21 novembre 2024
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Comme il n’a pas dit, lui !

C’est aujourd’hui une chronique d’humour, comme souvent de ma part. Qu’on n’en comprenne aucun irrespect.

On sait que dans beaucoup de langues perdurent des expressions au charme désuet. Elles ne s’utilisent plus beaucoup, ce qui renforce leur pouvoir d’attrait. Depuis longtemps je lis dans la presse algérienne une tournure de style qui termine la phrase du titre par « dites-vous ? ».

Cette semaine je l’ai lu dans six titres de journaux algériens, ce qui explique ma chronique. Une expression désuète mais avec du sens car compréhensible par tous. Dès la lecture du titre on sent bien que ce qui va suivre est une mise en garde par un propos qui sonne comme une réponse cinglante.

Mais la plupart du temps on ne perçoit que la colère de l’opinion qui s’annonce en titre. L’auteur ne nous fait pas comprendre de qui il s’agit mais juste qu’il va ferrailler. Que ce soit envers une idée rependue, un dogme partagé ou une décision de tous ordres possibles. L’expression ne fait aucun doute sur l’intention, parfois elle est clôturée par un point d’interrogation, parfois par un point d’exclamation qui laisse encore moins de doute sur la virulence du propos.

Faute d’accusation ad hominem (le latin peut aussi rajouter à la persuasion d’une prise de hauteur dans la riposte), l’auteur s’adresse aux lecteurs puisque ce sont les seuls présents dans cette affaire. Alors on se regarde et chacun fait un signe interrogatif de ses mains en disant « Je n’ai rien dit, moi ! ».

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On se retourne tous vers l’auteur et on lui dit « Pouvez-vous nous dire qui est derrière le « dites-vous ? » ? ».

Le dites-vous annonce donc l’intention d’un bruyant règlement de comptes. On a l’impression que si le titre pouvait nous parler, on entendrait l’engueulade jusqu’à Santa Cruz. Cela me fait toujours rappeler, je le dis à chaque fois, y compris dans une ancienne chronique, le titre du courrier électronique qui débute par « Mon cher monsieur ».

Je sais immédiatement que l’expéditeur, sous le couvert de cette formule de politesse, ne m’invite pas à boire un thé. Dans cette expression, il y a des gradations. « Mon cher Boumediene » préfigure d’une forte réprimande et « Mon cher monsieur Boumediene » celui des hostilités immédiates, sans fioritures.

Cela se décline dans toutes les langues. Pour notre arabe parlé ce sera « Ya Boumediene » puis en plus fort « Ya Si Boumediene ». Et le niveau le plus explosif « Ya khouya Si Boumediene ».

Tout ce propos pourrait faire croire à une moquerie, ce n’est absolument que tendresse car on entend nos anciens, francophones par l’histoire, se dresser, la voix haute, le doigt accusateur pointé et le tout accompagné par un regard de feu qui prépare le « dites-vous ?».

Je n’ai rien dit, moi ! Car même si je partage l’opinion qui est stigmatisée, comment l’auteur pourrait-il lire dans mes pensées ?

Je le sens à travers le regard, je le prédis et j’en ai la crainte, « Une chronique d’humour, dites-vous ? ».

Boumediene Sid Lakhdar

5 Commentaires

  1. « Cela se décline dans toutes les langues. Pour notre arabe parlé ce sera « Ya Boumediene » puis en plus fort « Ya Si Boumediene ». Et le niveau le plus explosif « Ya khouya Si Boumediene ». »

    Même chose chez les anglophones. Quand un parent appelle son enfant par son nom complet – prénom(s) et nom de famille – l’enfant sait que ce qui va suivre ne sera pas agréable.

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