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Démocratie et république, un couple désuni

Capitole

Capitole. Image par Robert Jones de Pixabay

Si on prend en compte le discours politique, les deux (démocratie et république) sont associées, parfois presque synonymes. Le souci est que dans l’histoire de la philosophie politique les deux concepts sont différents même si les projets politiques en font un objectif commun, ce qui est un vœu qui se réalise rarement et, toujours, par la douleur.

Les notions de république et de démocratie n’ont pas seulement entre elles une naissance éloignée dans le temps mais n’ont pas non plus le même sens.

Abordons ce sujet d’une manière très simplifiée car sa complexification n’est pas l’objectif de cette chronique (comme toujours, par sa définition).

La république est née de l’époque romaine, elle est le support de la démocratie qui est la base conceptuelle des deux. Elle se définit par la participation partagée au pouvoir.

Plébéiens (le peuple), aristocrates, magistrats et consuls incarnaient ensemble le pouvoir. Elle s’oppose donc à un pouvoir héréditaire. Tout cela dans une théorie sublimée par les livres d’histoire.

L’origine latine est « res publica », ce qui se traduit assez correctement par le « bien public », certains diront la « chose commune », c’est en quelque sorte « le pouvoir est l’affaire de tous ».

La république romaine faisait suite à la période des rois étrusques (population de l’Italie préromaine), elle naît vers l’an 500 avant JC et ne survivra pas.

La république se définit donc par une conception des institutions qui font fonctionner des pouvoirs partagés. De très nombreuses formes d’organisation du pouvoir républicain sont apparues dans l’histoire, nous en sommes de nos jours à la conception de Montesquieu  qui théorisa le principe des trois pouvoirs que sont le législatif, le judicaire et l’exécutif.

La république est donc seulement une structure institutionnelle du partage du pouvoir. L’idée de ce partage avait été théorisée à une période antérieure par la notion de démocratie dans la Grèce antique.

Son principe repose sur le fait que le pouvoir naît de la souveraineté du peuple, athénien à cette période, dans la décision politique. On n’y associait aucune forme institutionnelle.

Si le concept est révolutionnaire et repris dans toute l’histoire qui a suivi, commence avec lui la distinction entre le principe annoncé et la réalité de son exercice. La démocratie athénienne est, comme sera la république romaine, un mythe hollywoodien (ce que j’ai souvent soutenu dans mes chroniques) qui ne tient que par le scénario des textes rédigés par les grands philosophes de ce temps.

La démocratie des Athéniens excluait les esclaves, les femmes et bien d’autres catégories du peuple ordinaire, ce qui a été occulté par l’illumination et les fantasmes qui naissent dès qu’on parle de la démocratie athénienne.

Mais on ne peut renier la création du concept de démocratie par Athènes puis celui de la république par Rome. Des siècles n’ont pas réussi à les faire coexister convenablement et sereinement.

Comme pour la république, la démocratie s’est concrétisée par de nombreuses formes dont les deux les plus connues qui se retrouvent de nos jours, la démocratie directe et la démocratie représentative dite indirecte.

La première est la prise décisionnaire par l’ensemble du peuple. Ce fut le cas lors de la naissance à Athènes et peu dans la réalité contemporaine. L’exemple le plus connu est celui de la Suisse au niveau des cantons. On voit bien que cette pratique de la démocratie ne se conçoit que pour des sociétés restreintes en population.

La démocratie représentative est la transmission du pouvoir du peuple à des représentants élus. Elle est en général associée à une représentation directe par la possibilité du referendum par lequel le peuple tranche directement mais son application reste très rare.

Lorsque la république est également démocratique, le concept de participation du peuple est au point culminant. La démocratie peut aussi exister avec une monarchie, ce qui est le cas des monarchies dites « constitutionnelles ».

Le Royaume-Uni en est l’exemple le plus abouti puisqu’il a inventé le parlementarisme qui est l’une des formes institutionnelles de l’exercice de la démocratie. À l’opposé, la démocratie est exclue dans les formes autoritaires du pouvoir, fussent-elles affichées comme monarchies constitutionnelles.

Mais alors pourquoi un monarque dans une démocratie ? Tout simplement parce que certains peuples ont préféré garder un symbole d’incarnation et de continuité que représente le monarque. Le monarque est un ancrage de la stabilité d’un pays confronté continuellement aux combats et alternances politiques. On dit qu’il règne mais ne gouverne pas.

Ce qui est ignoré par beaucoup est que le projet politique de l’indépendance des Etats-Unis en 1776 était uniquement celui de l’instauration d’une république pour rompre définitivement avec le pouvoir monarchique de l’ancien colonisateur.

Il n’était à cette époque pas question, en tout cas d’une manière appuyée et convaincue, d’établir une démocratie généralisée car il était exclu que les afro-américains et les indiens d’Amérique participent au pouvoir. D’ailleurs parmi les pères fondateurs se comptaient des esclavagistes dans leur propriété terrienne.

Avec le temps, lorsque les Etats du nord ont gagné la guerre de Sécession sur le motif (exagéré) de libération des esclaves, la cour suprême a par la suite instauré le concept de « démocratie dans la séparation ». En quelque sorte, leur citoyenneté est reconnue mais s’inscrit dans le cadre social de leur propre communauté.

Si la lutte des droits civiques menée par le pasteur Luther King a supprimé cette seconde forme de ségrégation dans les textes, elle est encore une réalité sociale.

République et démocratie sont ainsi des concepts différents, elles ne sont confondues que par l’existence d’un projet politique et la réalité de son application.

En Algérie il n’y a ni république ni démocratie. Trois mille ans d’histoire de l’humanité n’ont pas encore véritablement marié les deux dans une quasi-totalité du monde.

Boumediene Sid Lakhdar

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