À travers ses publications en langue française, les Éditions Barzakh continuent de réinventer la littérature algérienne. Ces cinq romans – puissants, audacieux, subversifs – sont à découvrir cet été. À lire comme on explore un pays, à travers ses contradictions, ses douleurs et ses rêves.
La littérature algérienne d’expression française n’a jamais cessé de se métamorphoser. Plus que jamais, elle s’émancipe des récits figés, préférant creuser la voix intérieure, le désenchantement politique, les formes neuves. Les Éditions Barzakh, fidèles à leur ligne éditoriale de liberté et d’audace, nous offrent cinq romans récents où résonne cette tension féconde entre l’intime et le collectif.
1. Aménorrhée de Sarah Haidar
Dans un pays totalitaire où l’avortement est puni de mort, une accoucheuse se fait avorteuse. Roman polyphonique, fulgurant, violemment poétique, Aménorrhée déconstruit l’idéologie patriarcale et le pouvoir des “hommes déconstruits”. Un texte brutal et nécessaire, porté par une langue à la fois scalpel et incantation.
2. Amin. Une fiction algérienne de Samir Toumi
Et si un écrivain se voyait confier les clefs du système pour mieux l’exposer ? Entre thriller politique et chronique désabusée, Samir Toumi met en scène les paradoxes d’un pays en fin de règne. Le roman capte avec justesse les tensions algériennes contemporaines, entre réseaux, fake news et désillusion.
3. Terminus Babel de Mustapha Benfodil
Un livre abîmé raconte sa propre histoire : celle de K’tab, condamné au pilon. Dans cette fable brillante, peuplée de Kant, Freud ou San-Antonio, Mustapha Benfodil signe une déclaration d’amour à la littérature et à l’Algérie, avec l’intelligence politique et poétique qu’on lui connaît.
4. Taxi d’Aïmen Laïhem
Prix littéraire Mohammed Dib 2025, Taxi offre une plongée douce-amère dans Alger. Chaque course devient un fragment de vie, un instant suspendu. L’humour feutré, le regard lucide et la tendresse du narrateur confèrent au roman une profondeur rare. Le jury a salué « une œuvre sobre, précise et empreinte d’une délicate ironie ». Un premier roman maîtrisé, désormais incontournable.
5. Le désastre de la maison des notables d’Amira Ghenim
Traduit de l’arabe tunisien, ce roman choral retrace les destinées croisées de deux familles bourgeoises à Tunis, de l’époque coloniale à la révolution de 2011. Une fresque politique, féministe et historique, qui trouve un écho puissant dans le contexte algérien. Une révélation.
En creusant les marges, en libérant les formes, ces cinq romans prolongent une tradition littéraire algérienne d’expression française tout en la redéfinissant. Parfaits compagnons de route pour l’été, ils offrent plus qu’une lecture : une traversée du présent avec lucidité, humour ou colère, mais toujours avec style.
Djamal Guettala