Vendredi 18 septembre 2020
Bombardements turcs au Kurdistan irakien : une famille témoigne
Cela fait des années que la Turquie mène une guerre acharnée contre le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK. Ces combattants kurdes sont repliés autour de la frontières turco-irakienne.
Ainsi sous prétexte de lutter contre le terrorisme Ankara mène régulièrement des frappes aériennes contre les villages du Kurdistan irakien. La dernière campagne militaire a été lancée en juin dernier. Elle a amené à la désertions de nombreux villages et fait plusieurs victimes civiles.
« C’était un jour comme un autre dans le village de Kani Mazane, à l’extrême nord du Kurdistan irakien. Khaled était parti faire des courses lorsque trois bombes ont frappé son village et mis le feu à son champ », nous raconte sa soeur Nasrin
« L’incendie a pris de l’ampleur. Mon frère a dit qu’il allait aller éteindre le feu. Ses enfants lui ont demandé de rester, mais il a répondu que toutes leurs cultures étaient en train de partir en fumée. Il est parti en courant. À peine arrivé sur les lieux, l’avion est revenu, Ils ont tiré trois bombes… Pendant les 4 heures qui ont suivi personne n’a bougé. Il y avait des avions qui tournaient, donc les gens étaient obligés de rester terrés. Après 4 heures tous les villages aux alentours se sont mobilisés. 200 hommes sont partis au couché du soleil pour aller chercher la dépouille de mon frère ».
Depuis la mort de Khaled, le petit village de Kani Mazane s’est vidé de sa population comme des centaines d’autres auparavant. Des familles d’agriculteurs qui avaient pourtant fait face à la peur depuis des années pour continuer de cultiver leurs terres.
« La Turquie dit qu’il ne faut pas que nous laissions le PKK se cacher autour de chez nous. Mais qu’est ce qu’on peut faire ? Les combattants du PKK ont des armes, nous n’avons que nos mains. Alors les Turcs viennent chercher le PKK et ils nous tuent aussi avec eux. Les gens ne peuvent pas abandonner leurs champs et leur terre. Ils n’ont pas d’autre logement en ville. Il n’y a pas de travail, pas de salaire. Donc les gens restent, ils sont obligés. Après un bombardement les gens essaient de se convaincre que ça va s’arrêter, et puis 10 jours plus tard il y a de nouvelles frappes ».
Les bombardements Nasrin en a connu toute sa vie. Avant la Turquie, c’était Saddam Hussein et l’arme chimique contre les kurdes. En 1988, sa sœur est partie se réfugier en France. En exil, Myriam nous confie son sentiment d’impuissance.
« L’Irak n’est pas le seul à laisser faire. Le gouvernement régional du Kurdistan irakien continue lui aussi de collaborer avec la Turquie. Le PKK est de toute façon le frère ennemi du parti au pouvoir le PDK. Ce sujet est donc tabou dans la région. Depuis la mort de Khaled en août, au moins sept autres civils ont été tués. Le puissant et riche voisin turc semble avoir toujours carte blanche ».