22 novembre 2024
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Cafouillages de la communication institutionnelle : La preuve par le… vide !

DECRYPTAGE

Cafouillages de la communication institutionnelle : La preuve par le… vide !

En Algérie, malgré les grands acquis engrangés en matière de liberté d’expression- arrachés par les enfants d’Octobre 88, défendus vaillamment par les praticiens du terrain pendant la décennie noire du terrorisme et les deux dernières décennies du règne de Bouteflika, caractérisé par la corruption et la tentation autocratique -, le chemin vers une communication moderne, attachée aux intérêts du peuple et du pays, ouverte sur le monde et sur les valeurs de l’éthique et de la connaissance, demeure long et semé d’embûches. 

La fin du monolithisme politique et communicationnel n’a pas débouché ipso facto sur une communication libérée de toute contrainte. La typologie même de l’économie algérienne- basée sur la rente pétrolière et le tout-Etat- a orienté le gros des activités vers la commande publique, autour de laquelle se tissent les intérêts, se construisent les clientèles et s’octroie la publicité en direction de la presse, via l’agence étatique, Anep. Nous savons ce qu’un tel « pouvoir discrétionnaire » entre les mains des agents de l’Etat pouvait engendrer comme dérives dans la manière où sont distribués les encarts publicitaires. Il y avait des journaux crées par les proches du clan que l’on appelle aujourd’hui « Issaba » (bande, gang), qui ne servirent que pour capter une partie de la manne de la publicité étatique, sans avoir jamais fait travailler une dizaine de personnes.

Outre l’information d’ordre général (politique, économique, culturelle sportive), les Algériens sont aussi concernés et fort intéressés par ce qu’on appelle la communication institutionnelle, particulièrement dans son versant lié au service public assuré par les structures de l’Etat. Car, pour ce qui est de la ‘’coporate communication’’ relevant des entreprises, l’économie algérienne ne dispose que d’un menu réseaux de communicants, reflétant la faible diversité des activités économiques et le modeste niveau de maturité des entités concernées.

Lorsqu’il lui arrive de communiquer, l’Etat communique généralement mal. Contenues dans une sorte de camisole d’une pyramide figée et hyper-centralisée, et happées par le souci majeur, voire quasi-exclusif, d’assurer la paix sociale et l’ordre public, les institutions de l’Etat produisent un discours inaudible et indéchiffrable, donc contreproductif. Aussi bien avant le sursaut révolutionnaire du 22 février, qui a libéré les saines énergies de la population contre un ordre politique inique, qu’après cette date, la communication institutionnelle s’enlise dans des considérations politiques qui lui font perdre toute crédibilité et toute efficacité sur le terrain.

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À partir de réflexions engagées pendant plusieurs années sur ce sujet, je tiens mettre à la disposition des lecteurs du Matin certaines idées, développées dans des contributions antérieures et inspirées par ses événements ou des faits en relation directe avec la communication institutionnelle.

Un créneau à la traîne

Il croyait pouvoir ‘’révolutionner’’ la communication institutionnelle, ce haut responsable de l’Etat qui, en 2017, répondait, à partir d’Addis-Abeba, par un tweet, à la longue grève des pharmaciens, en promettant une rencontre avec leurs représentants dès son retour du sommet africain. « Il », c’est Abdelmalek Sellal, actuellement détenu à la prison d’El Harrach et au sujet duquel- lui et ses codétenus- la…communication institutionnelle peine à communiquer.

Au moment où, partout dans le monde, la communication institutionnelle bénéficie d’une nouvelle vision, exploitant merveilleusement les bienfaits des nouvelles technologies et des nouveaux apports des sciences humaines et sociales, l’Algérie traîne un lourd déficit, non seulement sur le plan des moyens matériels – malgré les centaines de milliards de dollars engrangés à partir de la rente pétrolière entre 2004 et 2014-, mais également sur le plan politique et en matière de ressources humaines.

Plusieurs ministres et hommes politiques utilisent, pour communiquer, les réseaux sociaux, principalement facebook. Des partis ou leurs démembrements régionaux ont recours aussi à ce canal en vogue. On tombe même sur des comptes de certaines administrations publiques Mais, est-ce suffisant pour prétendre parler d’une communication institutionnelle bien assise et efficace? On est loin du compte, particulièrement lorsqu’on constate que peu d’administrations disposent d’un vrai site web, sécurisé et mis à jour de manière régulière. Un grand nombre de sites de wilaya, créées par obligation administrative, traînent d’immenses retards dans leur mise à jour et « zappent » souvent les informations les plus pertinentes, celles qui intéressent directement la population.

