Vendredi 1 février 2019
Changement de statut d’étudiant : la jurisprudence introduit des assouplissements
En droit français, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans séjournant en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d’une carte de séjour temporaire, ou d’un visa de long séjour valant titre de séjour, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résidence tel que le prévoit l’article L. 311-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France.
Plusieurs statuts existent relativement à la délivrance d’une telle carte de séjour.
Parmi ces statuts existent le statut d’étudiant ainsi que le statut de salarié et un changement de statut entre ces deux mentions peut être possible.
Les étrangers désirant séjourner en France de manière temporaire dans le cadre de leurs études, doivent apporter la preuve qu’ils disposent de moyens suffisants d’existence et établir qu’ils font, en France, des études ou qu’ils y suivent d’un enseignement ou un stage de formation. Ce statut est prévu à l’article L. 313-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers.
Les étrangers désirant exercer une activité professionnelle salariée en France doivent préalablement à cet exercice, obtenir une autorisation de travail, tel que le prévoit l’article R. 5221-3 du Code du travail. Si cette autorisation est accordée, alors l’étranger désirant exercer une activité professionnelle salariée en France se verra délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » si l’activité professionnelle salariée qu’il exerce est sous contrat de travail à durée indéterminée, ou une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié temporaire » si l’activité professionnelle salariée qu’il exerce est sous contrat de travail à durée déterminée ou sous détachement temporaire. La délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou la mention « salarié temporaire » est visée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Dirrecte).
De très nombreux étudiants étrangers se posent la question des modalités de changement de statut afin d’obtenir celui de salarié. En principe un étudiant étranger, à la fin de ses études, peut tout à fait solliciter un titre de séjour ouvrant droit au travail (Conseil d’Etat, 14 janvier 1981, Mrap et Unef). Cependant dans la pratique un tel changement de statut n’est pas simple et est très strictement réglementé.
En effet, la passerelle entre le titre de séjour mention étudiant et le titre de séjour mention salarié, bien que censée faciliter les ressortissants étrangers tout juste entrés dans la vie professionnelle, reste subordonnée à des conditions préétablies laissées à l’appréciation du préfet. Ces conditions reposent sur les formalités concernant la démarche en elle-même, des exigences au niveau de la durée du travail, de la rémunération mais aussi de la relation entre le diplôme obtenu et l’emploi envisagé.
Depuis quelques années, les conditions d’obtention du changement de statut « étudiant » à « salarié » ont tout de même connu un certain assouplissement, notamment concernant les étudiants étrangers titulaires d’un diplôme de niveau master.
Tout d’abord, La procédure de changement de statut concerne les ressortissants étrangers titulaires d’un titre de séjour en cours de validité et qui résident sur le territoire français (Cour administrative d’appel de Nantes, 12 octobre 2009, n°08NT01155). La demande doit être introduite avant l’expiration de la carte de séjour étudiant, que celle-ci soit pluriannuelle ou temporaire, ou au cours de la durée de validité de celle-ci.
Ensuite, les démarches administratives relatives à une procédure de changement de statut s’opèrent auprès de la préfecture. L’étudiant étranger souhaitant changer de statut est tenu de se présenter d’abord en préfecture, pour permettre un contrôle de la validité de son titre et de la promesse d’embauche ou du contrat de travail obtenu de son futur employeur.
Depuis la réforme du 24 juillet 2006, l’étudiant étranger s’est vu reconnaître le droit d’exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 60% de la durée de travail annuelle. Avant cette réforme, l’étudiant étranger souhaitant travailler en dessous de 60% de la durée de travail annuelle devait obtenir une autorisation provisoire de travail.
Par ailleurs, le Code du travail exige de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’examiner les demandes de changement de statut au regard des conditions d’emploi et de rémunération. Ainsi, les étrangers titulaires d’un statut d’étudiant et souhaitant exercer une activité professionnelle sous contrat à durée indéterminée et/ou dont la rémunération est supérieure à 1,5 fois le SMIC seront plus disposés à recevoir un avis favorable de la part de la Direccte. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi examinera également l’adéquation entre le niveau de rémunération proposée et le poste à pourvoir et l’étudiant étranger devra justifier de l’adéquation entre son parcours de formation, son diplôme et les fonctions proposées.
Face à ce régime de droit commun, certaines faveurs ont été accordées aux étudiants étrangers titulaires de diplôme spécifiquement visés.
Par-là, même si la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou la mention « travailleur temporaire » est très encadrée, celle-ci a connu une évolution au 1er novembre 2016.
En effet les cartes de séjour temporaire « salarié » et « travailleur temporaire » sont délivrées aux étudiants étrangers sans opposabilité de la situation de l’emploi, lorsqu’ils sont titulaires d’un diplôme de niveau master (Cour administrative d’appel de Paris, 5 février 2013, n°12PA00420) ou, et cela depuis le 1er novembre 2016, d’un diplôme de niveau I labellisé par la Conférence des grandes écoles, ou du diplôme de licence professionnelle. En l’absence d’un tel diplôme, la délivrance d’une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire » sera étudiée et examinée au regard de l’opposabilité de la situation de l’emploi.
Par ailleurs, au regard des dispositions de l’article L. 311-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers, et ce depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016, il est désormais délivré une autorisation provisoire de séjour (APS) de douze mois, non renouvelable, au titulaire d’un master qui souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle. Sa rémunération supérieure doit atteindre un seuil minimal. A l’issue de cette période, il peut se maintenir en France s’il dispose d’un emploi d’une promesse d’embauche sans que lui soit opposable la situation de l’emploi. Cette disposition reprend l’état du droit antérieur tout en y ajoutant cependant une nouveauté à savoir qu’il est désormais possible, pour un étudiant étranger qui crée une entreprise « viable » dans un domaine correspondant à sa formation de se voir autoriser un droit de séjour. Dans le cadre de cette procédure, l’étudiant étranger ne pourra se voir opposer la situation de l’emploi.
