Lundi 18 novembre 2019
Comment agir avec les partisans de l’élection présidentielle ?
Concernant ces personnes, on constate ici et là, de la part des opposants à l’élection présidentielle, des expressions de mépris, des insultes, l’appel à leur cracher dessus ; certains passent même aux actes en les huant ou en les chassant de l’endroit où ces partisans des élections manifestent leur soutien.
Ce genre de comportement est-il compatible avec le principe démocratique dont se déclarent les opposants à ces manifestations de soutien aux élections présidentielles ?… Si les antidémocrates emploient systématiquement la règle « la fin justifie les moyens », des démocrates authentiques ne doivent-ils pas se conformer absolument à la règle contraire, à savoir que les moyens doivent refléter la fin ? Autrement dit, que vouloir la démocratie exige l’emploi de moyens démocratiques.
En l’occurrence, en quoi consistent-ils ?… À respecter que des citoyens expriment librement leurs opinions contraires à celles du mouvement populaire. Autrement, on est dans un comportement dictatorial.
Ajoutons que maltraiter en paroles ou, pire encore, en actes ces partisans d’élections présidentielles dénote un manque de conscience sociale. En effet, parmi ces partisans certains sont, bien entendu, des bureaucrates du système oligarchique dominant. Mais d’autres, peut-être la majorité, sont des citoyens ordinaires, mais dépourvus de la conscience leur montrant qu’ils sont, eux aussi, des opprimés, mais ne s’en rendant pas compte, car aliénés idéologiquement. Qu’on les traite de « tubes digestifs ambulants », de « cachiristes » et autre prouve uniquement que l’auteur de cette accusation ne comprend rien aux mécanismes de l’oppression sociale. En effet, est-il conséquent de mépriser et d’insulter des personnes conditionnées à agir contre leur propre libération, ajoutant ainsi au mépris des oligarques celui des démocrates ? En outre, est-ce la haine qui peut faire prendre conscience à des citoyens ordinaires que la position choisie par eux est une erreur, au détriment de leurs intérêts réels ? Ajoutons ceci : tout citoyen a le droit imprescriptible d’exprimer publiquement et pacifiquement son opinion, quelque soit sa nature.
Il est vrai que le surgissement des partisans des élections présidentielles risque de créer des tensions et divisions au sein du peuple. Cependant, ce phénomène est caractéristique de toute démocratie authentique. Et celle-ci exige le respect du choix minoritaire, quitte à le mettre en question mais uniquement par le débat et la manifestation pacifiques, tant que le choix minoritaire s’exprime de manière pacifique.
Importance de la confrontation des idées
Mais voilà l’aspect positif, à savoir exploiter. D’une certaine manière, la présence dans l’espace public des partisans des élections présidentielles offre l’occasion aux membres du mouvement populaire de les connaître, et, par la discussion, de vérifier la validité des choix des uns et des autres. Aux plus conscients et honnêtes citoyens de convaincre leurs compatriotes de leur erreur. Et si les premiers n’y réussissent pas, qu’ils s’en prennent non pas aux seconds, en les accusant d’imbécillité et de traîtrise, mais à leur propre incapacité de convaincre.
N’est-il pas plus indiqué de faire coïncider le but démocratique (respectant l’opinion contraire) et émancipateur (donc désaliénant) avec des moyens de même type ?… En l’occurrence, concernant les citoyens partisans des élections présidentielles, ne faut-il pas s’efforcer le plus possible à créer avec eux une discussion, un dialogue, un échange de points de vue ? Et, pour y parvenir, ne faut-il pas d’abord laisser parler et entendre les opinions adverses, et uniquement ensuite savoir en démontrer l’erreur ?… Qu’on le veuille ou pas, là est le principe de la démocratie, et il est fondamental de le respecter dans toutes les circonstances où la confrontation se manifeste, non par la violence, mais uniquement avec la manifestation publique, la parole et les idées.
Certes, la confrontation verbale est difficile, d’une part, parce que l’on s’adresse à des citoyens conditionnés (matériellement et idéologiquement), et, d’autre part, contrôlés par des « accompagnateurs » qui les manipulent. Sans oublier la pression émotionnelle qui fait parler tous à la fois, en n’y comprenant rien et en laissant chacun sur ses positions.
Changer les choses exige le maximum de maîtrise de soi, d’intelligence et de respect de l’opinion autrui, quelque soit sa nature. Et plus celle-ci est inacceptable, plus il est indispensable de l’affronter avec mesure et intelligence, car il s’agit de désaccords entre citoyens, parfois même entre des opprimés dont certains, par conditionnement, ignorent leur oppression.
Le respect du choix d’autrui et le recours au dialogue pour en examiner le bien fondé ne sont-ils pas la seule manière pour des démocrates authentiques de manifester la valeur, d’une part, de la démocratie, et, d’autre part, de leurs idées ? Si les dictateurs et les totalitaires visent uniquement à vaincre, en recourant à tous les moyens jusqu’à l’emploi de la violence (verbale d’abord, ensuite physique déguisée ou directe), les démocrates réels, eux, ne doivent-ils pas se soucier uniquement de convaincre, et de vaincre uniquement par la confrontation pacifique des idées en matière de liberté, d’égalité et de solidarité sociales ?
Kaddour Naïmi
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