22 novembre 2024
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Crise algérienne : une solution pour préserver l’Algérie

TRIBUNE

Crise algérienne : une solution pour préserver l’Algérie

A quelques jours du deuxième anniversaire du « Hirak », le peuple est de nouveau sorti à Kherrata et s’apprête à le faire massivement à Alger malgré le danger représenté par le Covid-19 et les risques de répression.

De son côté, l’armée qui a imposé depuis la chute des Bouteflika une feuille de route ignorant les demandes populaires fourbit ses plans et ses stratégies pour mettre fin au Hirak d’une manière ou d’une autre afin de pouvoir continuer comme avant.

On peut chasser du pouvoir une équipe dirigeante, mais pas un peuple ou une armée de son pays. Après avoir fait un bout de chemin ensemble entre le 22 février et le 2 avril 2019, le temps de chasser les Bouteflika, le peuple et l’armée se retrouvent face à face.

Quel est le problème ?

La constitution algérienne attribue la propriété exclusive de la souveraineté nationale et le choix des dirigeants au peuple, mais dans la réalité c’est l’armée qui exerce ces deux prérogatives depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Les deux principales revendications du Hirak visent à remédier à ce problème, à cette anomalie, à cette usurpation : le peuple veut un Etat de droit civil et non militaire (« Dawla madaniya, machi askariya !») et le départ du reste des équipes civiles et militaires qui ont servi les Bouteflika et participé au pillage du pays (« Yetnahaw gaa !»). 

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Pour accorder les dispositions de la loi fondamentale avec la réalité du terrain et mettre fin à cette distorsion, il faut soit retirer les articles de la constitution attribuant au peuple ces prérogatives et les affecter clairement à l’armée, soit éloigner l’armée de l’exercice de ces attributions qui se réalise à travers le choix des décideurs dans tous les secteurs depuis le maire jusqu’au président de la République. 

Le droit, la légitimité et le bon sens plaident en faveur du peuple, mais la force et les ressources du pays sont concentrées entre les mains de l’armée pour la force (police, gendarmerie, services de renseignement, soldats de toutes les armes) et indirectement pour les ressources humaines (nomination des cadres de toutes les institutions politiques, économiques, financières et diplomatiques).

Si le peuple persiste à manifester sous le regard du monde entier pour recouvrer ses droits naturels et constitutionnels, et que l’armée s’obstine à ne pas quitter la sphère politique, institutionnelle et économique pour s’occuper uniquement de la sécurité extérieure du pays, alors le face à face, qui est en fait un dos-à-dos, évoluera inévitablement, nécessairement, vers un affrontement qui signera l’entrée de l’Algérie dans une longue ère de déstabilisation dont elle ne sortira pas comme elle y sera rentrée. 

Le dialogue de sourds entre le peuple et l’armée résulte d’un décalage générationnel et culturel. L’armée, dirigée par une gérontocratie formée à l’école soviétique, n’a pas changé mentalement depuis 1962 et considère qu’elle est la dépositaire du patriotisme et l’unique détenteur de la souveraineté nationale. Alors que le peuple n’a pas seulement changé mentalement, il s’est renouvelé démographiquement et culturellement à 90% dans un environnement mondial et une époque qui ont aussi profondément changé.

Mais ce que le peuple algérien qui a libéré le pays du colonialisme et le peuple algérien qui a déclenché le Hirak pour le libérer du despotisme ont en commun, c’est que lorsqu’ils se réveillent à une cause ils ne se rendorment plus, ne se couchent plus, ne reculent plus.

Le peuple algérien d’hier n’a pas reculé devant l’énormité du prix à payer à l’indépendance : un million et demi de martyrs sur un total de dix millions d’habitants. Le peuple algérien d’aujourd’hui montre à travers le Hirak qu’il est disposé à payer le prix qu’il faut pour reconquérir sa souveraineté, son droit d’être maître chez lui, ses libertés publiques et individuelles dont celui de désigner, contrôler et sanctionner le cas échéant ses dirigeants dans un Etat de droit, démocratique et social, transparent, égalitaire et moderne.

Que faire pour échapper à la fatalité de l’affrontement que les deux parties ne souhaitent pas mais qui pourrait s’imposer à elles fortuitement ou à la suite de provocations ou manipulations d’origine interne ou externe ? 

Trouver une solution à la crise qui dure depuis deux ans en en sortant gagnant-gagnant. 

Cette solution consisterait en un compromis entre le réalisme factuel et l’idéalisme révolutionnaire, entre le respect de la légalité constitutionnelle et le respect de la légitimité populaire, entre la thèse du changement brutal dans le cadre d’une « transition », et la thèse du changement à l’intérieur des institutions en place. Il est possible qu’une synthèse émerge du rejet mutuel entre la thèse et l’antithèse, il est possible de satisfaire les revendications fondamentales du Hirak et d’éviter le chaos et la destruction de l’Etat.

Voici la démarche proposée, une démarche qui ne heurte pas le processus mis sur les rails, qui ne met pas en danger la continuité de l’Etat, qui ne lèse ni le loup ni le berger : 

Le président Tebboune qui envisage de dissoudre l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent pourrait le faire dans le cadre d’un discours adressé à la nation comportant cette annonce et d’autres qui donneraient sens à son projet de « Nouvelle Algérie » et répondraient aux attentes du Hirak. Il en aura préalablement discuté avec le commandement militaire.

Ces annonces concerneraient :

1) La proclamation par le président que son mandat sera dévoué pour le temps qui reste à l’application effective des dispositions de la Constitution relatives à la souveraineté du peuple.
 2) La dissolution de l’Assemblée nationale et, plus tard, des Assemblées communales et wilayales pour les laver des souillures du passé et les remettre au peuple et à ses représentants authentiques.
3) La nomination d’un gouvernement technique comportant une douzaine de portefeuilles. 
4) Le retrait des agréments accordés aux partis politiques par une procédure que proposerait le conseil d’Etat, justifiée par la nécessité d’assainir et de renouveler l’ensemble du système politique algérien en conformité avec la Constitution et les lois pertinentes. Ils pourraient se reconstituer sur ces bases. 
5) La mise sur pied d’un Conseil de l’Entente Nationale composé de représentants du Hirak. Cette instance consultative transitoire sera le lieu des concertations directes entre le président de la République et les délégués du peuple sur des questions fondamentales à préciser par les deux parties. A titre d’exemple on peut citer la Constitution, l’indépendance de la justice, le régime électoral, les lois relatives aux partis et aux associations, les lois concernant l’armée et son contrôle, les attributions et les missions des services de sécurité, les lois anti-corruption, etc. 
6) Les lois révisées et les lois issues des concertations entre le président de la République et le Conseil de l’Entente Nationale seront promulguées par le président de la République en la forme d’ordonnances.
7)  Le Conseil de l’Entente Nationale sera dissout après la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale. Sa durée de vie pourrait aller de trois mois à un an.
Il ne faut pas attendre que tout soit détruit pour se mettre à reconstruire. Ce sera peut-être irréversible. Il vaut mieux aller à des solutions consensuelles et pacifiques chez soi, que de se retrouver à Genève entouré de puissances étrangères.

Auteur
Nour-Eddine Boukrouh

 




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