En 2013, à Douarnenez, sur la côte bretonne, des brodeuses palestiniennes venues du camp de réfugiés de Rashidiyé, au sud du Liban, rencontrent des femmes bretonnes. De cet échange, tissé dans la simplicité et la curiosité mutuelle, naît un projet culturel et solidaire : Brodeurs d’espoir.
Publié par le comité de jumelage Douarnenez-Rashidiyé, l’ouvrage de Jean-Pierre Gonidec dépasse le cadre du documentaire pour devenir une méditation sur la beauté, la mémoire et la dignité.
Jean-Pierre Gonidec, historien et passionné d’ethnologie vestimentaire, s’intéresse depuis longtemps à la manière dont les vêtements racontent les sociétés. Ici, il met en regard deux mondes que tout semble opposer : la Bretagne et la Palestine. Pourtant, à travers le fil et la couleur, des correspondances apparaissent. Les costumes, les motifs, les coiffes, les broderies deviennent des miroirs d’identités, d’histoires partagées, de résistances silencieuses.
Le livre ne cherche pas la comparaison gratuite, mais la résonance. Les broderies palestiniennes, nées d’un art populaire transmis de mère en fille, portent la mémoire d’un peuple déraciné. Chaque motif évoque un village, un paysage, une appartenance. Les vêtements bretons, eux aussi, racontent une géographie intime : la mer, la foi, les saisons, la hiérarchie sociale. En les confrontant, Gonidec fait émerger un dialogue des cultures, un pont tissé par les femmes, par le geste et la patience.
Son regard n’est pas celui d’un technicien du textile. Ce qu’il cherche, c’est « l’usage du costume, son rôle social, la population qui le porte ». Le costume comme langage, comme repère dans le tumulte du monde. À travers ces habits, l’auteur montre que les peuples se disent d’abord par la main avant de se dire par la bouche.
Une phrase du livre résume toute sa portée : « Le croissant et la croix ont pu se retrouver côte à côte sur les plastrons des femmes de Quimper puisque les bijoux, les épingles de pardons, de grandes perles fabriquées en Bohème reprenaient des motifs du Proche-Orient et de Palestine. Au hasard de ces pérégrinations, deux religions se retrouvent sur le même buste. Quand la beauté entre en jeu, elle explose les frontières. »
Cette rencontre inattendue entre deux symboles religieux traduit ce que Gonidec appelle la “diplomatie du beau”. Là où les politiques échouent, l’art rapproche. Là où les frontières séparent, la création unit. Ce fil commun qui relie la Palestine à la Bretagne devient le fil de la mémoire et de l’espérance.
Mais Brodeurs d’espoir n’est pas qu’un livre sur la beauté du geste. Il est aussi un acte concret de solidarité : tous les bénéfices sont reversés à l’Union générale des femmes palestiniennes du camp de Rashidiyé. C’est un ouvrage qui agit, fidèle à l’esprit du comité de jumelage fondé sous la mandature de Monique Prévost, et engagé depuis plus de vingt ans dans la coopération culturelle et humaine.
Ce que retient le lecteur, au-delà de la richesse des descriptions, c’est la justesse du ton. Pas de pathos, pas d’exotisme, mais une volonté claire : montrer comment la broderie, art souvent cantonné à la sphère domestique, devient un outil de transmission, de résistance et de reconnaissance.
Dans un monde saturé d’images rapides, Brodeurs d’Espoir prend le temps. Il redonne valeur à la lenteur, au geste répété, au savoir-faire. Il rappelle que la beauté n’est pas un luxe, mais une manière de tenir debout.
C’est peut-être là sa plus belle leçon : quand les peuples se parlent par le travail des mains, les murs tombent.
Djamal Guettala
Brodeurs d’Espoir, de Jean-Pierre Gonidec, coédité par le Comité de jumelage Douarnenez-Rashidiyé, 142 pages, 20 €.
En vente en librairie à Douarnenez.
Contact commande : dz.rashidyie.com
Jacques Bœuf : 06 85 83 00 23 / Monique Prévost : 06 82 58 97 37.
