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vendredi 19 septembre 2025
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Bruno Poindefert : « La musique nous emmène au-delà des mots et de la raison »

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Bruno Poindefert est une figure incontournable du paysage musical français. Chef d’orchestre, pédagogue, directeur de conservatoires et initiateur de projets culturels, il incarne une vision de la musique à la fois exigeante, généreuse et profondément tournée vers l’humain. 

Une vie au service de la musique

Formé au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à la Sorbonne, il a obtenu une série impressionnante de premiers prix dans des disciplines aussi variées que l’analyse, la fugue, le contrepoint, la direction d’orchestre, le piano et la trompette. Sa formation est enrichie par des rencontres décisives avec des maîtres tels que Leonard Bernstein, Charles Bruck, Franco Ferrara ou Jean Fournet, qui ont affiné son style et nourri sa pensée artistique.

Mais au-delà de la virtuosité et des titres, c’est par son engagement dans les institutions et dans la transmission que Bruno Poindefert s’est distingué. Il a dirigé plusieurs conservatoires parisiens, développé des programmations ambitieuses, formé des générations de musiciens, et créé l’Orchestre I Ponticelli, un ensemble qui réunit professionnels, étudiants et amateurs autour d’une exigence partagée. Reconnu à l’international, il a collaboré avec des orchestres prestigieux en Europe et aux États-Unis, tout en restant fidèle à une éthique du collectif, du territoire et de la pédagogie.

Son parcours est celui d’un homme qui croit en la puissance de la musique pour relier, élever et transmettre. Une carrière construite avec rigueur, élégance et passion, où chaque projet semble répondre à une même exigence : faire de l’art un espace de sens et de partage.

Dans cet entretien, Bruno Poindefert revient sur les grandes étapes de son parcours, marqué par la direction de conservatoires parisiens, la création de l’Orchestre I Ponticelli et une passion indéfectible pour la transmission musicale. Chef d’orchestre, pédagogue et bâtisseur de projets culturels, il partage ici sa vision exigeante et profondément humaine de la musique, nourrie par des rencontres marquantes, une quête de sens, et un engagement constant envers l’art et le collectif.

Le Matin d’Algérie : La passion des arts vous habite, mais c’est dans la direction d’orchestre que votre énergie et votre sensibilité s’épanouissent pleinement. Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans cet art à la fois exigeant et intime ?

Bruno Poindefert : Transmettre et partager l’émotion tout en respectant au mieux la pensée du compositeur. L’orchestre est un merveilleux instrument, profondément humain, aux capacités extraordinaires, avec une communication qui va au-delà des mots mais aussi au-delà du geste. 

Que ce soit avec des musiciens confirmés, des amateurs ou même parfois des choristes qui ne savent pas lire une partition, on arrive à obtenir des phrasés, des couleurs qui démontrent combien on peut communiquer au-delà de la raison, par des vibrations que tout mélomane peut ressentir.

Le Matin d’Algérie : La transmission semble être au cœur de votre démarche. Quelles valeurs cherchez-vous à transmettre aux jeunes musiciens que vous formez ?

Bruno Poindefert : Le respect du texte musical, mais surtout l’inventivité et la création, indispensables dans toute interprétation.

La régularité dans le travail, l’engagement personnel sont des facteurs essentiels pour réussir à vivre la musique et obtenir une satisfaction personnelle. 

Pour certains instruments, la pratique collective peut-être une merveilleuse émulation, car le partage se fait non seulement avec le public, mais aussi entre musiciens. Faire partie d’un groupe peut transcender une émotion et décupler l’envie de jouer. 

Ce sont toutes ces valeurs que je me suis efforcé de transmettre de manière très concrète avec une dynamique de diffusion et de partage qui reste la pierre angulaire pour réussir ce chalenge. 

Le Matin d’Algérie : Vous avez travaillé avec des figures majeures comme Leonard Bernstein ou Riccardo Muti. Que vous ont appris ces rencontres sur l’art de diriger et sur l’humilité dans la musique ?

Bruno Poindefert : G. Solti disait : lorsque cela ne se passe pas bien à l’orchestre, c’est parce que je ne l’ai pas pensé suffisamment fort. 

Ces grands musiciens ressentent très fort ce qu’ils font, leur charisme les aide pour cela, mais ils ont également une grande culture et une réflexion très forte sur la musique 

Le Matin d’Algérie : Comment parvenez-vous à maintenir un haut niveau d’exigence artistique tout en veillant à ce que vos projets restent ouverts et accessibles à tous, notamment dans le cadre des conservatoires et de l’Orchestre I Ponticelli que vous avez créé ?

