Lundi 23 décembre 2019
Différence entre un mouvement populiste et un soulèvement populaire (III)
Autre différence : le mouvement ouvrier insurrectionnel ne quémande pas la liberté, l’autorisation d’action, l’homologation de l’insurrection, ou des concessions démocratique à l’État capitaliste, qu’il ne reconnaît pas comme interlocuteur équitable. Il prend ces libertés et les impose à toute la collectivité.
A contrario, les mouvements démocratiques occupent la rue pour quémander des réformes à l’État des riches qui, par leur satisfaction partielle, temporaire (car souvent dénoncées par la suite), désarment les révoltés, divisent leurs rangs et renforcent ainsi le pouvoir tentaculaire de l’État bourgeois, lui permettant de se remettre sur pied et de préparer la répression sanglante du mouvement prolétarien.
Autrement dit, les mouvements démocratiques bourgeois, par leurs revendications réformistes et leur satisfaction, favorisent l’intensification de l’exploitation du capital et la dictature capitaliste contre le peuple laborieux. Et surtout contribuent à la pérennisation du mode de production capitaliste, prolongé grâce aux rafistolages provisoires économique, social et politique, appliqués avec le soutien actif de la petite-bourgeoisie soucieuse d’assurer son avenir.
A contrario, les soulèvements populaires ouvriers investissent collectivement les lieux de production pour contrôler directement l’économie, et donc la société. Le mouvement insurrectionnel prolétarien ne nourrit aucune illusion à propos de l’État des riches et de ses institutions. Par son combat radical émancipateur, il brûle tous les ponts et s’engage dans une guerre de classe jusqu’à l’obtention de la victoire. Combat mené sans compromis, puisqu’il n’a rien à perdre que ses chaînes pour atteindre son émancipation de classe.
Qui détient le pouvoir économique contrôle l’État bourgeois, les pouvoirs politique et idéologique, les médias et les appareils culturel et éducatif de reproduction de l’aliénation. Par le contrôle direct sur l’économie, le mouvement populaire ouvrier favorise ainsi la dislocation puis le dépérissement de l’État bourgeois, laissant place au pouvoir ouvrier (nous ne présumons pas du mode d’organisation que privilégieront les prolétaires révolutionnaires, appelés à expérimenter moult formes d’organisation avant d’adopter la plus appropriée au nouveau mode de production en construction).
De surcroît, l’exercice de démocratie ouvrière directe, fédérative, collective, constituera, croyons-nous, un obstacle efficace contre l’autonomisation du Politique, et subséquemment contre la monopolisation des pouvoirs économique, politique et idéologique.
Au reste, contrairement au système capitaliste dans lequel la classe dominante économique impose ses orientations au politique et à l’idéologique, en fonction de ses attributions imposées par le mode de production (la nécessité de la valorisation et de l’accumulation du capital comme panacée à la production et à la distribution des marchandises pour accomplir la mission de reproduction de l’espèce), avec le pouvoir ouvrier, le politique et l’idéologique, grâce à l’organisation horizontale des pouvoirs et de la gouvernance étendue à l’ensemble de la population laborieuse, primeront sur les contingences économiques imposées par la nature. Ce sera l’ère du pouvoir démocratique populaire. Les trois instances (l’économique, le politique et l’idéologique) se complèteront car, sous le nouveau mode de production, tous les besoins humains seront comblés pour tous, et nul besoin d’accumuler pour assurer la survie de la collectivité.
Le mode de production prolétarien communiste ne constitue pas un retour à la nature sauvage mais la domination humanoïde totale sur la nature. L’économie (la production, la distribution) sera mise au service de la communauté humaine toute entière sans classe sociale, et la communauté humaine cessera d’être enrégimentée au service de l’économie prédatrice. Le concept même de marchandise à monnayer et à commercialiser n’aura plus aucune signification. Finis le patronat, l’industriel, le commerçant, le banquier, le prédateur financier, le politicien véreux et l’intellectuel obséquieux, tout comme le prolétaire aliéné.
En tout état de cause, à la différence de la révolte démocratique bourgeoise réformiste, le soulèvement populaire ouvrier n’aspire pas seulement à desserrer l’étau dictatorial par l’assouplissement des politiques totalitaires, dans le cas d’un régime despotique, ou à moraliser la démocratie mercantile corrompue, dans le cas d’un système libéral, mais à annihiler totalement le pouvoir du capital pour transformer les conditions sociales, instaurer un nouveau mode de production social.
Plus concrètement, par sa lutte à finalité émancipatrice et non réformiste, le mouvement ouvrier s’organisera pour transformer ses revendications en pratiques vivantes et directes appliquées à tous les espaces de vie sociales, depuis le quartier, les écoles, jusqu’aux lieux de travail.
En outre, contrairement au mouvement populiste-démocratique-bourgeois érigé en partenaire légaliste en quête de reconnaissance officielle auprès des instances étatiques capitalistes, le mouvement ouvrier, par sa capacité d’être un protagoniste social et politique indépendant et structuré, s’organisera d’emblée dans ses espaces sociaux propres : les usines, les entreprises, les ateliers, les chantiers, les quartiers, les transports en commun, les écoles, les universités, les espaces publics, les hôpitaux, pour les gérer collectivement.
Aussi, par l’instauration de son pouvoir informel, favorisera-t-il la dissolution des rapports sociaux existants et la modélisation de sa nouvelle société sans patrons, sans État, sans capital, sans propriétaires et sans argent. Une société fondée sur la satisfaction des besoins sociaux concrets des êtres humains, prémices de la communauté humaine universelle sans classe.