Arrêté à Alger depuis le 16 novembre, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal n’est toujours pas présenté, à cette heure, devant un procureur de la République. C’est le procureur qui devrait lui signifier le ou les chefs d’inculpation retenu(s) contre lui, a confié son avocat, Maître Francois Zimeray qui état l’invité de l’émission d’information matinale de RTL.
« J’ai été désigné par son éditeur qui est inquiet, car l’arrestation s’est produite il y a plus d’une semaine et que nous n’avons eu aucune nouvelle de lui », raconte Me Zimeray.
« La défense algérienne de Boualem Sansal n’est pas constituée, ce qui est un sujet de procès équitable (…) Ce que je sais, c’est qu’il sera présenté au parquet aujourd’hui 25 novembre. Il va être présenté à un procureur cet après-midi. Un avocat devrait lui être désigné par le bâtonnier d’Alger« , poursuit l’avocat du romancier qui dit méconnaître le lieu ni les conditions de sa détention de son client.
« De toute évidence, Boualem Sansal a été arrêté « pour sa liberté de ton, sa liberté d’esprit, sa grande indépendance et évidemment les critiques que cette liberté l’a conduit à formuler, à exprimer tout au long de sa vie littéraire et de sa vie d’homme libre, sur certains aspects de la société algérienne et de la société politique algérienne », dira Me Zimeray qui revient sur les déclarations de l’auteur de Le serment des barbares et qui ont valu son arrestation. Des déclararations qui risquent d’être versées dans son dossier, comme preuve de son inculpation par le magistrat algérois.
« Qu’il s’agisse de l’islamisme, qu’il s’agisse de la gouvernance, et aussi quelques considérations sur l’histoire, qui n’ont pas plu à certains« , selon l’avocat, Boualem Sansal risque de « finir ses jours en prison », estime l’invité de Thomas Sotto sur RTL
« Certains de ses proches considèrent qu’il risque jusqu’à une peine extrêmement longue de perpétuité ou de finir ses jours en prison, assure-t-il, compte tenu d’ailleurs de son âge aussi. C’est jamais anodin d’arrêter un écrivain pour délit d’opinion, et de surcroît un écrivain de 75 ans. Donc, bien sûr qu’il y a un risque. Mais au-delà de ça, il y a un risque pour les libertés, il y a un risque pour les principes fondamentaux, il y a un risque aussi pour l’image que l’Algérie veut renvoyer dans le monde », finira par dire François Zimeray, chargé par la maison d’édition française Gallimard de participer à la défense de l’écrivain Boualem Sansal.
Dans un communiqué publié par l’AFP, l’avocat a déclaré qu’il « veillera à ce que son droit à un procès équitable soit respecté, conformément aux obligations internationales souscrites par l’Algérie ».
« Arrêter un écrivain en raison de ses opinions est quelque chose qui viole toujours les libertés fondamentales », déplore l’avocat, spécialiste des droits de l’Homme et ancien ambassadeur de France au Danemark.
En attendant le procès de l’écrivain qui se tiendra, selon la procédure de citation directe, les médias algériens évoquent les probables chefs d’accusation qu’encourt l’écrivain.
L’agence de presse algérienne (APS) accuse Sansal d’avoir remis en cause « l’existence, l’indépendance, l’Histoire, la souveraineté et les frontières de l’Algérie », d’avoir « nier l’existence même de la Nation algérienne » et d’avoir « des liens avec des parties hostiles à l’Algérie ».
Pour ces médias, les faits sont constitués et documentés de déclarations faites aux médias par Boualem Sansal, notamment sur la question de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale de l’Algérie. « On pourrait lui reprocher ses positions favorables à des parties étrangères hostiles à l’Algérie ».
De ce fait, ces accusations ne nécessitent pas, estime- t-on, l’ouverture d’une enquête judiciaire. Boualem Sansal pourrait être poursuivi pour atteinte à « l’intégrité du territoire national »
En se basant sur une première lecture du Code pénal algérien, plusieurs articles pourraient s’appliquer à cette affaire.
L’article 79, par exemple, stipule que « quiconque, hors les cas prévus aux articles 77 et 78, a entrepris, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, est puni d’un emprisonnement d’une durée d’un à dix (10) ans et d’une amende de 3 000 DA à 70.000 DA. Il peut en outre être privé des droits visés à l’article 14 du présent code ».
L’article 87 bis (arme très utilisée par les juges contre les activistes) pourrait également être invoqué, notamment la partie qui considère comme acte terroriste ou de sabotage « tout acte visant la sécurité de l’État, l’unité nationale et la stabilité des institutions ».
Samia Naït Iqbal