur un méticuleux travail du Mossad, son service de renseignement extérieur, capable depuis des années d’infiltrer le pouvoir de la République islamique

La stratégie israélienne est claire :éliminer un à un les dirigeants militaires et les experts du programme nucléaire, et dans le même temps, menacer l’échelon politique. Pour cela, Israël mène des assassinats ciblés qui, pour la plupart, sont le résultat direct de frappes précises de l’aviation israélienne, selon notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul.

C’est le cas pour l’élimination, selon Israël, du général Ali Shadmani, un proche du guide suprême iranien Ali Khamenei mais aussi le plus haut gradé du corps des Gardiens de la révolution islamique et de l’armée iranienne. Elle rappelle étrangement celle utilisée contre le Hezbollah au Liban juste avant le lancement de l’attaque israélienne sur le Liban.

Pour la première fois ce mardi 17 juin, le Mossad, le service secret israélien, reconnaît que ses agents sont sur place. Il a même diffusé une vidéo montrant une action sur le terrain tout en restant très avare de détails. Mais le New York Times et le Washington Post ont publié des informations inédites sur la stratégie d’infiltration des agents israéliens. 

Selon eux, les services secrets israéliens ont fait entrer clandestinement, et ce, pendant des mois, en Iran des pièces détachées pour des centaines de drones quadricoptères piégés d’explosifs. Une opération d’envergure qui a été préparée durant des années et qui aurait servi à des attaques contre des cibles humaines, mais également des sites de missiles. 

Des centaines d’agents impliqués 

Selon le journaliste israélien spécialisé Barak Ravid, « des centaines d’agents du Mossad, à la fois à l’intérieur de l’Iran et au siège, ont été impliqués [dans l’offensive, NDLR], y compris une unité spéciale d’opérateurs iraniens travaillant pour le Mossad ». Dans le centre du pays, des commandos « avaient positionné des systèmes d’armes guidées en plein air près des lanceurs de missiles sol-air iraniens ». Le service a aussi « déployé secrètement des systèmes d’armes et des technologies sophistiquées cachées dans des véhicules ». 

« Cela montre la supériorité opérationnelle et en termes de renseignement d’Israël sur l’Iran », affirme sans détours à l’AFP Danny Citrinowicz, de l’Institut des études de sécurité nationale de Tel-Aviv. 

Selon les médias israéliens, l’opération – qui rappelle la récente attaque ukrainienne de drones en Russie – a été préparée pendant entre huit mois et deux ans. Mais s’est appuyée sur une infiltration israélienne bien plus ancienne. « Cela fait plus de 15 ans qu’Israël suit le programme nucléaire » iranien, relève pour l’AFP Michael Horowitz, géopoliticien israélien. Les frappes constituent « l’aboutissement d’années de collecte de renseignements et de pénétration de la République islamique ». 

Du point de vue israélien, ce n’est que le début de l’offensive. La campagne actuelle a été longuement préparée. Selon une source sécuritaire, Israël a encore « quelques surprises en réserve ». 

Le contre-espionnage iranien, « un service de sécurité surtout concentré sur les menaces intérieures »  

L’Iran, de son côté, a exécuté lundi 16 juin un homme reconnu coupable d’espionnage pour le compte du Mossad, a rapporté l’agence de presse semi-officielle Fars, l’identifiant comme étant Esmail Fekri. L’Iran a aussi affirmé avoir détruit dans la nuit des « cibles stratégiques » à l’aide de drones à Tel-Aviv et à Haïfa, la grande ville du nord d’Israël, et avoir notamment frappé le Mossad à Tel-Aviv. « Des attaques massives de drones, utilisant des armes nouvelles et avancées, ont commencé et s’intensifieront dans les heures à venir », a averti le général Kioumars Heidari, commandant des forces terrestres de l’armée, cité par la télévision. 

L’histoire dira si l’opération « Lion dressé » privera l’Iran de sa capacité à se doter de l’arme nucléaire, ce qu’elle-même dément convoiter. Mais elle fera date dans la liste des campagnes majeures des espions israéliens, tout comme l’opération menée en septembre 2024 lorsque le Mossad avait attaqué le Hezbollah libanais avec des bipeurs chargés d’explosifs. Selon les autorités libanaises, le bilan s’est élevé à 39 morts et des milliers de blessés, dont un grand nombre de civils, valant à Israël une pluie de condamnations. Auparavant, la liste des assassinats ciblés d’ennemis d’Israël avait déjà forgé depuis des années la réputation du Mossad

Alain Chouet, ex-numéro trois du renseignement extérieur français (DGSE), a confirmé samedi 14 juin que le Mossad pouvait « mobiliser beaucoup d’agents sur peu de sujets, quand les services occidentaux sont censés avoir une couverture planétaire ». En face, « le contre-espionnage iranien est un service de sécurité surtout concentré sur les menaces intérieures ». C’est le propre des dictatures qui préfèrent surveiller les opposants que de prévenir les menaces extérieures. D’où une désastreuse infiltration israélienne, dont se sont émus publiquement de hauts responsables iraniens, et que ne compensent pas les exécutions régulières de condamnés présentés comme des agents d’Israël. 

En Iran, les attaques israéliennes ont fait au moins 224 morts et plus d’un millier de blessés, selon le dernier bilan officiel, dimanche. Le bureau du Premier ministre israélien a recensé au moins 24 personnes tuées par les missiles et drones iraniens.

Avec RFI/AFP

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