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Délitement l’Etat algérien : entre barbouzeries et compromissions

Tebboune Chanegriha

Tebboune (79 ans) et Chanegriha (79 ans) jouent avec l'avenir de l'Algérie

Les relations algéro-françaises, ce théâtre d’ombres où diplomatie et politique se mêlent et se confondent, offrent une nouvelle scène de ce feuilleton interminable. Une scène où l’étiquette d’« influenceur » est galvaudée et sert, de façon tout à fait impropre, à masquer des pratiques bien plus inquiétantes.

Une relation algéro-française en crise permanente

Nous ne sommes pas dans des relations d’État à État, mais face à des luttes intestines croisées, déguisées en tractations officielles. Cette phase est plus toxique que les précédentes, avec, d’un côté, un appareil d’État algérien en déliquescence avancée et, de l’autre, une extrême droite arrogante et conquérante.

Une influence en déclin

Dans les années 1970-1980, l’Algérie avait structuré une amicale des Algériens en Europe, un relais d’influence qui, bien qu’appareil de contrôle, incarnait une certaine cohérence idéologique et organisationnelle. Inspirée de l’époque de la Fédération de France du MTLD, cette structure servait à clientéliser une partie des émigrés, à neutraliser les groupes d’opposition tout en jouant un rôle diplomatique officieux. Elle partageait une composante humaine similaire à celle des noyaux d’opposition qui se développaient au sein de l’émigration. En vérité, le profil des milieux politiques algériens est demeuré remarquablement stable depuis l’époque de la Fédération de France du MTLD, puis celle du FLN, jusqu’à la fin du XXe siècle.

Une inexorable déliquescence interne

Mais aujourd’hui, le décor a changé. Face à une opposition composée de jeunes cadres dynamiques et de membres des classes moyennes en quête de rupture avec le système en place, Alger oppose un dispositif pathétique : nervis, barbouzes et déclassés téléguidés par des escrocs affairistes dont l’unique idéologie est l’appât du gain. Les moyens financiers mobilisés pour ces opérations de basse besogne sont considérables, et pourtant, le résultat est dérisoire. L’argent, bien qu’abondant, n’achète pas la crédibilité ni l’efficacité. Ce gâchis est un indicateur de l’état des lieux : l’appareil politico-sécuritaire, autrefois redoutable, est aujourd’hui à bout de souffle, incapable de produire autre chose qu’un spectacle tragique.

Cette déliquescence n’est pas un hasard. Elle résulte d’un système qui, à force de compromissions et de pratiques clientélistes, a perdu toute capacité d’innovation et de régénération. Jadis, l’administration algérienne était réputée pour une certaine efficacité, bien que ses services aient déjà eu recours aux moyens de la pègre pour de basses besognes.

Aujourd’hui, ils semblent avoir épuisé toutes leurs ressources humaines et morales, au point de ne plus pouvoir recourir qu’à des individus sans foi ni loi. Les réseaux d’Alger en Europe apparaissent comme une conjuration de nervis et de barbouzes recrutés et manipulés par une noria d’escrocs affairistes avides et sans scrupules. Les tentatives d’Alger de jouer la carte de l’intimidation et de la manipulation paraissent désespérées, mais n’en sont pas moins dangereuses. Leur inefficacité est manifeste, et sans la gravité de la situation, elles paraîtraient presque ridicules et risibles.

Une situation dramatique pour le pays

La situation est dramatique à plus d’un titre. D’une part, l’État algérien s’affaiblit de l’intérieur, incapable de faire face à ses propres contradictions. D’autre part, cette faiblesse alimente l’isolement du pays et sa marginalisation sur la scène internationale. Tout aujourd’hui est symptomatique d’un appareil d’État en perdition, incapable de proposer un projet politique cohérent, d’où son enfermement dans une stratégie répressive débridée.

Dans ce contexte, la question n’est pas seulement de savoir où et comment la scène de ménage actuelle s’arrêtera, mais de saisir si l’Algérie peut encore éviter le pire. Avec un tel pouvoir en place, elle semble s’auto-saboter sans besoin d’ennemis extérieurs. À force de dilapider son crédit symbolique et politique, ainsi que ses ressources humaines et financières, l’Algérie risque de se retrouver sans les leviers nécessaires pour affronter les défis réels qui l’attendent.

Une chose est sûre : la scène de ménage algéro-française, ponctuée de querelles absurdes de pseudo-influenceurs improvisés, est bien loin des priorités d’un peuple pris en otage par l’incompétence et la corruption de ses élites.

Mohand Bakir

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