Le pape Léon XIV a nommé, vendredi 11 juillet 2025, Mgr Michel Guillaud évêque du diocèse de Constantine-Hippone, en Algérie. L’annonce a été faite par le Bureau de presse du Saint-Siège et relayée par l’agence I.Media, organe officiel d’information du Vatican.
Cette nomination dépasse la simple désignation d’un nouveau prélat : elle revêt une portée hautement symbolique, tant pour l’histoire de l’Église que pour le pontificat actuel.
Originaire de Lyon, Mgr Guillaud assurait depuis 2024 l’intérim en tant qu’administrateur apostolique de ce diocèse emblématique, dont le siège était resté vacant après la nomination de Mgr Nicolas Lhernould comme archevêque de Tunis, en avril 2024. Il prend désormais officiellement la tête de cette Église locale au rayonnement discret — elle ne compte que quelques centaines de fidèles — mais à la résonance spirituelle considérable.
Le diocèse de Constantine-Hippone correspond à l’ancienne Hippone, aujourd’hui Annaba, ville qui abrite la basilique Saint-Augustin, l’un des hauts lieux du christianisme antique. C’est là que vécut et œuvra saint Augustin (354-430), père de l’Église et évêque d’Hippone durant près de 35 ans. Ce lien n’est pas anodin : Augustin est l’une des figures tutélaires du pape Léon XIV, élu en mars dernier. Sa pensée inspire profondément le nouveau souverain pontife, qui voit en lui un modèle de dialogue entre foi et raison, entre cultures et civilisations.
Toujours selon I.Media, une visite officielle du pape Léon XIV en Algérie serait actuellement en cours de préparation. Ce déplacement marquerait une étape inédite dans le dialogue entre le Saint-Siège et le Maghreb, et consacrerait le lien historique, intellectuel et spirituel entre le successeur de Pierre et la terre d’Augustin. Une manière, aussi, de réaffirmer la place du christianisme dans l’histoire plurimillénaire de l’Algérie, en fidélité à une mémoire partagée, au-delà des appartenances religieuses contemporaines.
Dans un contexte de recomposition des équilibres religieux et culturels à l’échelle méditerranéenne, cette nomination et l’éventuelle visite papale témoignent de la volonté du Saint-Siège de maintenir un dialogue fécond avec les sociétés du sud. À Constantine comme à Annaba, le souvenir d’Augustin reste bien vivant. Il trouve aujourd’hui un nouvel écho dans le geste pastoral du pape Léon XIV.
Des Témoins de Jéhovah condamnés pour prosélytisme
Si elle venait à se concrétiser, cette visite pontificale aurait une portée hautement symbolique, mais interviendrait dans un climat marqué par une surveillance accrue des pratiques religieuses non musulmanes.
Récemment, plusieurs membres d’un groupe missionnaire affilié aux Témoins de Jéhovah ont été condamnés par la justice algérienne pour des faits de prosélytisme. L’affaire remonte à mai 2024, avec l’arrestation à Tizi Ouzou de cinq personnes, dont deux ressortissants français, soupçonnées d’avoir incité des citoyens à adopter une autre religion que l’islam. Présentés au procureur le 2 juin 2024, ils ont été poursuivis pour « incitation à embrasser une religion autre que l’islam » et « atteinte à l’unité nationale », en vertu de la loi sur les cultes non musulmans (article 11) et de l’article 79 du Code pénal.
Le 22 octobre 2024, le tribunal de Tizi Ouzou a prononcé à leur encontre une peine de deux ans de prison ferme assortie d’une amende de 100 000 dinars algériens. Ce jugement a été confirmé en appel le 11 mars 2025. Les autorités prévoient désormais leur expulsion administrative après restitution de leurs passeports.
Cette affaire a suscité de vives réactions au niveau international. Plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies, notamment sur la liberté de religion, les droits des minorités et la liberté de réunion pacifique, ont exprimé leurs inquiétudes quant au respect des garanties fondamentales et aux implications pour la liberté de culte en Algérie.
En réponse, début juillet 2025, le gouvernement algérien a assuré que le procès s’était déroulé dans le respect des règles de procédure et des droits garantis par la Constitution. Il a par ailleurs souligné qu’aucune plainte n’avait été déposée par les condamnés ou leurs avocats, tout en refusant de commenter les critiques récurrentes concernant l’usage controversé des lois anti-prosélytisme.
Dans ce contexte, la venue du pape Léon XIV en Algérie prendrait une dimension à la fois religieuse et diplomatique. Elle pourrait marquer une volonté de dialogue renouvelé, mais aussi tester les équilibres délicats entre mémoire chrétienne, législation nationale et ouverture au pluralisme religieux.
Samia Naït Iqbal