Comme le disait, Thomas Hobbes « Ce n’est pas la sagesse mais l’autorité qui fait une loi ». Bien avant lui, Tacite, célèbre historien et sénateur romain du Ier siècle après JC, avait déjà tiré la sonnette d’alarme : « Plus l’État est corrompu, plus les lois sont nombreuses ».
C’était une équation, d’un genre inhabituel, non pas basée sur un modèle mathématique ou scientifique, mais fondée sur une observation du comportement social ; ce que les études académiques postérieures ont décrit comme la science comportementale connue pour son inexactitude. La sagesse de Tacite a cependant résisté à l’épreuve des millénaires. On aurait aimé connaître l’auteur de cette maxime derrière lequel se cachait un homme d’Etat hors pair qui fût amené à étudier les mobiles de la conduite des hommes et des gouvernements de Rome, pour lui demander lui son avis sur les motivations des responsables sur l’amoncellement des lois qui pleuvent. C’est cruellement d’actualité 2000 ans après Jésus-Christ.
L’âme humaine, elle reste peu changée depuis. Chaque génération a tendance à réinventer l’eau chaude. En ce temps de pénurie de combustibles pour chauffer l’eau. Il n’y a que le décor qui évolue, la mentalité reste la même. Ce n’est pas un problème de lois mais de meurs. Des meurs qui ont la peau dure. Tout le reste n’est que littérature.
C’est une maladie de l’âme, elle est incurable. Ceci dit, «aussi grave que peut être la situation, il est toujours possible de l’aggraver ». Il y a des lois et des lois, des lois utiles et des lois pernicieuses. Il y a des lois qui sapent, déforment, et arrivent à détruire les réalisations de l’effort humain, et dans les cas extrêmes de la Russie soviétique et la Corée du Nord, l’esprit humain.
Les dirigeants politiques octroient des privilèges en échange de récompenses. Lord Acton, des siècles plus tard, confirmait ce risque lorsqu’il affirmait que « Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument ». Ce cercle vicieux attire des corrompus au pouvoir. On est loin de l’intérêt commun. Une loi devrait avant tout répondre à l’intérêt général. Il est inconcevable d’alourdir la législation de cas particuliers assis sur des nids de corruption.
C’est un fait établi, l’Etat en Algérie est un Etat sous développé. Le sous-développement économique est une réalité globale multidimensionnelle. On peut parler de sous-développement politique comme on peut parler de sous-développement économique ou culturel. Il est indispensable et urgent de soumettre les institutions politiques et économiques à un examen critique afin de s’assurer de leur solidité et de leur crédibilité. Une approche paternaliste de la société a eu un effet démobilisateur de la base, comme c’est l’Etat et non pas la société dans son ensemble qui était considéré comme acteur principal de développement, il en a résulté une apathie généralisée.
Cette passivité des populations a renforcé la tendance à centraliser à l’excès l’administration et la planification. Cette centralisation a eu pour effet de conférer un pouvoir démesuré à un petit nombre de fonctionnaires (membres des comités de marchés) qui n’étaient pas toujours capables de résister aux tentations que ce pouvoir suscite immanquablement.
Ces tendances à la centralisation affaiblissent à leur tour la capacité des entreprises économiques à générer des ressources ; par contre elles permirent au secteur privé de réaliser des profits excessifs souvent employés à des dépenses ostentatoires plutôt qu’à des investissements productifs.
Le pouvoir ne s’est pas organisé en fonction des activités et des besoins de la masse de la population, il n’a pas épousé le pays réel, il enrichit et est devenu jouissance. L’incapacité des dirigeants d’améliorer de façon tangible les conditions de vie et de travail des populations suscita un mécontentement croissant entraînant des revendications de plus en plus pressantes. Les dirigeants commencèrent à voir dans le désir de participation populaire à la vie politique et économique une menace pour leur situation personnelle, et une remise en cause de leur conception du développement.
Il faut, nous semble-t-il engager une discussion plus ouverte et plus franche sur l’ampleur de la corruption et ses effets néfastes sur le développement et la société Aucun gouvernement ne peut avoir d’autorité et aucun plan de redressement ne peut être réalisé efficacement sans l’association des populations au processus de décision et de planification de l’Etat, car plus il faut travailler à l’acceptation du système par la population, gagner son adhésion et sa soumission, plus la bureaucratie se fait tentaculaire, plus grande est la partie d’énergie sous traitée aux entreprises économiques et sociales productives pour être consacrée au seul maintien du pouvoir et à la stabilité sociale.
La perte d’énergie ainsi sous traitée peut entraîner un cercle vicieux, plus on est mécontent, plus l’opposition se manifeste sous diverses formes et plus ils doivent travailler pour s’y maintenir, un tel enchaînement peut-il être rompu sans de violentes convulsions dont l’issue finale est si incertaine. C’est une chose que la phase politique de libération nationale, ç’en est une autre que la phase économique, construire une économie était une tâche bien délicate, plus complexe qu’on ne le pensait.
C’est pourquoi, l’Etat pourra connaître une instabilité d’autant plus grande que les problèmes économiques et sociaux deviendront plus aigus.
En résumé, la dépendance externe et la violence interne sont le résultat logique et prévisible des politiques menées à l’abri des lois qui brisent sans brider, qui éblouissent dans éclairer, qui claironnent sans se faire entendre, qui coûtent sans rapporter marginalisant la majorité de la population au profit d’une minorité de privilégiés sans foi ni loi et au grand bénéfice des multinationales, instruments d’asservissement des peuples et de corruption des élites sous la protection des organismes internationaux, véritables gardiens du temple dont les régimes politiques sont les adeptes et les fervents défenseurs de l’ordre mondial dominant.
Aussi longtemps, croit-on savoir, que l’Algérie n’aura pas comblé les fossés économiques et sociaux qui existent au sein de la société et qu’elle n’exploitera pas de manière indépendante ses propres ressources, il nous semble qu’elle demeurera soumise aux convulsions internes, aux ingérences et à l’exploitation étrangère.
Dr A. Boumezrag