Pour l’amour de Dieu, pour les centaines de milliers de martyrs, pour Ben M’hidi, Abane, Boudiaf, Krim, Lotfi, Zighout, Hassiba Ben Bouali, Petit Moh, l’émir Abdelkader, El Mokrani et tant d’autres, passez la main.
Pour tous ces jeunes que l’espoir a déserté et qui n’ont ni pu obtenir de visa ni pris une chaloupe pour s’exiler ou qui ont péri abandonnés par cette dernière trop vieille pour un tel périple, passez la main.
Pour tous les amoureux de la liberté qui croupissent dans des geôles inhumaines, passez la main.
Pour les entreprises petites ou grandes qui n’ont pas survécu à l’immobilisme tenace, insupportable de l’administration et qui ont fermé boutique, passez la main.
Pour tous ces pères de famille désemparés de ne pas pouvoir subvenir aux besoins primaires de leur famille après avoir perdu leur emploi en quête permanente d’un sachet de lait de pois chiche ou de loubia (haricots), passez la main.
Pour cette économie maintenue en jachère depuis un bout de temps déjà et que vos ministres successifs ont fini par achever, passez la main.
Pour tous ces enfants d’Algérie qui ne réalisent pas encore que l’école dans laquelle ils se rendent tous les matins en a juste l’apparence mais pas le fond, passez la main.
Il est temps Monsieur le Président de penser à sauvegarder la nation car elle appartient aux générations actuelles et futures, à la préserver pour tous ses enfants, comme par exemple cette belle petite de Tindouf à laquelle vous avez fait réciter une logorrhée géostratégique au lieu d’un poème de l’immense poète Nizar Kabbani ou de quel qu’autre poète bien de chez nous.
Oui c’est cela Monsieur le Président. Ce n’est pas vos intentions qui sont mauvaises. Vous êtes réputé pour être plein de bonne foi. On vous appelle même par une certaine affection Ammi. Mais c’est votre angle de vue est biaisé, votre vision de l’Algérie et votre approche des réalités sont erronées, Monsieur le Président. Ne dit-on pas l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
Alors que votre mandat atteint sa phase terminale et que l’Algérie traverse une phase de stagnation quasi totale jamais égalée sur bien des plans (économique, diplomatique, politique etc) vous prétendez pouvoir y apporter quelque remède après toutes ces années d’inaction. Le temps imparti pour le changement semble dépassé pour ce mandat Monsieur le Président.
Pour ne citer qu’un exemple assez déroutant qui en a choqué plus d’un Monsieur le président : au plus fort du bombardement de Gaza, votre ministre des Affaires étrangères planche sur le partenariat algéro-britannique et mène les discussions avec des hommes d’affaires britanniques à l’ambassade d’Algérie à Londres ?!? Quel décalage avec les affaires du monde !
Vous posez la première pierre de tel projet. Vous relancez celui-là. Vous autorisez certaines importations après les avoir interdites, avec une insoutenable légèreté et sans explications plausibles ; sans fournir le comment ou le pourquoi de ces décisions. Vous agissez par à-coups sans vue d’ensemble.
Vous déclarez solennellement et publiquement avoir réglé le problème du foncier et être parvenu à faire adopter la loi par les deux chambres. Quelques jours après, vous ordonnez d’apporter des amendements à cette loi. Il est complexe de vous suivre dans vos palinodies Monsieur le Président.
Vous prenez telle ou telle mesure afin de remettre l’économie sur pied mais elles restent sans suite. Puis vous distribuez des dinars à telle corporation, wilaya ou secteur par un mécanisme propre à vous, indéchiffrable par le commun des mortels.
Après quatre années infructueuses aux commandes du pays, comment imaginer que la dernière soit plus productive ? Ou encore mieux, comment prendre le risque de postuler pour un autre mandat à blanc ?
C’est difficilement envisageable, imaginable monsieur le Président.
Pour l’amour de cette nation qui a tant donné à cette génération qu’est la vôtre, afin d’éviter de lui faire prendre des risques inutiles ou de la fourvoyer dans des chemins tortueux et sans issue, de contribuer à lui faire rattraper un peu du temps qu’elle a déjà trop perdu et enfin refuser de prendre des responsabilités un peu trop lourdes pour vos épaules, il serait plus judicieux et sage de passer la main Monsieur le Président. L’histoire vous le revaudra.