Mardi 25 juin 2019
« Condamné à mort dans le pénitencier de Berrouaghia », poème de Matoub Lounès
Ce poème est chanté par Matoub Lounès dans son album sorti en 1982.
Son âme agonise
Tel un grain dans une meule.
Il attend son tour et pleure
Mon bagnard !
Il craint que vous voyiez en lui un téméraire,
à la fin, vous risquez de l’oublier.
Vers lui, qui ouvrira la voie ?
Mon bagnard !
L’arbitraire montre ses repousses.
Vers l’avant se dresse un précipice,
La mort approche par derrière.
Mon bagnard !
Appelle-le donc, ô mon cœur, appelle-le !
Dis-lui, s’il écoute,
De se garder de dénoncer qui que ce soit.
Mon bagnard !
ô vent qui berce les oliviers
Apprends-moi, je t’implore, les nouvelles.
Je ressemble à du bois vermoulu
Que les gens refusent même à brûler dans les foyers.
Quelle raison l’a exilé
Et l’a ravi brutalement aux siens ?
ô vent qui me rend visite,
T’a-t-il chargé d’un message, mon bagnard ?
A trop écouter les gens,
Mes mains se refusent à l’ouvrage.
Le chagrin attise mes malheurs
Et remplit mes jours de noirceur.
J’ai surpris des gens converser,
À ma vue ils ont baissé les yeux.
Vent, c’est à toi de m’apprendre
S’il est encore en vie mon bagnard.
Le cœur halète à l’arrivée du vent de mars.
Dès que je porte la coupe aux lèvres,
On vient me l’en saisir.
Aujourd’hui, je sais, je l’ai perdu ;
Mes yeux ne le reverront plus.
Vent, viens me dire
Où la vague a largué mon bagnard.
La paix que j’attendais a failli
Au rendez-vous pourtant accordé.
La belle tragédie s’est fardée
Et vient m’offrir des cadeaux chez moi.
Maintenant je comprends la raison de son retard,
Et pourquoi son retour est une chimère :
Il refuse de fléchir devant l’humiliation
Dans le pénitencier de Berrouaghia,
Mon bagnard !
Traduction d’Amar Naït Messaoud