Réputées pour leur caractère budgétivore, y compris dans ces moments de contraction des recettes budgétaires, les institutions de l’administration publique sont également grevées de la tare de la bureaucratie et d’une centralisation handicapante. Cependant, l’un des plus sensibles points de faiblesse des ces entités, leur talon d’Achille en quelque sorte, demeure la communication. Cela se constate, non seulement dans la relation, plus que tendue, que l’administration entretient avec les administrés- ceux qui, parmi le public, la sollicitent pour un service quelconque auxquels ils ont droit-, mais également pour les relations que les différentes structures publiques entretiennent entre elle, soit verticalement soit horizontalement.

Étrange paradoxe, à la fin de la saison estivale, c’est à la protection civile- et non à l’administration chargée du tourisme-, qu’échoit l’honneur de rendre public le nombre de touristes ayant fréquenté les plages. L’on se souvient également du nombre de rues et quartiers non encore baptisés, soit 8000 en 2014, donné par la Gendarmerie nationale. Une mission relevant logiquement des communes et du ministère de l’Intérieur. D’ailleurs, c’est la direction de la gouvernance locale, au sein de ce ministère, représentée par Mme Fatiha Hamrit, qui prit le dossier en charge pour fixer l’échéance de la clôture de l’opération de baptisation à juin 2016.

Où est passé le principe du devoir d’informer ?

Actuellement, la plupart des bulletins météo de la radio algérienne sont lus par les animateurs radio eux-mêmes et non par des agents de l’Office national de la météorologie, comme c’était l’habitude. De même, lors de l’intoxication au botulisme ayant touché, il y a quelques années, certaines wilayas de l’Est, avec presque une dizaine de morts, le ministère de la Santé a très peu communiqué, laissant courir les rumeurs les plus folles et les écrits de presse les plus contradictoires sur l’origine de cette maladie mortelle. Il en a été de même l’année passée avec l’épidémie du choléra ayant touché quelques régions du centre du pays.

Si de telles situations exceptionnelles, engageant la responsabilité de plusieurs institutions de l’Etat, n’ont pas pu hisser ces dernières aux impératifs du devoir de l’information et de la communication- visant à éclairer les citoyens sur des problèmes ou des sujets particuliers, à les avertir, à les sensibiliser aux mesures d’urgence-, que dire alors de l’accueil dont est censé bénéficier le citoyen pendant les journées de réceptions à la mairie, à la daïra, à la wilaya ou dans les directions sectorielles ? Là, les nombreuses instructions du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales ne sont presque d’aucun secours. Si une personne veut avoir des informations sur un sujet quelconque- l’évolution procédurale de son dossier d’aide à l’habitat rural, par exemple-, il lui est préférable d’user de ses connaissances, si elle a, bien entendu. Sinon, elle pourrait être poussée à donner des pots-de-vin pour avoir accès au service concerné.

Le comble pour une administration ou collectivité territoriale est d’être amenée à afficher la liste des bénéficiaires de logement sociaux…de nuit. Appréhendant la réaction des candidats non retenus, les structures administratives chargées de ce dossier en arrivent à jouer à la « clandestinité », laquelle, en réalité, ne fait que renvoyer au lendemain matin la protestation tant appréhendée.

Que l’on s’arrête simplement sur les journées de réception- une fois par semaine, généralement le mardi- que l’administration consacre aux citoyens pour recueillir leurs doléances. Une partie des responsables concernés- maires, directeurs de wilayas,…etc.- n’hésitent pas à s’ingénier pour « remplir » cette journée d’une quelconque autre occupation qui les éloignerait de la rencontre du public et des administrés. Et dire qu’un grand nombre de directions de l’administration et même des entreprises (publiques et privées) sont dotées d’un chargé de communication. Au niveau des wilayas, également, il y a un « monsieur communication » dont la tâche se confine parfois dans la présentation d’une revue de presse au wali et d’informer les correspondants de presse des programmes de visites du wali ou d’un quelconque ministre dans le territoire de la wilaya.

En obligeant les wilayas à se doter de sites officiels sur le web, le ministère de l’Intérieur a fait dans une innovation de taille, à ceci près que les sites en question, dans une forte proportion, demeurent carrément gelés sur le plan de l’information et de la mise à jour des données. Parfois, on tombe dans le pur « folklore » en injectant, à des doses exagérées, des photos et diaporamas des activités du wali. Il n’y a d’yeux que pour lui, montré sous tous les profils, oubliant l’essence même de la communication institutionnelle. Depuis que le ministre de la Communication, Hamid Grine, a réuni, en juillet 2015, les chargés de communication des différents ministères et de quelques institutions publiques, avec l’objectifs de « concevoir et formaliser un plan de communication institutionnelle homogène », rien ne semble changer ou marquer une évolution notable dans ce domaine.

Les heures incertaines du professionnalisme

Sur les tableaux d’affichage des mairies, ne sont collés que les notes et communiqués relatifs à la gestion interne de l’APC (consultation pour un marché public ou avis d’attribution de marché). Ce sont généralement des formalités qui remplissent le vide des tableaux d’affichage. On ne retrouve pas trace d’annonce d’arrêt d’alimentation en eau potable, de coupure de courant ou d’autre désagrément dont sont censées s’excuser les services concernés.

Même les radios locales, dont le nombre dépasse la cinquantaine à l’échelle du pays, elles jouent rarement leur rôle dans de pareilles circonstances. On a beau pérorer sur le professionnalisme, le devoir de service public et la proximité, ces radios peinent encore à en faire des valeurs et des principes intangibles.

On peut multiplier les exemples à l’envi, sans risque d’épuiser le sujet d’une communication dévoyée ou carrément de la non-communication dans notre pays. La première impression qui se dégage dans cette pétaudière est que, quelque part, il y a une sorte d’ « usurpation de fonction ». Des structures ou des personnes se chargent, ou sont chargées, de communiquer sur des domaines qui ne sont pas les leurs. Les personnes habilitées et qualifiées pour communiquer sont, quelque part, « excommuniées » par un jeu institutionnel tordu et perverti, géré par d’autres mécanismes, souvent informels, où, indéniablement, s’imbriquent les jeux d’intérêts, les groupes de pression et l’incompétence.

On a longtemps « magnifié » et porté aux nues l’importance des cellules de communication installées au sein des institutions et des établissements publics (directions de wilaya, hôpitaux, grandes entreprises publiques, universités, ministères, directions générales de certains ministères,…). À de rares exceptions, l’information relève presque toujours du domaine du « tabou ». Le contraire serait quelque peu surprenant pour une administration ankylosée, percluse, engoncée dans son arrogance et dans ses si chères prérogatives. Oui, c’est un mot chéri que ces « prérogatives »! Par son moyen, on arrête toutes les tentatives de ceux qui se piquent de « fourrer leur nez » dans le fonctionnement d’une administration. On fait valoir les « certitudes » chevillées des bureaucrates dans les dossiers ou sujets les plus complexes et qui se prêtent peu à un traitement administratif expéditif.

Une question éminemment politique

Dans les moments les plus tendus de la vie de la population, les cellules de communication sont généralement inscrites aux abonnés absents. Et, ce n’est pas toujours la faute des personnes chargées de ces cellules. Dans certaines administrations, ces cellules ne sont créées que par une obligation de l’organigramme. Souvent, on en fait des coquilles vides. Le premier responsable de l’institution considérée ou ses chefs de services font tout pour priver le chargé de communication des informations essentielles, celles qui, justement, peuvent servir le citoyen. D’ailleurs, dans un grand nombre d’institutions et d’établissements publics, les relations entre le responsable de la communication et le directeur ne sont pas au beau fixe; elles sont souvent tendues et marquées par la défiance. Il n’est pas rare de voir le directeur s’exprimer directement aux médias (journaux, radio, télévision) sans impliquer, consulter ou avertir son chargé de communication.

L’Etat, ses démembrements et l’ensemble des établissements qui sont sous sa tutelle, pourront-ils un jour se hisser aux ambitions d’une communication moderne, sereine, efficace, œuvrant dans le sens des intérêts des institutions administratives et élues et de l’intérêt des citoyens? Une question éminemment politique, consubstantiellement liée au processus de démocratisation du pays, et qui ne saurait se satisfaire des recommandations sans suite issues de séminaires et journées d’études.

Auteur
Amar Naït Messaoud, journaliste

 




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