Mercredi 7 avril 2021
Cheikh Nourredine : un titan de talent et d’enchantement !
Quand on se remémore Cheikh Nourredine, on pense immédiatement à de nombreux duos et de sketchs hilarants, pour l’essentiel interprétés avec Slimane Azem, son compère de toujours.
Ces deux-là, c’était de la dynamite de talent et d’enchantement !
Mais, cheikh Nourredine, c’est aussi quantité de chansons intemporelles, avec des paroles subtiles et amusantes interprétées en solo. Parmi ses nombreuses productions citons « axalti εdouda », « ufiɣţ t-tekes el-karmus », « a tassekurt ad am-daɣaɣ » « ay telha t-nekra n-ṣbah » « a tasseṭṭa n-lahveq » etc., sans oublier le très célèbre « allo triciti », récemment repris et réarrangé par Mohamed Allaoua.
Pour les fans de Allaoua, l’écoute de l’original risque de vous surprendre et vous fait courir le risque de la préférer à la version de votre idole. Car malgré le fait que ce tube date des années 1930, il est indémodable et indétrônable, aussi bien dans l’interprétation que dans l’instrumentation. Il semblerait que cette chanson fut la première à avoir été enregistrée en Kabyle dans les années 30. Quoique, les enregistrements de « Amar Ouyakoub » remontent à la même époque. Toujours est-il qu’à presque 90 ans, « allo triciti » n’a pas pris une ride !
Rappelons que Cheikh Nourredine a été acteur dans de nombreux films ; parmi lesquels « Les hors la loi », « Chroniques des années de braise », ou encore « Elise ou la vraie vie », souvent dans des second-rôles mémorables.
Pour la petite histoire ; à l’origine, « allo triciti » c’était « alodh triciti », c’est-à-dire « la boue et l’électricité ». Allusion certainement à la condition de vie de nos aïeuls les « indigènes », lesquels pataugeaient dans la boue pendant que le colon vivait dans le confort de l’électricité. Derrière des paroles humoristiques se cachaient bien une complainte et un message.
Biographie
Chanteur, poète, acteur et écrivain, Meziane Noureddine est né en 1918 au village d’Aguemoun, dans la commune de Larbaâ Nath Irathen. Son père, Si Mohand Tahar Ouguemoun, était instituteur à l’école de Sidi Abderrahmane.
Meziane fréquente l’école coranique jusqu’à l’âge de 16 ans. En 1935 il débarque chez son frère Mohamed à Alger, où il est embauché comme serveur dans différents établissements.
En 1936, alors qu’il chante en faisant la vaisselle dans une gargote, Meziane est remarqué par le directeur de Pathé Marconi qui réside non loin de là, et lui propose d’enregistrer ses chansons. Il chante pour la première fois « Anfiy’i ad ru ɣ » et « A xali xali », titre reprit par la suite par Ali Kherraz.
Deux ans plus tard, il enregistre son 1er disque, composé de 12 chansons : « Allo triciti », « Anfiyi ad ruɣ », « A xali xali », « Yelis t murth », etc., et contribue à la fondation d’une chaîne kabyle, la Chaîne 2, par ses émissions, ses sketches et ses chansons.
En 1960, il publie aux éditions du Seuil « Un Algérien raconte » (pour ceux que ça intéresse, quelques vieux exemplaires sont en vente sur internet. J’ai commandé le mien) et, en 1998, l’écrivain Youssef Nacib lui consacre une biographie, « Cheikh Noureddine, comédien, poète, chanteur » (Éditions El-Ouns).
Cheikh Noureddine décède en août 1999, emportant avec lui des décennies d’enchantement.
Il laisse une œuvre immense dont on se demande pourquoi elle n’est pas remise au goût du jour et remastérisée pour donner un peu de bonheur aux nouvelles générations.
Le ton de la plaisanterie est d’ailleurs donné dès le premier quatrain de « allo triciti ». Couplet que l’on peut traduire par :
Le rat possède un bureau
Le juge est un hibou
Son président un asticot (*)
Allo triciti
Pour le reste, aux berbérophones d’apprécier. Quant aux autres contentez-vous de la musique ou apprenez le kabyle ! Ce n’est pas difficile !
(*) Ne connaissant pas la signification du terme « asennuṛ » qu’il utilise dans le texte, asticot est utilisé pour la rime avec bureau. De toute façon, le ton de l’ironie domine tout au long de la chanson.
Allo triciti
Aɣerda yesɛa lbiru
Lḥakem d bururu
Berzidan-is d asennuṛ
Alu trisiti
Ufiɣ lbaz la yettru
Isɣi la izehhu
Azekka ad yeṭṭef lbabuṛ
Alu ɣef trisiti
Ayaziḍ yuɣ-d li ku
La ad sen-d-iḥekku
La ad sen-iqqar wagi d lǧuṛ
Alu trisiti
Itbir yuɣal d-aqqunṣu
Lmir d-aziḍḍuḍ
Fkan-as cciɛa n l’honneur
Alu ɣef trisiti
Ufiɣ-tt teffeɣ-d s askwaṛ
lḥenni deg uḍaṛ
lǧeṛnan gar ifassen-is
A mma ɣef trisiti
Tedda-d d yiwen wemɣaṛ
Nbedd netḥiyyer
Ma d baba-s naɣ d-argaz-is
A mma ɣef trisiti
Fɣeɣ-d s yiwen ustixbaṛ
Mebɛid i d-texẓer
Tettawi lewhi s wallen-is
Alu trisiti
A sidi Σebd lqadder
Bu lberhan meqqer
Ad d-ḍḥuɣ si lǧiran-is
Alu ɣef trisiti
Lḥeṛf-iw yedda ɣef llif
Allah ya laṭṭif
Ḥaca i keč umi nemmal
Alu trisiti
Kfan yergazen at nnif
I ṣebbren i lḥif
Wid ur nesṭuqut awal
Alu trisiti
Lemḥibba yewwi-tt wasif
Tfuk ddunit
Mlet-iyi-d acu mazal
Alu trisiti
Lḥeṛf-iw yedda ɣef lba
Acu d sebba
Neǧǧa abrid lɛali
Alu trisiti
Yehlek wul tassa tewwa
Tfuk lemḥibba
Di lfisad la nettwali
Alu trisiti
Mi tḥeḍreḍ ḥemmlen-k merra
Mi teffɣeḍ berra
Ad regmen deg-k irkulli
Alu trisiti
Lḥeṛf-iw yedda ɣef tta
Aql-aɣ di lmerta
Yeɛreq webrid nettawi
Alu ɣef trisiti
Ifuk dheb d lfeṭṭa
Ma d neḥḥas yeqwa
Di lǧiban la ad t-nettawi
Alu ɣef trisiti
Seg asmi nleḥḥu di lxaṭṭa
I tṣaṛ teqṣiṭ-a
Nehlek ur n-ufi dwawi
Alu ɣef trisiti
Ay ul acu i d-tessuliḍ
Γef leɛtab terwiḍ
Berkak anadi n tmura
Alu ɣef trisiti
Lukan d lɣeṛs i teẓẓiḍ
Aql-ak la tleggiḍ
La teznuzuḍ di lfakya
Alu ɣef trisiti
Akka d lɣerba i teεniḍ
Acu d-tessuliḍ
Deg-i ur k-terri tmara
Alu ɣef trisiti