Le nom de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu en Algérie depuis près d’un an, s’invite malgré lui dans une controverse politique autour du Prix Sakharov 2025, la plus haute distinction du Parlement européen pour la liberté de l’esprit.
Selon plusieurs médias français, l’affaire a éclaté lorsque le groupe d’extrême droite « Patriotes pour l’Europe » (PfE), présidé par Jordan Bardella et fort de 85 eurodéputés, a proposé la candidature de l’auteur de 2084. Dans un communiqué, le groupe affirme être « fier d’annoncer la nomination officielle de Boualem Sansal », qu’il présente comme un « prisonnier politique du gouvernement algérien ». « Cette nomination témoigne d’un engagement clair en faveur des valeurs fondamentales que sont la liberté d’expression, la liberté artistique d’un écrivain et la résistance à l’autoritarisme », poursuit le texte.
Or l’écrivain de 80 ans, condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » et incarcéré depuis le 16 novembre 2024, s’oppose à cette initiative, selon son éditeur. Dans un communiqué diffusé le 15 septembre, cité par l’AFP, Antoine Gallimard, s’exprimant au nom de sa famille, a indiqué que, « malgré la très grande estime dans laquelle il tient ce prix, Boualem Sansal, par la voie de son épouse, a fait savoir qu’il considérait comme irrecevable cette démarche insidieusement partisane ». Antoine Gallimard a précisé qu’en cas de maintien de cette candidature, « ce prix Sakharov serait refusé par les représentants de l’écrivain en France ».
L’éditeur souligne encore que « l’engagement continu de Boualem Sansal en faveur de la paix et de la liberté ne justifie en aucun cas qu’en son absence, on associe son nom et ses écrits aux visées d’un mouvement dont la radicalité politique est étrangère à l’esprit de tolérance qu’il a toujours promu ».
Le comité de soutien Boualem Sansal monte au créneau
Cette prise de position est contestée par le collectif de soutien à l’écrivain. Cité par le Journal du Dimanche, il affirme que « nul ne peut aujourd’hui se prévaloir de parler au nom de Boualem Sansal », rappelant que l’auteur, comme son épouse, est dans l’impossibilité de s’exprimer librement. Pour le collectif, « bloquer l’attribution du prix Sakharov relevant de ce même Parlement [européen] desservirait sa cause qui touche au devoir d’humanité », estimant que « la politique n’y a pas sa place ».
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes craignent que le soutien affiché par l’extrême droite européenne ne fournisse au pouvoir algérien un prétexte pour durcir sa position et refuser une libération de l’écrivain pour raisons humanitaires.
Cette controverse, à la croisée des enjeux politiques européens et des droits humains, illustre la complexité d’une nomination censée, à l’origine, honorer la liberté d’expression.
Boualem Sansal a notamment été condamné pour des déclarations faites en octobre 2024 à un média français d’extrême droite, dans lesquelles il affirmait que l’Algérie avait hérité, sous la colonisation française, de territoires auparavant marocains.
Samia Naït Iqbal