23.8 C
Alger
dimanche 13 juillet 2025
AccueilA la uneComment bombarder un pays en couleur ?

Comment bombarder un pays en couleur ?

Date :

Dans la même catégorie

Naître sous scalpel : le marché honteux de la maternité algérienne

Il est des signes avant-coureurs de la décadence morale...

Législation sécuritaire : des ONG alertent sur les dérives autoritaires en Algérie 

Les organisations signataires expriment leur vive préoccupation suite à l’adoption, ce...

Algérie 2025 : un pays devenu irrespirable

C’est une image glaçante, et pourtant tristement banale dans...

Mohamed Ould Ghazouani ou la fatigue d’exister

Ils avaient été conviés à dîner à la Maison-Blanche,...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

En Algérie, les nouvelles ouvrent et ferment les portes de la joie et du désespoir ! Rien, ou presque, ne laisse indifférent, et l’on passe d’un état à l’autre avec un simple mouvement de pouce. Les écrans, c’est magique !

Ce qui est surtout magique, c’est ce qu’ont réalisé dernièrement, à Bordj El Kiffan (Fort de l’Eau), de jeunes artistes, transformant le quartier en un petit musée à ciel ouvert. La Havane algérienne ! On s’y croirait presque, n’étaient-ce les qamis et les barbes qui noircissent un peu le tableau. Mais ça, c’est du côté de la porte du désespoir. Fermons-la un instant.

Ces artistes, donc, peignent des tableaux aux couleurs vives, semblables aux bourraches de printemps. Les façades ont revêtu des fresques tropicales, et les murs égayés sourient, à pleines dents, au ciel et aux passants.

Tout le monde a joué le jeu : les riverains, bien sûr, mais aussi les autorités ! Elles ont pris la vague de l’enthousiasme ambiant. Curieux, car l’État profond voit habituellement d’un mauvais œil les initiatives qu’il ne lance pas lui-même.

Bien que ce soit original, cet « acte citoyen » rappelle les nombreux autres projets d’embellissement autonomes, réalisés notamment par les villageois de Kabylie, et financés presque exclusivement par leur propre argent. Jamais les commis de l’État n’ont pensé les aider ou les encourager.

Bien au contraire : cela représente à leurs yeux une menace, car tout modèle d’autogestion qui fonctionne est un modèle qui remet en cause celui d’un État centralisateur et cleptomane. Il démontre qu’un autre modèle de gouvernance est possible : collecte des fonds, autogestion, recueil des besoins, contrôle des coûts et des délais, jusqu’à la réalisation de toutes les étapes du projet. Du peuple au peuple, sans intermédiaire, tchipa, ou samsar !

À ces initiatives, l’État préfère la culture du projet inutile, qui ne répond pas aux besoins du citoyen, mais seulement à ceux qui les lancent. Il préfère les projets qu’il gère de manière opaque, comme on gère un night-club secret de Manille ou de Bangkok : garages et immeubles laids, cages à poules, trottoirs et mares de canards. Comme ça, le commis a sa commission, et le barman du night-club, son pourboire. (Revoilà ouverte la porte du désespoir… mais laissons-la ouverte, cette fois-ci.)

Ceux qui nous gouvernent savent que, s’ils allouaient à des comités de citoyens les enveloppes destinées à développer leurs localités, ces derniers auraient sûrement choisi ce qui est nécessaire, et délaissé les projets fantômes. Ils savent que, lorsqu’il a le choix, le citoyen négocie avec les bureaux d’études et d’architectes ; qu’il fait le choix de la compétence et de l’abordable. Qu’il compte ses dourous comme une grand-mère, et choisit de mettre le soleil au centre du village.

Ils savent que le citoyen aurait repensé les espaces de vie et de loisirs, les canalisations d’eau, la conception des trottoirs, les projets d’habitations et les espaces verts.

Bref, il aurait fait comme à Fort de l’Eau ou en Kabylie, en considérant la rue comme un prolongement de chez soi, propre et rayonnant — et non comme une déchetterie !

Mais 63 ans de délinquance et d’incompétence ne peuvent s’effacer par de simples initiatives. C’est toute une politique participative qui doit émerger, avec comme principal acteur : le citoyen. Au lieu de cela, c’est la culture de la médiocrité qui l’a emporté, et un prototype de gestionnaire véreux qui a pullulé sous le ciel clément du régime.

Comment expliquer, sinon, que des administrateurs sans imagination, sans envie ni compétence, aient multiplié les mêmes projets AADL, au point de transformer l’Algérie en un pays de gaufrettes ? Plus que de la pollution visuelle : de la “yémenisation” ! Kandahar dans ses pires états ! Lors de la dernière guerre Iran-Israël, des internautes juraient que le pays ne risquait rien, car il avait tout d’un pays déjà bombardé.

Nos villes et villages sont en ruines, et leur expansion anarchique nous donne, en effet, l’impression d’un pays en guerre. Toutes les villes se ressemblent, et la couleur de la terre se confond avec celle des rues et des maisons : du béton, des briques, de la poussière, des sachets et des bouteilles en plastique. Sans couleurs, sans cours, sans jardins, sans verdure.

Nos demeures sont des cercueils qui attendent l’enfouissement ou le désert. Nos dirigeants, des croque-morts qui nous enterrent vivants. Et c’est volontaire : par incompétence, oui, mais surtout par mépris et esprit de revanche.

K.H.

Dans la même catégorie

Naître sous scalpel : le marché honteux de la maternité algérienne

Il est des signes avant-coureurs de la décadence morale...

Législation sécuritaire : des ONG alertent sur les dérives autoritaires en Algérie 

Les organisations signataires expriment leur vive préoccupation suite à l’adoption, ce...

Algérie 2025 : un pays devenu irrespirable

C’est une image glaçante, et pourtant tristement banale dans...

Mohamed Ould Ghazouani ou la fatigue d’exister

Ils avaient été conviés à dîner à la Maison-Blanche,...

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici