Les résultats de la COP30 amènent un haut fonctionnaire des Nations unies à se demander s’ils pourraient être considérés comme un écocide, même un crime contre l’humanité, si des actions plus fortes ne sont pas rapidement prises.
Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a commenté les faibles résultats de la 30e conférence des Nations unies sur le climat à Belem au Brésil (COP30). Cet accord a minima dans une situation d’urgence climatique illustrerait, selon lui, les déséquilibres existant entre l’industrie des combustibles fossiles qui génère des profits colossaux et des certaines de communautés et pays victimes de préjudices causés par le dérèglement climatique.
Il n’est pas le seul à se questionner sur la situation climatique de la planète. Cette année, des travaux scientifiques sur les risques systémiques soulignaient une aggravation des tendances. Le Stockholm Resilience Centre affirme que sept des neuf limites planétaires seraient déjà franchies, ce qui accroîtrait les risques d’effondrement de la biodiversité, d’instabilité climatique et de perturbations hydriques.
L’année dernière, le Rapport Planète Vivante du WWF exposait un déclin de 73 % des populations d’animaux sauvages depuis 1970. L’équipe internationale de climatologues, sous la direction du Global Carbon Project, publiait dans la revue scientifique Environmental Research Letters, le 3 septembre 2024, que la concentration dans l’atmosphère de méthane (CH4) à l’origine d’un tiers du réchauffement climatique global augmenterait plus rapidement que tout autre gaz à effet de serre majeur. Il n’y a jamais eu autant de méthane dans l’atmosphère, affirme-t-il. Ceci menacerait gravement l’habitabilité de la planète.
Le dérèglement climatique a aussi été souligné à l’occasion de la COP28 en décembre 2023 par le Global Systems Institute de l’université d’Exeter au Royaume-Uni dans son rapport Global Tipping Points. Il identifie 25 points de bascule dans le système terrestre dont 16 sont dans la biosphère telle la disparition du corail, six dans la cryosphère telle la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, et quatre dans les circulations atmosphériques et océaniques comme l’Amoc et les moussons ouest-africaines. La co-auteure de ce rapport, Sonia Kéfi, affirmait à ce sujet que nous sommes au seuil de points de bascule en cascade du système Terre. Pour ce groupe de scientifiques internationaux, le changement climatique constitue désormais une menace existentielle directe pour la vie sur terre.
Qu’est-ce qu’un écocide ?
Est considéré comme un écocide l’endommagement irrémédiable ou la destruction d’un écosystème par un processus qui entraîne sa surexploitation, intentionnelle ou non. De nombreux événements passés ont été considérés par plusieurs organismes comme des écocides. L’utilisation de l’agent orange pendant la guerre du Vietnam, l’explosion d’un réacteur atomique à Tchernobyl, la déforestation en Amazonie et en Indonésie, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et dernièrement la guerre à Gaza.
Le concept de crime d’écocide est débattu depuis 1947 au sein de la Commission du droit international pour l’inclure dans le Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’Humanité. Dans les années 1970, il a été proposé de l’inclure dans la Convention sur le génocide de 1948. Mais il a été retiré en 1995 du projet de Code et n’a pas été inclus au Statut de Rome. Depuis la fin des années 1990, diverses tentatives de le réintégrer dans le droit international ont été faites sans succès.
S’il n’y a donc pas de loi internationale qui criminalise l’écocide en temps de paix. Le Statut de Rome en fait cependant un crime en temps de guerre sous certaines conditions. Une quinzaine de pays ont déjà criminalisé l’écocide sur leur territoire. Le Viêtnam a été le premier en 1990. En décembre 2020, la Belgique a demandé d’inscrire le crime d’écocide dans le droit international.
L’urgence de régler cette situation
Pour Sébastien Treyer, le directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales, il serait nécessaire pour accélérer la transition écologique d’utiliser d’autres instances que les conférences onusiennes.
En ce sens, le président de la COP30, André Corrêa do Lago, a aussi reconnu que plusieurs pays et organismes attendaient davantage d’ambition et a annoncé le lancement d’une feuille de route, pour surmonter la dépendance aux énergies fossiles, qui devrait être discutée avec les États volontaires en parallèle du processus officiel.
Le bilan médiocre de la COP30 a conduit le ministre adjoint de l’Environnement des Maldives, Thybian Ibrahim, à affirmer qu’il faut voir le problème dans son ensemble. Pour nous, aux Maldives, ça veut aussi dire de devoir faire face à une rupture de nos produits alimentaires s’il y a une sécheresse ou des inondations en Inde, commente-t-il.
La négociatrice pour les Comores, Loubna Hamidi, a demandé de récompenser les pays qui préservent leurs écosystèmes côtiers. Dans mon pays, protéger les mangroves est le meilleur moyen de s’adapter aux changements climatiques, affirme-t-elle.
Le haut-commissaire des Nations unies s’interrogeait après la COP30 quant à cette inaction, parlant du récent arrêt de la Cour internationale de Justice qui affirmait que les gouvernements doivent prévenir toute atteinte grave au climat. Le jugement imposait aux entreprises le devoir de diligence et à prévoir des réparations pour les préjudices liés au climat. Il s’est même demandé publiquement, au sujet de l’opinion des générations futures, si cette réponse inadéquate pouvait être considérée comme un écocide, peut-être même un crime contre l’humanité.
Michel Gourd