Ainsi un régime avantageux a été accordé aux étudiants étrangers titulaires de diplôme niveau master, de niveau I labellisé par la Conférence des grandes écoles, ou de licence professionnelle en ce sens que la situation de l’emploi ne peut plus leur être opposable. Ils bénéficient donc d’une condition en moins dans l’obtention du titre de séjour mention salarié.
Cependant, l’arrêt du 17 avril 2018 rendu par la cour administrative d’appel de Nancy démontre bien que ce régime favorable accordé à ces étudiants s’arrête à la condition de la situation de l’emploi. Concernant toutes les autres formalités, le contrôle reste assidu.
En l’espèce, un ressortissant malien entré en France en 2008 en qualité d’étudiant a, après obtention de son master « droit, économie, gestion » et obtention d’une autorisation provisoire de séjour afin qu’il puisse trouver un emploi, sollicité un changement de statut afin d’obtenir un titre de séjour portant la mention « salarié ».
Par arrêté du 21 avril 2017, le préfet de la marne a refusé de faire droit à sa demande au motif que les conditions requises n’étaient pas réunies. Après un jugement rejetant le recours formé contre cet arrêté, la cour administrative d’appel de Nancy s’est prononcée, en prenant le soin de reprendre les conditions inhérentes à la délivrance du titre de séjour mention « salarié ».
Le requérant faisant en effet valoir qu’en tant que titulaire d’un diplôme de Master, la situation de l’emploi ne lui était pas opposable. La cour administrative d’appel de Nancy a quant à elle estimé que, bien que cette condition ne lui était opposable, il restait d’autres conditions qu’ils lui étaient soumises.
Ainsi, l’adéquation entre son diplôme Master en « droit économie gestion » et le poste d’agent administratif au sein d’un hôpital avait été discutée. De même la condition du montant de la rémunération lui était également opposable, de sorte que la cour a estimé que le requérant « n’établit pas que sa rémunération était supérieure au seuil fixé à l’article D 5221-21 du code du travail ». Ainsi le requérant malien, ne réunissant pas toutes les conditions requises, s’est vu débouté de sa demande.
L’apport de cet arrêt est notable, en effet la cour administrative d’appel de Nancy nous démontre qu’en dépit des aménagements et assouplissements opérés en vue de faciliter la passerelle titre de séjour « étudiant » à titre de séjour « salarié », il reste des conditions stables qui doivent être respectés. Entre autres, un revenu conforme au minimum exigé, une adéquation entre la formation de l’étudiant et le poste qu’il souhaite obtenir.
Il apparaît donc qu’au regard des dispositions de droit commun, le changement de statut est rendu possible pour les étudiants étrangers souhaitant changer de statut pour obtenir celui de « salarié » afin d’exercer une activité professionnelle salariée.
Néanmoins, l’obtention du changement de statut « étudiant » à « salarié » reste une démarche délicate, même lorsque l’on bénéficie d’un régime dérogatoire.
Toutefois, pour ce qui est du cas particulier des étudiants ressortissants algériens, la possibilité du changement de statut étudiant salarié est beaucoup moindre.
En effet, le statut des Algériens est défini exclusivement par l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. L’accès au travail du salarié algérien n’obéit pas aux mêmes règles que les autres ressortissants étrangers.
L’Accord franco-algérien, en son Titre III prévoit que les ressortissants algériens titulaires d’un certificat de résidence portant la mention « étudiant », sous réserve de leur inscription dans un établissement ouvrant droit au régime de sécurité sociale des étudiants, peuvent être autorisés à travailler dans la limite d’un mi-temps annuel, pour la branche ou la profession concernée.
Le changement de statut pour l’étudiant algérien est défini à l’article 7, b) de l’accord bilatéral.
Ainsi, la préfecture ne pourra pas exiger de l’étudiant qu’il produise, à nouveau, un visa de long séjour. Cette exigence de visa ne peut concerner que les personnes non encore admises à séjourner sur le territoire français (Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, le 12 octobre 2009, Préfet d’Ille-et-Vilaine c. M. El Ghazli).
Si dans le cadre du régime de droit commun plusieurs procédures sont offertes aux étudiants étrangers afin qu’ils procèdent à un changement de statut, de celui d’ « étudiant » à celui de « salarié », les étudiants algériens ne sont en principe pas concernés par les possibilités de travailler dans l’un des métiers dits « en tension » ouverts aux non-Européens dont la liste a été établie par un arrêté du 11 août 2011, et ils sont également exclus du dispositif de l’APS.
Par ailleurs, le code du travail a instauré des règles claires concernant la délivrance d’autorisation de travail. Tout refus fondé sur la nationalité du futur salarié est prohibé !
Tout refus de guichet ou de réception de la demande de changement de statut faire l’objet d’une procédure devant le juge administratif.
Si ce refus de réception du dossier s’appuie sur la nationalité de l’étudiant, une procédure judiciaire ou contentieuse, pour discrimination, peut alors être engagée par l’intéressé.
En cas de refus du changement de statut, le ressortissant algérien peut déposer une demande de réexamen de son dossier auprès de la préfecture et du ministère de l’Intérieur.
Si ce refus est confirmé par ces derniers, l’étudiant étranger pourra alors entamer une procédure contentieuse devant le juge administratif.