C’est le spectacle affligeant d’un jeune Algérien sans papiers, un harraga en train de se faire expulser (voir lien vidéo ci-dessous), difficilement maintenu par des policiers à l’intérieur d’un avion, criant, se débattant et vociférant, filmé par un passager fait le tour de la toile.
Le jeune, au français approximatif, en voie d’être expulsé de France, hurle : « Je ne partira pas, je partira pas !!! » Au ton de sa voix, à l’ampleur de ses suppliques, l’auditeur devine très vite que le jeune est terrorisé. Mais par quoi ? Tout simplement d’être reconduit dans le pays qui l’a vu naître. L’Algérie nouvelle d’Abdelmadjid Tebboune.
Lien vidéo de l’expulsion du jeune Algérien
Il a peur, il appréhende la hantise de retourner chez lui. Comme s’il retournait en enfer dont il s’était difficilement évadé. Il refuse de revenir dans cette terre riche de ses hydrocarbures, de ses ressources naturelles, de son soleil méditerranéen qui brille quasiment toute l’année, de ses 1600 km de côtes splendides, de son Sahara épique, de sa terre fertile, de son poisson et ses viandes comme nulle part ailleurs, de ses merveilleuses jeunes filles…
Notre jeune refoulé n’a pas l’air de tenir compte de tout ce que le ciel a pu donner à son pays natal : lui ne veut pas y être renvoyé, il est même en crise névrotique à l’idée qu’il y sera probablement à peine dans deux heures.
Cette image a bouleversé bon nombre d’internautes qui se sont posés la même question, celle qui taraude l’esprit de tous les parents et proches de ces marins d’infortune qui se risquent à braver la Méditerranée : quelle est ce mystère, ce secret, cette alchimie qui fait que les jeunes Algériens trouvent que demeurer dans leur pays est plus effrayant et risqué que les profondeurs de la Méditerranée ou les rues glaciales des villes européennes qui leur servent de demeures ? Comment est-ce qu’après 60 ans d’indépendance obtenue après de lourds sacrifices ces jeunes choisissent la galère dans le pays de l’ex-colonisateur à une vie souvent plus paisible chez eux ?
Soolking l’a si bien exprimé dans son tube Ya el Bahri : « Rouma Oula ntouma » (à choisir entre les galères romaines et vous, on préfère les galères).
Que s’est-il passé dans la société pour que tout espoir d’aimer, de vivre mieux, d’avoir un projet, un avenir, de croire en une vie meilleure disparaisse de la surface dans la maison Algérie ? En est-il de même au Maroc, en Tunisie, en Afrique ? Où sont les espoirs nés des manifestations du Hirak/Tanekra ? Qui a fait de l’Algérie le cimetière de l’espoir ?
A qui la faute ? Que faut-il faire pour tenter de ressemer l’espoir dans le cœur de ces jeunes ? Quelles pourraient être les voies à explorer ? Sociologues ethnologues psychologues et psychiatres devraient travailler sur le sujet. Les autorités qui cultivent l’illusion, le mensonge et la gouvernance par l’arbitraire y sont pour beaucoup.
Mais ce qui est sûr c’est qu’à court terme, entretemps, afin de contenir cette hémorragie, d’endiguer ce fléau, il faut libérer les mœurs. Laisser ces jeunes s’aimer en toute quiétude et ne pas les persécuter dans les parcs, les forêts, les voitures, les hôtels, les boîtes de nuit. Permettre aux gens de vivre à leur guise. Leur laisser cette liberté fondamentale. Ce devrait être le credo de ceux qui décident.
« Je partira pas » comme « yetna7aw ga3 » du Hirak finira également avec un hashtag.
Le cri strident de ce refoulé aérien mobilisera sûrement la diaspora dans les semaines à venir pour que ceci n’arrive plus jamais. « Je partira pas » finira peut-être avec de la chance et de la solidarité par ne pas partir ou au moins par partir dans des conditions plus humaines.
Sofiane Ayache