Brahim Saci est l’un des poètes kabyles de langue française les plus prolifiques de sa génération. En quelques années, il a publié quinze ouvrages de poésie aux éditions du Net. Mais Brahim Saci, ce n’est pas seulement la poésie, c’est aussi un chanteur auteur compositeur reconnu de l’École sur les traces du légendaire Slimane Azem, puisqu’il lui ressemble par le style et le timbre vocal. Il suffit de s’offrir une petite balade sur YouTube pour découvrir son talent…
Le Matin d’Algérie : À travers tes contributions sur le Matin d’Algérie, les lecteurs te connaissent certainement, mais parles- nous de ton parcours
Brahim Saci : C’est vrai que certains lecteurs du Matin d’Algérie me connaissent depuis que je donne quelques articles ; avec le temps, le site est devenu l’un des rares espaces de la liberté d’expression. Il faudra donc le préserver.
Pour revenir à mon parcours, je dirais qu’il s’est fait entre l’Algérie et la France. Je suis né en Kabylie, je suis venu en France, enfant, mon père, ancien militant et responsable de la fédération de France du FLN, avait voulu que je le rejoigne. Je suis arrivé, désorienté, puis, doucement, j’ai réussi à trouver mes marques grâce aux membres de ma famille, installés déjà dans l’exil.
J’ai poursuivi ma scolarité qui s’est terminée à l’université. Entretemps, j’ai découvert la poésie, kabyle et française ; j’ai eu la chance de rencontrer des chanteurs kabyles d’importance dans les cafés parisiens et là, je me suis moi-même mis à élaborer mes premières chansons. Quant à la poésie française, je l’avais un peu délaissée jusqu’à ce que je la reprenne ces dernières années. Je me suis alors plongé dans la création poétique comme jamais ; je viens de publier mon quinzième livre de poésie, L’Épreuve vers la voie.
Le Matin d’Algérie : Comment en es-tu arrivé à la poésie et au chant ?
Brahim Saci : Le chant m’est tombé sur la tête en écoutant les chanteurs kabyles dans les cafés kabyles de Paris ; en découvrant surtout la profondeur exquise de l’œuvre de Slimane Azem, paix à son âme. Je me suis mis à écrire mes propres chansons et d’autres poésies kabyles. Quant à la poésie de langue française, je l’avais déjà rencontrée durant le lycée ; j’ai aimé les grands poètes, Verlaine, Baudelaire, Rimbaud et tant d’autres. À cette époque-là de la jeunesse romantique, j’avais écrit des poèmes en français mais je me suis un peu éloigné de la création poétique dans cette belle langue. Jusqu’à ce que l’envie d’écrire en français ne revienne me hanter et me pousser à exprimer mes sentiments, mes nombreuses quêtes dans la vie, ces dernières années. Je n’arrête pas d’écrire, la poésie m’est devenue aussi nécessaire que le pain et l’eau. Livre après livre, je vis cette passion de la poésie française avec un certain bonheur.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les artistes qui t’ont le plus inspiré ?
Brahim Saci : Beaucoup d’artistes m’ont inspiré. Je ne pourrais pas les citer tous mais il y a parmi eux Slimane Azem, Youcef Abjaoui, Matoub Lounès, Ait Meslayen, cheikh El Hasnaoui, El Anka, Amer Ezzahi, Si Tayeb Ali. J’ai souvent assisté aux concerts de Youcef Abjaoui, un virtuose, un maître du châabi, dans les cafés parisiens, mais je ne l’ai jamais pris en photo ; c’est l’un de mes plus grands regrets. Ait-Meslayen, je l’ai beaucoup fréquenté ; c’était un créateur de génie. Matoub Lounès aussi je le rencontrais souvent ; nous avions eu ensemble de longues discussions empreintes de respect et de correction.
Le Matin d’Algérie : Quand et pourquoi as-tu quitté le pays ?
Brahim Saci : Je suis venu rejoindre mon père en France, étant encore enfant, à la fin des années 1970. Mais je n’ai pas perdu le contact avec le pays ; je me suis aussi efforcé à ne pas perdre la langue kabyle et j’ai réussi en revenant durant les vacances en Algérie à garder des liens solides avec le pays. Mais la situation de ces dernières années est, à bien des égards, assez difficile.
Le Matin d’Algérie : Donnes-tu des concerts en France ?
Brahim Saci : Il m’est arrivé de me produire dans certains endroits. J’ai souvent chanté dans le conservatoire du huitième arrondissement de Paris. Mais, dans l’ensemble, je suis rarement invité à le faire. Comme si, les organisateurs de ce genre de rencontres artistiques choisissaient toujours les mêmes. Mais ce n’est pas grave, je continue à créer de nouvelles chansons que je mets tout de suite sur YouTube et de nombreux mélomanes sont heureux de les écouter sur internet.
Le Matin d’Algérie : Et en Algérie ?
Brahim Saci : En Algérie aussi, je me suis rarement produit. C’est encore plus difficile là-bas. Je vis loin du pays et il n’est pas toujours évident d’avoir une place pour une voix libre qui aspire à la liberté, à la démocratie, dans notre pays qui passe par des moments assez durs, où la misère sociale fait des ravages.
Le Matin d’Algérie : Comment vois-tu le futur de notre pays ?
Brahim Saci : Le futur immédiat de notre pays semble bloqué. On ne peut pas s’en sortir sans plus de liberté, de justice sociale. Mais il ne faut pas perdre espoir ; il y a encore des gens qui se battent pacifiquement pour un vrai changement, dans le sens positif.
Le Matin d’Algérie : Le mot de la fin ?
Brahim Saci : Je salue le travail considérable et précieux du site du Matin d’Algérie. Je souhaite le meilleur à notre pays ; j’espère que les conflits armés, à travers le monde, vont cesser et que l’Homme va se réveiller, une fois pour toute, pour aller vers la paix. Car, sur cette belle Terre, il y a, en réalité, de la place pour tout le monde.
Pour le plaisir des oreilles, écoutez donc le titre suivant et focalisez bien sur la voix. Elle ressemble bien à s’y méprendre à celle de Dda Slimane :
Entretien réalisé par Kacem Madani