Bruno Poindefert : L’exigence, c’est d’abord envers soi-même. Cela doit servir d’exemple et de moteur pour les jeunes artistes. Arriver à d’excellents résultats est le meilleur moyen de justifier à posteriori l’exigence requise. 

L’exigence est une démarche : elle peut s’appliquer à tous les niveaux et à tous les âges. On n’obtient rien sans un investissement personnel, et ceci dès la petite enfance. C’est cette discipline qui permet d’accéder à la satisfaction, au plaisir et à un épanouissement personnel. 

Le Matin d’Algérie : Vous avez dirigé deux conservatoires parisiens, celui du Centre et celui du 7ᵉ arrondissement. Quelles spécificités pédagogiques ou humaines avez-vous rencontrées dans ces établissements, et comment avez-vous adapté votre approche à chacun d’eux ?

Bruno Poindefert : Le travail a été très différent, car le mode de fonctionnement et la demande de la municipalité étaient fondamentalement opposés.

Au Centre, nous avions une plus grande autonomie et avions pu développer parallèlement au conservatoire une vie culturelle de proximité de qualité nous permettant d’accueillir 10 000 spectateurs par an dans les plus belles salles parisiennes. La diffusion était devenue un élément clé de la pédagogie et profitait à l’ensemble des élèves, enseignants et parents d’élèves. 

Au CMA 7, la difficulté venait en partie de l’extrême centralisation opérée par les Affaires Culturelles de la Ville, qui ne correspond pas aux besoins locaux, très différents d’un arrondissement à l’autre. 

La baisse de niveau et d’exigence, évidente sur l’ensemble des conservatoires entrainait paradoxalement un manque de places dans les classes de musique qui avait amené la Mairie de Paris à imposer un tirage au sort pour l’entrée des débutants dans les conservatoires, démarche totalement injuste qui mettait la préférence sur l’arbitraire du tirage au sort plutôt que la sélection par la motivation. 

L’adaptation était inévitable, mais elle devait se faire sans céder à sa conscience professionnelle où l’élève doit rester le centre premier de nos préoccupations. Et pour cela, par déontologie, il a fallu apprendre à dire non, et à s’opposer à certaines pratiques qui ne correspondaient pas à son éthique personnelle 

Le Matin d’Algérie : Selon vous, en quoi les conservatoires français jouent-ils un rôle de vitrine culturelle pour le monde, et comment cette responsabilité influence-t-elle votre manière de diriger et de transmettre ?

Bruno Poindefert : Cette influence diminue hélas d’année en année, même si elle reste présente pour certains instruments. 

Nous devons lutter pour préserver une culture française liée à notre histoire, à notre langue. De grands chefs comme Ricardo Muti se plaignent régulièrement de la standardisation de nos orchestres, qui ont parfois gagné en technicité ce qu’ils ont perdu en personnalité. 

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui, selon vous, fait la singularité d’un bon chef d’orchestre : est-ce la maîtrise technique, la capacité à inspirer, ou une forme d’écoute intérieure du collectif ?

Bruno Poindefert : Un bon chef d’orchestre est un catalyseur d’énergie dont le charisme transcende les musiciens et le public. Il est au service de l’expression, de l’émotion. C’est un créateur qui doit respecter l’œuvre originale du compositeur tout en lui donnant une vie nouvelle à chaque représentation. 

Le Matin d’Algérie : Si vous deviez définir en une phrase votre vision de la musique aujourd’hui, dans un monde en mutation, que diriez-vous ?

Bruno Poindefert : La musique, par sa spiritualité, nous emmène au-delà des mots et de la raison. 

Le Matin d’Algérie : Quels sont vos projets en cours ou à venir, et quelles directions souhaitez-vous explorer dans les prochaines années ?

Bruno Poindefert : Transmettre. Permettre aux différentes générations de communiquer, de travailler ensemble, de progresser. 

Donner à l’art vivant la place qu’il doit garder dans notre société, en l’humanisant, en créant du lien. 

Le Matin d’Algérie : Pour conclure, aimeriez-vous partager un dernier mot, une pensée ou un souhait à celles et ceux qui vous lisent ?

Bruno Poindefert : Aimez partager. 

Entretien réalisé par Brahim Saci

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