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Conservatisme rampant et intolérance du quotidien : Sétif, miroir d’une dérive nationale 

Voile en Algérie.

Le voile est devenue la norme imposée en Algérie.

Refus de services pour non-port du voile, discrimination linguistique, censure de messages jugés inappropriés… Cette normalisation de l’intolérance, même à bas bruit, pose la question de l’avenir du vivre ensemble dans des villes historiquement ouvertes et cosmopolites comme Setif.

Dans cette ville des Hauts Plateaux, l’affaire de vandalisme visant la statue d’Aïn El Fouara n’est pas un cas isolé. Plusieurs habitants évoquent un climat social de plus en plus marqué par le repli identitaire, la censure des comportements jugés non conformes et une intolérance latente envers la diversité des pratiques culturelles.

Un message largement partagé sur les réseaux sociaux par une citoyenne ayant séjourné à Sétif en juin dernier a suscité une vive réaction. Selon ses propos, trois pâtisseries de renom auraient refusé d’inscrire la phrase « Joyeux anniversaire papa 84 ans » sur un gâteau. Un chauffeur de taxi aurait également décliné sa demande de service au motif qu’elle ne portait pas le voile. Enfin, un avocat, sollicité en français, aurait tout simplement refusé de répondre à sa requête.

Pris isolément, ces faits pourraient sembler anecdotiques. Mais mis bout à bout, ils dessinent les contours d’un raidissement social préoccupant. « La liste est longue », écrit-elle, évoquant un mode de vie qui, selon elle, tend à ressembler à celui des Émirats arabes unis.

Pour de nombreux observateurs locaux, ces incidents reflètent une transformation progressive mais réelle du tissu social de la ville. Dans l’espace public, certaines attitudes jadis considérées comme normales ou tolérées deviennent aujourd’hui prétexte à l’exclusion ou au jugement.

La statue d’Aïn El Fouara, plusieurs fois vandalisée ces dernières années, cristallise ces tensions. Symbole de l’histoire et de l’identité de la ville, elle devient la cible de ceux qui cherchent à effacer tout ce qui ne correspond pas à leur vision du monde ni au modèle de société qu’ils entendent imposer.

Plus largement, ces signes soulèvent une question essentielle : celle du vivre-ensemble dans les villes algériennes. À Sétif, comme ailleurs dans le pays, les tensions entre conservatisme religieux, pluralisme linguistique et aspirations modernes semblent s’intensifier. Le courant islamo-conservateur impose sa loi.

Face à ces évolutions, les pouvoirs publics demeurent étonnamment silencieux. Pire encore, la fermeture progressive du débat public, conjuguée à la montée en influence des courants fréristes au sein de certaines institutions, ne favorise en rien l’émergence d’un discours moderniste ou inclusif.

Dans ce climat de repli et de surveillance idéologique, la défense des libertés individuelles et le respect de la différence ne sont plus perçus comme des atouts pour la société, mais de plus en plus comme des menaces à contenir.

Samia Naït Iqbal

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