Le patron de la DGSE, Nicolas Lerner, évoque des « signaux » algériens en faveur d’une reprise du dialogue avec la France. Sommes-nous à la veille d’une détente après un an de crise sans précédent ?
La stratégie de tension a encalminé les relations algéro-françaises. Plus d’un an après le déclenchement d’une grave crise diplomatique entre Paris et Alger, suite à la reconnaissance par la France du plan marocain pour le Sahara occidental, le directeur de la DGSE, Nicolas Lerner, a affirmé lundi 10 novembre percevoir des « signaux » de la part de l’Algérie laissant entrevoir une possible reprise du dialogue entre les deux pays.
Invité sur France Inter, le chef des renseignements extérieurs français a déclaré :
« Aujourd’hui, nous avons des signaux qui viennent de la partie algérienne sur une volonté de reprise du dialogue. »
Il a précisé qu’il s’agissait de « signaux à la fois publics et non publics », tout en réaffirmant la position de la France :
« La France y est prête, la France y a toujours été prête, mais elle rappelle ses exigences, notamment la libération de nos deux compatriotes. »
Une crise née à l’été 2024
Les relations entre Paris et Alger se sont brutalement détériorées à partir de juillet 2024, après plusieurs différends politiques et judiciaires. Pas seulement, le soutien d’Emmanuel Macron pour le plan de Mohammed VI pour le Sahara occidental a mis en rogne le régime algérien qui a rappelé son ambassadeur à Paris. A l’époque, les autorités algériennes, avaient par la voix du ministère des Affaires étrangères algérien, exprimé « leur profonde réprobation ».
La crise avait éclaté dans un contexte de tensions plurielles ravivées et d’accusations croisées d’ingérence, avant de s’envenimer à la suite de l’arrestation de deux ressortissants français en Algérie.
L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal avait été interpellé le 16 novembre 2024 à Alger et condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale ». Quelques semaines plus tard, le journaliste Christophe Gleizes, correspondant de SoFoot, un hebdomadaire français, était condamné en première instance à sept ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme ». Il est accusé d’avoir eu des contacts avec des militants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, classé depuis 2021 comme organisation terroriste par le régime. Détenu dans la prison de Tizi-Ouzou, Christophe Gleizes doit comparaître en appel le 3 décembre prochain.
Ces affaires ont entraîné la suspension de plusieurs échanges bilatéraux, la réduction de la coopération sécuritaire et le rappel temporaire des ambassadeurs et diplomates. Paris avait qualifié la situation de « rupture grave de confiance », tandis qu’Alger dénonçait une « campagne hostile » menée par certains médias français.
Des canaux restés ouverts malgré tout
Malgré ce gel diplomatique, Nicolas Lerner a insisté sur le maintien d’un minimum de contacts entre les services des deux pays :
« Les canaux de communication n’ont jamais été coupés », a-t-il assuré, estimant toutefois que la coopération antiterroriste avait atteint « un point extrêmement bas ».
Pour le patron de la DGSE, il n’est dans « l’intérêt d’aucun des deux pays de rester dans cette situation de blocage ». Il dit espérer que les signaux actuels puissent permettre d’amorcer une désescalade progressive.
« Si les services algériens étaient en capacité de détecter une menace sur le territoire national, je veux croire qu’ils la signaleraient », a-t-il ajouté, soulignant l’importance de maintenir une confiance minimale entre partenaires face aux défis sécuritaires communs.
Premier constat : la grâce que pourrait accorder Tebboune à l’écrivain Boualem Sansal suite à la demande du président fédéral allemand constitue le premier signe probant de la volonté des autorités algériennes d’oublier la crise pour aller de l’avant. L’autre constat : c’est la première fois que les médias publics cite Boualem Sansal sans le charger de qualificatifs odieux.
L’occasion, il est vrai, est importante pour passer à côté. Que cela soit pour l’Algérie dont la diplomatie est devenue inaudible ou pour la France dont deux citoyens sont détenus en Algérie. En France, même si l’extrême droite et ses appendices comme Bruno Retailleau et Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur il y a un net changement de ton de la part des officiels.
Même si officiellement les relations sont rompues entre les deux capitales, plusieurs « missi dominici » s’emploient depuis plusieurs mois pour renouer les fils du dialogue entre les deux capitales. Après le rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France, Chems-Eddine Mohamed Hafiz, recteur de la Grande mosquée de Paris, est considéré comme la voix officieuse du régime algérien. En face l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, a été reçu plusieurs fois par Tebboune. Ces audiences ne sont pas sans raison dans un travail de coulisses pour rétablir les relations avec Paris. Enfin, la nomination de Laurent Nuñez au ministère de l’Intérieur français en lieu et place de l’anti-Algérie, Bruno Retailleau, a permis de baisser la tension entre les deux pays. Homme de dialogue le nouveau ministre de l’Intérieur a fait montre de beaucoup de tact sur le dossier Algérie.
Sofiane Ayache/AFP

